Portier de nuit : tout, tout, vous saurez tout sur le nazi

Simon Riaux | 26 décembre 2021
Simon Riaux | 26 décembre 2021

Scandale phénoménal, révélation d'une comédienne stupéfiante, histoire d'amour, de sadomasochisme, de mort, et de perversion : causons de Portier de nuit.

Peut-on représenter le Mal ? Et peut-on représenter la fascination qu'il exerce, le stade où elle vire à l'obsession, à la névrose, ou qu'elle se pare des atours de l'amour sincère ? Les amateurs du cinéma de Paul Verhoeven seront logiquement tentés de répondre oui, et évoqueront avec évidence la puissance tellurique de Black Book, récit de l'infiltration puis de la passion amoureuse d'une résistante juive au sein d'un cercle d'officiers nazis. Mais le dernier chef d'oeuvre du maître était, à bien y regarder et malgré son amour pour la provocation et les marges de l'âme humaine, un authentique récit romanesque, pour ne pas dire candide.

Bien avant lui, il est un autre long-métrage, qui a appréhendé une relation faite d'emprise, de prédation, de fascination, de dépendance et peut-être d'amour. Et de sadomasochisme. Un récit qui fit d'autant plus scandale que cette relation toxique se noue entre un ancien nazi et celle dont il fut le bourreau, un thème vénéneux s'il en est, qui embrasa les esprits en 1974, jusqu'à être purement et simplement interdit dans plusieurs pays. Parlons de Portier de Nuit.

 

Portier de nuit : Affiche officielleIl a changé le préfet Lallement

 

PAIN AT FIRST SIGHT

1957. Nous sommes dans un hôtel viennois. Les invités, en tenue de soirée, se saluent, se donnent l'accolade ou se croisent. L'effervescence d'une nuit dont les oripeaux de luxe tamisé chasseront le souvenir de la ruine est palpable derrière chaque sourire.  Une jeune femme, au bras d'un chef d'orchestre falot, fend la foule des convives. Élégante et glaciale, elle croise le regard d'un insignifiant portier de nuit. Leurs yeux se rencontrent et soudain, le temps se fige. Les yeux s'embrument, les gorges s'assèchent et les peaux se pâment. Deux âmes écorchées, dissimulées sous l'opulence bourgeoise pour l'une et sous un voile de banalité anonyme pour la seconde, viennent de se reconnaître.

Il faut en tout et pour tout trois plans à Liliana Cavani pour laisser le spectateur pupilles dilatées et souffle court. Le découpage est précis, capture idéalement les sentiments des personnages, tout en conservant une forme de flottement étrange, comme si une nature bouillonnante menaçait à chaque instant de rompre la rigueur de la composition des plans. À la réflexion, c'est bien de cela qu’il est question, alors que se déploie sous nos yeux la chronique d'un amour malade, d'une relation essentiellement toxique et perverse, c'est bien une passion aveuglante que l'on sent poindre, dont il demeurera impossible de dire si elle rachète les amants ou les maudit.

 

Portier de nuit : photo, Charlotte RamplingDes retrouvailles incendiaires

 

Alors que se multiplient les flashbacks, mais aussi de glaçantes saynètes au présent, un récit originel monstrueux se dessine. Médecin opérant dans un camp d'extermination, Max use de son rang pour assouvir une pulsion scopique : il se plaît à filmer les prisonniers et prisonnières torturés dans le camp, et scrute de son obturateur les faciès terrifiés, les chairs flétries.

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commentaires
fuck
27/12/2021 à 12:31

Jean-Pierre Dionnet déteste ce film et je pense qu'il a en partie raison. Il vaut mieux regarder La Peau de la même réalisatrice avec Mastroianni et Burt Lancaster qui est largement supérieur.

C.Kalanda
26/12/2021 à 18:20

Merci pour l’article. J’y vais de ce pas.