Old Boy : et si c'était la meilleure BO du cinéma sud-coréen ?

À la fois fresque vengeresse sanglante et tragédie lyrique désespérée, la force évocatrice et l'ampleur du Old Boy de Park Chan-wook tiennent beaucoup de sa BO.

Bien avant le Parasite de Bong Joon Ho et le Squid Game de Hwang Dong-yeok, plus précisément en 2003, trois films fous et brillants ont permis au cinéma sud-coréen d'exploser à l'international et de se trouver un nouveau public. Parmi eux, le grand prix du Festival de Cannes de cette même année : Old Boy de Park Chan-wook. Long-métrage racontant la vengeance d'un homme après avoir été enlevé et séquestré pendant quinze ans, ce thriller est devenu instantanément culte pour sa violence, sa poésie, son récit et... sa musique.

"Bonjour, c'est ici qu'on peut acheter la BO de Old Boy ?"

QUI A FAIT LA MUSIQUE D'old boy ?

Le compositeur et musicien Cho Young-wuk. Après avoir travaillé en tant qu'arrangeur musical sur le film The Contact de Chang Youn-hyun, il a signé ses premières partitions de musiques de film en 1998, pour le The Quiet Family de Kim Jee-woon. Il a collaboré par la suite avec Park Chan-wook sur la quasi-totalité de sa carrière, de Joint Security Area à Mademoiselle, en passant par Lady Vengeance et Thirst, ceci est mon sang, mais aussi sur sa série The Little Drummer Girl.

Évidemment, l'artiste prolifique a également composé la musique de nombreux autres longs-métrages sud-coréens, qui plus est de films qui ont réussi à s'exporter à l'international. Pour ne revenir que sur les plus connus, on pourra citer rapidement quelques films de Ryoo Seung-wan (The Agent et The Unjust), de Yoon Jong-bin (Nameless Gangster, Kundo et The Spy Gone North) et de Woo Min-ho (Inside Men, The Drug King et L'Homme du président), sans oublier les films New World, A Taxi Driver et Le Gangster, le flic et l'assassin.

La musique de Cho Young-wuk n'est pas reconnaissable et identifiable en tant que telle. En effet, le compositeur a cette humble capacité de traverser un large spectre de sonorités sans pour autant imposer une pâte surplombante, mais en se conjuguant toujours intelligemment au style des cinéastes avec qui il travaille. Une souplesse qui se retrouve dans la bande originale du second film de la trilogie de la vengeance de Park Chan-wook : Old Boy.

Aussi sensible que vénéneux

VALSE MORTELLE

La bande originale de ce Old Boy, en effet, est multiple et diverse. Le cinéaste a lui-même évoqué cette diversité : "Il y a des morceaux de valse, tango, techno, etc.. La musique est sans cesse présente dans le film, ce qui signifie le temps insaisissable qui coule sans arrêt". En traversant plusieurs styles et univers sonores, tout en étant omniprésence, la bande originale du film de Park Chan-wook saisi donc une forme d'urgence. Une valse continue dont le mouvement général accompagne les émotions des personnages.

Par ailleurs, cette caisse de résonnance émotionnelle qu'est la musique prolonge également l'outrance constante que le film développe. La caméra quasi systématiquement en mouvement du cinéaste, le jeu très expressif des comédiens, ainsi que la souplesse de ton du long-métrage : Old Boy est traversé par une emphase constante que la musique accompagne, tantôt avec un élan homérique fou (le thème Frantic lors de la scène du twist), tantôt avec une sensibilité beaucoup plus à fleur de peau (le thème de Mi-do, The Last Waltz).

Et si la musique donne du liant au film et accompagne son émotion, elle est aussi un contrepoint sublime à sa violence et à son âpreté. En effet, les histoires d'enfermement, de vengeance, d'inceste et de dégustation de poulpe vivant se voient parasitées de poésie et de sensibilité, certes par la mise en scène de Park Chan-wook, mais aussi par l'exaltation romantique des émotions que permet la musique.  

Aimer, quoi qu'il en coûte

S’IL NE FALLAIT EN GARDER QU’UNE

Le thème qui résume à lui tout seul toute l'ambition d'Old Boy et de sa bande originale : Cries and whispers. Il s'agit là de la partition rattachée au personnage de Lee Woo-jin, l'antagoniste du film. La grande beauté de cette valse tient en sa capacité de faire cohabiter, à la fois, l'élégance énigmatique du personnage, sa grandiloquence, mais aussi son romanesque et sa tristesse. Lee Woo-jin est un être brisé, qui, sous l'armature de son costume et l'élégance de son penthouse, dissimule les profondes cicatrices d'un amour perdu.

De plus, il s'agit d'une des musiques du film utilisées avec le plus de dextérité théorique. En effet, c'est la seule à dialoguer entre une utilisation externe à la diégèse (soit la musique entendue directement par le spectateur et pas par les personnages) et une utilisation interne à celle-ci (une sonnerie de téléphone et un personnage qui fredonne cette musique). Et plus que pour faire juter les étudiants en cinéma, cette utilisation de la musique continue de caractériser ce personnage quasi omniscient de Lee Woo-jin, avant de nous le rendre plus humain et sensible.

IL EN RESTE QUOI ?

Une grande ouverture sur le cinéma sud-coréen, dont la nouvelle vague déferlera sur le monde entier durant les années 2000. De plus, Old Boy signe la seconde collaboration entre un cinéaste créatif et son compositeur ingénieux, qui traversera par la suite les décennies avec toujours autant d'évocation et d'ampleur - ils iront de nouveau ensemble au Festival de Cannes pour Thirst et Mademoiselle, recevant un prix du jury ex-aequo pour le premier.

Il en reste également un remake très inégal réalisé par Spike Lee en 2013, avec Josh Brolin et Elizabeth Olsen dans les rôles principaux. Peu importe ce que l'on pense du film, mais force est de constater que la partition, sans être repoussante, est bien plus sage et consensuelle que celle de Cho Young-wuk dans la version coréenne.