Thor 4 : 10 preuves que Marvel a foiré Love and Thunder

La Rédaction | 29 juillet 2023
La Rédaction | 29 juillet 2023

Après le triomphe de Ragnarok, Thor 4, aka Thor : Love and Thunder est une sacrée douche froide, représentative des problèmes de Marvel.  

Notre critique de Thor : Love and Thunder

Comme pas mal de monde, la rédaction d'Ecran Large a vu dans Thor : Ragnarok un petit vent de fraîcheur pop, coloré et délirant, bien loin de la chienlit des premières aventures solo du dieu du tonnerre. Chris Hemsworth y révélait d'ailleurs tout son talent comique sous la houlette du réalisateur Taika Waititi (Vampires en toute intimité, Jojo Rabbit).

Pas de bol, en cherchant la même recette, Thor : Love and Thunder s'impose comme une grosse déception, malgré le retour de Natalie Portman en Jane Foster. Le long-métrage est empêtré dans des enjeux de maternelle, un goût trop prononcé pour la gaudriole, et la narration plus que jamais calibrée du MCU. On en viendrait presque à y voir une synthèse du pire que peut proposer Marvel Studios, ce qui méritait bien un décryptage en 10 points.

ATTENTION SPOILERS

 

 

LES THOR DU REBOOT

À la fin d'Avengers : Endgame, Thor et son gros bide partaient dans l'espace avec les Gardiens de la galaxie, pour gérer une crise existentielle post-Thanos. Une idée d'Asgardiens de la galaxie parfaitement torchée par Taika Waititi en intro de Love and Thunder, puisque tout ça est évacué en quelques scènes comiques, lesquelles ramènent au même stade : Thor est re-musclé, re-débile, re-égocentrique, re-minable.

Le personnage semble ainsi tourner en rond, encore et toujours, pour suivre la même trajectoire d'humanisation, option ravalage d'ego et petit cœur activé - soit à peu près ce qu'il vit depuis le premier film. Le fait qu'il retrouve Jane pour recommencer une romance n'aide pas à atténuer ce sentiment de déjà vu et vécu, bien au contraire. L'obligation de l'aventure solo et déconnectée du reste du MCU est évidente, quitte à quasiment effacer le trauma d'Avengers : Infinity War et Endgame. De là à dire que Thor est l'un des héros les moins bien écrits et gérés depuis le début du MCU, avec la sensation d'un quasi-reboot tous les deux films...

 

Avengers : Endgame : photo, Chris Hemsworth"Est-ce qu'ils savent où ils vont avec les Asgardiens ?"

Thor étant le premier Avengers à avoir droit à un quatrième opus, et donc à traverser les Phases au milieu des ruines d'hier (Iron Man et Black Widow morts, Captain America HS, Hulk et Hawkeye réduits à du renfort sur Disney+), nul doute que les scénaristes cherchent des manières d'avancer. Leur solution : papa Thor, histoire de continuer cette affreuse tradition très récente (James Bond, Terminator, Indiana Jones...).

Sacrée audace ou geste de désespoir ? L'avenir le dira (sauf si c'est balancé dès le prochain film et réduit à trois scènes nulles, comme les Asgardiens de la galaxie ici).

 

Thor : Love and Thunder : photo, Chris HemsworthJack Burton dans les griffes de Mickey

 

LE MAÎTRE D'AUCUN UNIVERS

Si Taika Waititi est un artiste passionnant en dehors de Marvel, difficile de penser qu’il a réellement piraté la machine. Certes, son humour délirant s’accorde plutôt bien à l’aspect bariolé de ses Thor, mais sa mise en scène est loin de partager la même profondeur que ses propositions plus personnelles.

Doit-on y voir une forme de cynisme ou de désintérêt ? Peut-être, tant le réalisateur affirme de scène en scène à quel point l’univers du MCU lui importe bien peu. C’est d’autant plus triste puisqu’il a, entre les mains, un horizon cosmique aux possibilités multiples. Mais entre un New Asgard réduit à un village de pêcheur ouvertement artificiel (la ville est transformée en parc d’attractions) et sa cité des dieux qui se contente d’une suite de plans larges tendance fond d’écran en CGI, Waititi ne convoque qu’une série d’aplats, qui ne cherche jamais le raccord entre ses pans d’univers et les déambulations de ses personnages.

 

Thor : Love and Thunder : photo, Natalie PortmanPersonnage mal éclairé + arrière-plan aplati = plan de merde

 

Du plan d’ensemble, on passe tout de suite à Thor qui navigue sur fond vert, sans jamais chercher à montrer comment ces sociétés et ces mondes imaginaires fonctionnent et sont habités.

On sait désormais que la prévisualisation (ces séquences animées qui testent en amont comment seront filmées les séquences d’un film) est primordiale chez Marvel, au point de brider la créativité des réalisateurs. Ainsi, Thor : Love and Thunder est particulièrement représentatif d’un système où toutes les scènes se ressemblent, où les money-shots s’enchaînent sans crescendo, et où la direction artistique est perdue dans ce foutoir général.  

 

Thor : Love and Thunder : photo, Chris Hemsworth, Natalie PortmanÇa se passe de commentaires

 

ALLONS ENFANTS DE L'APATHIE

Pour pimenter un peu l'intrigue et donner l'illusion que le scénario a des enjeux sérieux, Gorr se prend pour Grippe-sou et kidnappe des petits Asgardiens qu'il enferme dans une cage. Le but du méchant est de s'en servir comme appât pour attirer Thor à un endroit bien précis et lui chiper Stormbreaker, ouvrir le Bifrost et atteindre Éternité. L'arc des mioches ne sert donc qu'à provoquer la rencontre entre le dieu et le boucher des dieux et n'a aucune autre vocation. Thor lui-même est d'ailleurs conscient qu'il s'agit d'un piège grotesque (il n'est donc abruti qu'à 99%), mais y fonce quand même, puis s'étonne qu'il puisse s'agir d'un piège (ah non, on reste sur du 100% en fait).

Exhiber la progéniture des Asgardiens était aussi un prétexte pour introduire Axl, le fils d'Heimdall (qu'on retrouve dans la scène post-générique, comme par hasard). Mais on attend toujours de connaître sa future utilité étant donné que le personnage n'a été qu'une balise GPS qui a aidé à faire avancer l'histoire et permis 3 ou 4 gags inutiles de plus. 

 

Thor : Love and Thunder : photo, Chris HemsworthBabysiThor

 

De leur côté, les autres enfants moisissent dans leur cage avec un calme aberrant. Comme pour le reste, le film n'en fait rien, ne dégage aucune tension, aucun sentiment d'urgence ou de détresse, encore moins quand le scénario fait un autre doigt d'honneur au public et les dote de super-pouvoirs pour qu'ils défoncent tranquillement les méchants, sans même s'égratigner le genou (et rentrent à bon port... par eux-mêmes).

On n'a donc jamais peur de ce qu'il peut leur arriver et on ne ressent aucune empathie, car ils ne sont jamais malmenés (Gorr s'amuse à peine à les traumatiser), jamais menacés de faim, de froid ou de crises de larmes. C'est à peine s'ils réclament leur mère. Une météorite pourrait leur tomber dessus qu'on ne les croirait pas en danger. Comme si le film, qui a remplacé certaines effusions de sang par de jolis jets de paillettes dorés, comptait réellement tuer des enfants ou même tuer quelqu'un tout court...

 

Thor : Love and Thunder : photoBabysiGorr 

 

À MORT LA MORT

Eh oui, c’est tout le problème de ce Thor 4, on ne craint jamais rien pour personne. Alors que les jeunes Asgardiens sont kidnappés par Gorr et ses créatures, on ne croit jamais que le grand méchant puisse leur faire du mal. Pourquoi ? Parce qu’un film du MCU, PG-13 de surcroit, ne se risquera jamais à tuer un enfant. Et forcément, quand l’enjeu du récit est centré en partie sur l’idée même de les sauver, difficile d’avoir une petite dose d’angoisse sur leur sort vu la franchise.

On pouvait alors espérer, surtout pour le quatrième film solo de Thor et donc la présence de nombreux personnages solides et établis de l’univers, que des comparses du dieu du tonnerre y passeraient. Et tout au long du film, Taika Waititi et sa co-scénariste, Jennifer Kaytlin Robinson, nous font miroiter la mort de certains amis de Thor, nous faisant espérer quelques morts tragiques et émouvantes (à défaut d’être sanglantes). Que nous étions naïfs.

 

Thor : Love and Thunder : photo, Russell CroweOn Zeus espéré qu'il crève pour de bon

 

Sif (aka Jaimie Alexander dans un rôle terriblement triste pour sa carrière) est sur le point de mourir après le passage de Gorr ? Pas de problème, elle sera finalement sauvée à coups de blagues sur le Valhalla. Le sidekick Korg s'écroule sur lui-même après avoir été foudroyé par Zeus ? On nous expliquera d'une pirouette que le Kronan peut vivre simplement avec sa tête. Zeus se fait transpercer par Thor et tombe dans le vide, laissé pour mort ? Il sera ressuscité tranquillement en scène post-générique. Valkyrie est blessée gravement au combat par Gorr ? Elle s'en remettra aussi vite qu'un hypocondriaque d'un cancer imaginaire.

En parlant de cancer, Jane Foster meurt dans les bras de Thor à la fin du film. Voilà, enfin une mort nous direz vous ! Eh bien même pas, puisque la scientifique débarque au Valhalla en scène post-générique, aux côtés de... Heimdall (tiens un autre mort qu'on relance dans l'univers). Certes, ils sont au paradis, mais avec Marvel, on peut supposer que leur retour n'est pas totalement anodin. Alors en voyant tout le monde survivre, on ne croit plus rien et toutes les possibles tensions sont annihilées.

Au final, seul le Dieu tué par Gorr en début de film meurt vraiment (sans compter les Dieux hors-champ, ça aurait été bête de montrer la cruauté du méchant quand même) et Gorr également, parce que quand même c'est le méchant quoi. Le boucher permet même à Thor 4 de faire une cabriole ultime : ressusciter la fille de Gorr, morte en début de film et cause de la haine de Gorr. Bref, quand on vous disait que les enfants ne pouvaient pas vraiment mourir dans un Marvel... Et vu le film, c'est à se demander qui peut vraiment y passer pour de bon !

 

Thor : Love and Thunder : photo, Chris HemsworthAh il y a cette grosse bête aussi qui meurt, mais tout le monde s'en fout complet

 

JANE, ENTRE LA VIE ET L'AMORPHE

Quelqu'un chez Marvel a finalement ouvert les yeux pour réaliser que Natalie Portman avait jusque là été le pot de fleurs le plus talentueux du MCU, après deux apparitions très chères dans Thor et sa suite. Cette même personne a probablement vu passer un tweet sur l'arc Mighty Thor des comics, où Jane Foster est rongée par un cancer, et récupère le marteau de Thor pour devenir sa propre héroïne.

Là, l'idée de génie a germé : rappeler l'actrice avec une proposition un minimum respectueuse, et s'occuper de cette romance et collaboration finie en eau de boudin (personne ne comptera ses apparitions dans Agents of SHIELD et Avengers : Endgame, purs recyclages de scènes déjà tournées). Ne manquait plus que le talent d'écriture, et c'est là que le drame arrive.

Taika Waititi et sa co-scénariste Jennifer Kaytin Robinson (qui a notamment travaillé sur la série Hawkeye) sont incapables de rendre justice à Mighty Thor. Pas parce qu'ils n'ont pas réussi à écrire le plus grand et beau des drames sur le cancer de Jane, et sa bataille contre cette science et cette nature qu'elle aime et étudie - personne n'est dupe sur le cahier des charges. Le ratage est tellement immense qu'à peu près rien n'a de sens dans ce retour de Jane, et que tout semble bâclé.

 

Thor : Photo Natalie Portman, Chris HemsworthScène déjà oubliée avec pot de fleurs Portman

 

À la faveur d'un livre qui murmure et d'une ellipse absolument grotesque sur sa transformation (la suite a été coupée, puisque des images de tournage confirment que Natalie Portman a été filmée en pleine transe aérienne post-réveil du marteau), Jane devient ainsi super-Jane. La suite continuera dans le pire, avec une autre ellipse jusqu'à ce que super-Jane soit déjà à peu près en pleine maîtrise de ses pouvoirs, lorsque Thor la retrouve dans une rue d'Asgard.

La révélation du cancer est mi-blague mi-drame, le passage obligé de la raison ("Retourne au lit Jane, je vais sauver le monde, occupe-toi de ton cancer") est torché en deux scènes de pur pilote automatique, et le grand sacrifice final est tellement mal écrit-filmé-monté-pensé qu'il est possible de bloquer quelques instants pour le comprendre (Jane éclate la méchante épée, récupère les morceaux, frappe un grand coup... et c'était le coup de trop ? À cause de l'épée ? À cause de pas le temps pour plus ? À cause de oh-mince-allez-on-s'en-fiche-on-avance ?).

En somme : toutes les étapes sont sacrifiées sur l'autel du lol et du fluo, réduisant Mighty Thor à trois miettes de dramaturgie, et ne laissant aucune place à l'actrice pour exister. Au bout du compte, Natalie Portman alias Barbie crinière ondulée (il va falloir stopper ces perruquiers diaboliques) est donc repassée en coup de vent dans le MCU, pour avoir sa part du gâteau super-héroïque (c'est-à-dire afin de contenter ses mioches, elle ne le cache pas). Le fait que Jane succombe à son cancer aurait pu être une mauvaise nouvelle, marquant déjà la fin de Mighty Thor. Mais vu le carnage, c'est une bonne chose, pour nous et Natalie Portman.

 

Natalie Portman : photo, Thor : Love and ThunderScène qu'on a déjà envie d'oublier avec Natalie Portman

 

L’ACTION EN BERNE

Avec 250 millions de dollars de budget (soit l'un des cinq plus gros budgets de la franchise MCU, sans prendre en compte l'inflation), on pouvait s'attendre à un spectacle sans pareil pour ce Thor : Love and Thunder. D'autant plus avec la présence des Gardiens de la galaxie dans l'équation, la possibilité de visiter des planètes inédites et la présence de Gorr, le boucher des dieux, dont les pages de comics lui étant consacrées laissent peu de doutes de son potentiel pour l'action. Mais sans surprise, avec un scénario aussi bordélique et un metteur en scène à la ramasse, l'action est absolument calamiteuse durant ce Thor : Love and Thunder.

Il est même difficile ne serait-ce que de citer une scène d'action un tant soit peu excitante, puisqu'aucune ne se démarque vraiment des autres. Le minuscule passage des Gardiens de la galaxie aurait pu offrir une séquence mineure spectaculaire, mais avec la présence de Thor, toute l'action est rapidement annihilée par une succession de gags préférant parodier JCVD. La bataille de New Asgard aurait pu se transformer en ballet horrifique avec ses ombres menaçantes, mais est tout bonnement illisible et rapidement supplantée par les retrouvailles Jane-Thor.

 

Thor : Love and Thunder : photo, Chris HemsworthUne bataille d'une pauvreté et banalité hallucinante

 

Que dire par ailleurs de la séquence à Omnipotence, où la multitude de Dieux représentait une mine d'or pour offrir une scène d'action impressionnante. Il n'en sera encore rien, l'ensemble se jouant sur une plateforme ridicule où de simples gardes viennent taquiner nos héros pendant que Zeus ne daigne bouger de son trône. Reste alors les séquences au Shadow Realm, probablement les plus réussies en termes d'action de ce Thor 4.

Outre la première confrontation perdue par les héros, habilement menée malgré un montage toujours aussi chaotique, le climax envoie un peu avec les bestioles et les gosses, le duel entre Thor et Gorr, et finalement l'arrivée miraculeuse de Mighty Thor pour remporter la bataille. Il y a du spectacle, quelques jeux avec les armes (notamment Mjolnir) et un semblant d'épique devant la situation. Mais si l'on y regarde de plus près, ce climax d'à peine 10 minutes reste bien pauvre dans un film qui promettait une boucherie avec son méchant et un trip d'action fou avec ses deux Thor. Désillusion pour un film de super-héros qui n'a rien de super et rien d'héroïque.

 

Thor : Love and Thunder : Photo Chris Hemsworth, Christian BaleUn climax qui relève (un tout petit peu) le niveau

 

PERSOS TERTIAIRES

Que ce soit voulu ou non, Thor : Love and Thunder surprend par sa manière de reprendre à son compte (peut-être plus qu’aucun autre film de la franchise avant lui) l’humilité de certains comics solo, qui consistent à ne présenter qu’une petite aventure sans grand bouleversement majeur.

Dans le cas présent, ce sentiment est grandement dû à la nonchalance avec laquelle le scénario traite ses personnages secondaires comme des serpillères. Que les Gardiens de la galaxie ne servent que de caméos de luxe, passe encore (quoique Endgame semblait vouloir faire quelque chose de cette association de personnages). Pour autant, Korg et Valkyrie sont représentatifs d’un récit qui ne sait jamais quoi faire d’eux, si ce n’est rajouter un peu de variété et d’humour à la noix dans l’équation.

 

Thor : Love and Thunder : photo, Chris Pratt, Chris Hemsworth, Pom Klementieff"Combien de millions on touche par minute à l'écran ?"

 

Thor (et Jane, si on est gentils) ne font qu’exister en marge des autres personnages, que le film ne peut jamais pleinement mettre en danger. L’échelle globale de la narration n’en paraît que plus étriquée, alors que quelques moments intimes ne demandent qu’à être approfondis (en particulier la sororité naissante entre Jane et Valkyrie, malheureusement explicitée sur une seule scène).

Waititi avait un boulevard pour s’amuser avec sa troupe de barjos. Il n’en fait qu’une suite de pancartes de plus en plus révélatrices de la véritable identité du roster Marvel : celle d’un paquet d’autocollants qu’on colle dans un cahier illustré.

 

Thor : Love and Thunder : photoSoirée pyjama chez Valkyrie

 

GORR SANS BALE

S’il y a peut-être une chose à garder dans Thor : Love and Thunder, c’est sa séquence d’introduction, la seule qui exploite sérieusement son univers débridé pour y implémenter son nouveau méchant : Gorr le boucher des dieux. Alors que l’abandon des dieux et leur hybris déclenchent la quête de vengeance de l’antagoniste, il en faut finalement peu à Waititi pour façonner une menace crédible, supportée par la performance impliquée de Christian Bale.

D’un autre côté, tout ce beau monde est bien conscient que le salut du personnage réside dans cette poignée de minutes, à l’instar de bon nombre de films Marvel. Le pré-générique est presque devenu un outil systémique pour raconter l’origin-story de ses méchants, signe que le reste du récit a trop peu de temps à leur consacrer.

Comme pour les précédents Thor, Love and Thunder souffre d’ailleurs d’une structure où le héros vit son aventure dans son coin, et n’est confronté à son adversaire que dans le dernier acte. Bale a beau compenser par le cabotinage de son Kratos rachitique, Gorr est une déception par rapport au potentiel de l’acteur, et du traitement originel du personnage dans les comics.  

 

Thor : Love and Thunder : photo, Christian BaleSoit on meurt en héros, soit on vit assez longtemps pour se voir endosser le rôle du méchant

 

NOIR ET BLANC 

Il y a bien une scène qui mérite qu'on s'y arrête, en cela qu'elle est peut-être la seule à réunir l'influence des comics originels, une envie de cinéma, un goût appuyé pour l'hommage typique de Waititi et un sens certain du spectacle. Alors que nos héros s’en vont combattre le redoutable Gorr, il leur faut rejoindre la planète où ce dernier s’est réfugié, dans une dimension dont tout semble s’être retiré, jusqu’aux couleurs.

Premier constat, cette séquence risquée, à savoir un long passage en noir et blanc au sein d’un blockbuster du MCU, connu pour avoir presque toujours broyé et savonné toute ambition plastique, est une réussite. L’image jouit d’un piqué superbe, les contrastes habillent idéalement chaque cadre, tandis que les ténèbres qui enserrent Gorr se font plus impressionnantes que jamais. 

 

Thor : Love and Thunder : photo, Christian BaleQuand la free party s'éternise un peu trop

 

En une poignée d’images, Waititi rappelle non seulement la veine cosmique de tout un pan des comics Marvel, à commencer par ceux que nous devons à Jack Kirby, aux compositions géniales et presque jamais investies par Disney. Ensuite, le cinéaste parvient à évoquer avec malice, mais aussi une puissance indéniable, tout l’héritage de la mythologie viking au cinéma. Et quand Thor découvre Gorr en son linceul, on sent poindre aussi bien le leg des Nibelungen que la tessiture du cinéma de Méliès.  

Pendant quelques secondes, c’est précisément l’ambition que portait (et foirait tristement) The Northman qui éclate à l’écran. Un condensé d’histoire et de pop culture, magnifié par une indiscutable exigence graphique. Mais même cela, le film ne peut le réussir tout à fait. Ainsi, pourquoi donc tant de faux raccords, voire pas de raccords du tout ? Et d’où sortent les décors qui s’enchaînent sans aucune logique, de la tente de guerrier au terrier monstrueux. Une nouvelle fois, tout le monde semble avoir pris le projet par-dessus la jambe. 

 

Thor : Love and Thunder : Photo Christian BaleQuand tu vois la gueule du noir et blanc

 

DES HOMMES ET DES CHÈVRES

L’univers de Taika Waititi, du somptueux The Hunt for Wilder people en passant par le sensible Jojo Rabbit, est un univers tout en rupture de ton et en fantaisie, où la folie s’immisce, généralement pour rester, et nous accompagner jusque dans les derniers instants. Cette note d’intention, on la retrouve dans la présence des chèvres stellaires offertes à Thor. 

À bien y regarder, on leur doit les rares gags réussis du long-métrage. Premièrement, elles bénéficient des rares effets numériques à peu près finalisés du blockbuster, mais le sens du tempo du cinéaste leur est dédié. Leurs bêlements arrivent plus d’une fois à pirater un dialogue interminable, tandis que leur simple apparence dégage de belles vibrations absurdes. 

 

Thor : Love and Thunder : Affiche USLes GOAT

 

Seulement voilà, elles symbolisent à elles seules le ratage global. Si ces chèvres sont réussies, leur lait a dû tourner tant elles n’ont en vérité rien à faire ici. Non seulement leur capacité à faire voyager nos héros paraît pour le moins injustifié, mais il faudra aussi supporter qu’elles ridiculisent le moindre de leurs déplacements... et que le scénario les fasse apparaître ou disparaître selon son bon plaisir, et au détriment de  toute forme de cohérence. Et pourrir ainsi le décollage d’Omnipotence, ou l’arrivée dans le repère de Gorr... c’est à devenir chèvre.

Tout savoir sur Thor : Love and Thunder

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commentaires
Dolu
04/08/2023 à 16:08

Le point positif de ce film c'est qu'il a créée à lui tout seul une nouvelle echelle de qualité pour moi. Il y a les films mieux que Thor 4 et les autres.
J'ai rien mis en dessous depuis

beyond
03/08/2023 à 21:40

Très belle synthèse de ce navet intersidéral. Je note une erreur cependant : Un personnage important est bel et bien mort dans le film. Thor himself, dont le traitement ridicule achève toute crédibilité du personnage. Le Dieu de la foudre, fils d'Odin, disparait au profit d'un butor en permanence humilié par sa bêtise qui se retrouve cul nu ou en tablier rose à cuisiner des cookies. RIP Thor.

Pas d'idée de pseudo
31/07/2023 à 09:28

@Kyle Reese
Pour Mighty Thor et Thor, on peut être déçu de leur traitement, pour les gardiens de la galaxie par contre je ne pense pas que ça soit Waititi qui ait décidé de les faire dégager aussi vite du récit. Je pense que c'était dans les plans de Feige.
Et c'est bien dommage, j'aurais adoré voir un ''Les Asgardiens de la galaxie'' !

Kyle Reese
30/07/2023 à 14:09

Quand tu vois ce qu’a fait Gunn avec ses personnages jusqu’au bout et ce qu’a fait Waitiki avec les gardiens, vidés de leur âme, et donc Thor ridicule et Mighty Thor complément survolé alors que son perso et histoire aurait pu faire un grand film… tu comprend qu’il y a des cinéastes qui ne devrait pas toucher à des genres qu’ils ne comprennent pas. Faut que que mister Waitiki arrêté de toucher à des adaptations de comics auquel il ne comprend rien. Il fait juste mumuse avec. J’ai plus zappé ce Thor 4 que Black Adam c’est dire. Genre j’ai du voir les 3/4 du film en accéléré contre la moitié pour le film du DCEU. Et j’ai quasi regardé Flash en entier et plus apprécié malgré ces énormes défaut que ces 2 films, Même Morbius complètement foiré est plus intéressant à regarder c’est pour dire la déception devant ce 4 eme opus alors que j’avais trouvé le 3 très sympathique. Mais là ce fut une torture, il n’y a que le grand Bale qui tente de faire de son mieux mais qui ne peut sauver le film a lui tout seul. Quel gâchis.

Flash
30/07/2023 à 11:13

Il y a des navets sympathiques, au hasard "Vercingétorix".
Mais celui-là, il pue juste du fion.

Pas d'idée de pseudo
29/07/2023 à 21:11

Moi je l'ai bien aimé. Oui ça ne vaut pas Ragnarok mais c'était très sympa quand même.

le complot des ewoks
29/07/2023 à 21:07

Malheureusement une torture ce film... du lourd, très lourd (je parle de l'humour) et pas grand chose à sauver...
Par contre je suis rassuré, même sur un tel film et critique, nos amis incel arrivent à ressasser leur névrose (bouh les vilaines sorcières castratrices, aux fourneaux !) ^^
Dommage Bale sait être un très bon acteur, et Wahititi a fait de bonnes choses (qui me semblaient pas lourde pourtant ou j'ai changé ?)

Neji .
04/04/2023 à 01:36

Me suis endormi devant et ronflé comme une bourrique.
La plus belle des preuves, cette daube est soporifique .

Flo
01/04/2023 à 12:49

Tout était clair dès le début pour qui est vraiment attentif, et pas 8 mois plus tard : une fois passé le prologue (et avant les épilogues post-générique) c’est Korg/Waititi qui raconte un conte pour enfants légèrement horrifique et dramatique, en voix off – on croirait être devant « Erik le Viking » de Terry Jones…
C’est sa vision biaisée de l’histoire, c’est un film qui ignore volontairement tout pathos forcé… Et qui met de côté tout féminisme trop revendicatif – aucune des héroïnes n’est vraiment placée sur un piédestal (ni n’ont droit aux meilleures blagues), n’étant pas présentées jusqu’à rabaisser Thor à un sidekick. En un sens, c’est 10 fois plus audacieux que tous les formatages du « bon film hollywoodien avec des héroïnes ».
Quelqu’un ayant vraiment fait ses recherches aurait vu que Thor y lorgne ouvertement vers la version de Éric Masterson, que le maquillage allégé de Gorr fait écho à celui (tout aussi économique) du Joker de Ledger, que certains gags sont des références historiques (« on ne va pas manger les enfants… désolé, c’était une période honteuse ») ou culturelles (rien d’étonnant de voir Korg confondre Jane Fonda et Jodie Foster, quand il désigne une autre femme de caractère).
Tout fait sens.

Aucune importance qu’ils se marrent, que les images (souvent inventives mais très perfectibles – le noir et blanc) ne se formatent pas non plus en bleu/beige/décors tous en dur pour se croire élégant, ou qu’ils ne fassent pas un bête copier-coller des comics… au bout d’un moment, un bon analyste devrait comprendre qu’une proposition déstabilisante mais tenue jusqu’à la fin, vaut mieux qu’un truc trop prévisible et caressant les mentalités dans le sens du poil.
Surtout avec un héros en titre qui a le « tort » d’être un macho dingo, qui ose ne pas laisser définitivement la place aux femmes ou aux jeunes à la fin (au contraire de Tom Cruise au même moment – sauf qu’en fait c’est bidon, il s’accroche toujours).
Et ça, ça ne pardonne pas ?

Au vu des analyses et réactions, non. Lesquelles vont de la fausse scandalisation (horrible) à la désolante médiocrité, bourrées de vannes bien plus nulles que celles du film, et de grosses fautes réflexives :
Non, un bouffon ne sait pas se battre ou vaincre (sauf coup de bol), il est censé se casser la figure dans toutes ses scènes et laisser la place à ceux qui savent combattre… Et Thor reste l’un des meilleurs combattants, il bat tous ses ennemis et calme sa folie au bon moment, c’est un fait, donc concrètement pas un bouffon.
Non Gorr n’est pas ultra sérieux à la base, il est aussi farci de répliques grimaçantes et grotesques, vérifiez.
Non tous ces délires divins ne sont pas gratuits, ils critiquent explicitement la bête arrogance de ces êtres privilégiés (plus c’est gênant, plus ça donne raison à Gorr).

Et c’est sur ce dernier point qu’on trouve « ce qui gêne », alors qu’une opinion publique s’est si affaiblie qu’elle a beaucoup trop besoin – comme Zeus en a la nostalgie, dans sa scène post-générique – d’avoir des modèles puissants, sacrés, respectueux vas-y mets toi à genoux (Cameron etc, ou Cruise – alors qu’il est pas toujours commode, on le sait).
Comme si maintenant on devrait avoir peur de mal faire, d’être un chouia insolent – « attention, vous êtes jugés, soyez lisses et sages dans les bonnes largeurs ! »
Au lieu de faire confiance à notre courage, quand il existe à contrario de nos doutes, de nos erreurs et limites. Et qu’on mène sa tâche au bout.

Même pas besoin d’écrire « bien sûr, c’est pas un chef-d’œuvre »… Non, publiquement, ça n’existe plus les chefs-d’œuvre, n’importe quelle belle œuvre peut se faire démonter juste en ne se focalisant que sur ses limites… surtout quand on veut faire croire qu’elle n’en a pas, de limites.
Mais le « Bon », « l’agréable », « le Fou », c’est toujours moins de pression que « le magnifique, le beau, l’exceptionnel »… ce dernier, quand il vous arrive dessus, c’est toujours par surprise, jamais en vous ayant été vendu bien en avance.
En attendant, il y a de la tendresse dans ce film, de la vraie.

« Don’t believe the hype ! »

Paamu100
01/04/2023 à 01:59

je ne retiendrai que les chèvres et la séquence planète en noir et blanc de mémorable (pour de la qualité variable).

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