L'Homme des Hautes Plaines : le western qui imposa Clint Eastwood comme le plus badass des cow-boys

Antoine Desrues | 28 août 2022 - MAJ : 07/09/2022 18:26
Antoine Desrues | 28 août 2022 - MAJ : 07/09/2022 18:26

Avec L'Homme des Hautes Plaines, Clint Eastwood a signé son premier western en tant que réalisateur... et a marqué au fer rouge le genre.

Quand on pense à Clint Eastwood en tant qu'acteur, son regard acéré, et sublimé par les très gros plans de Sergio Leone, vient immédiatement hanter les esprits cinéphiles. Il faut dire que cette impassibilité, souvent accompagnée d'un bon mot cynique, a défini la personnalité du plus badass des cow-boys.

Il n'est donc pas très étonnant que, pour sa première réalisation dans le genre du western, Eastwood se soit pleinement investi dans cet esprit, se donnant lui-même le rôle central d'un cavalier sans nom débarquant dans la ville de Lago. Après avoir tué des pacificateurs peu aimables, cet étranger accepte l'offre des habitants, qui lui donnent un pouvoir total en échange d'une stratégie pour venir à bout de trois tueurs (Stacey Bridges, Cole Carlin et Dan Carlin), bientôt sortis de prison et désireux de se venger de la ville.

Pour autant, L'Homme des Hautes Plaines est bien loin de l'esprit héroïque des Sept mercenaires. Eastwood n'y incarne pas un personnage mû par un sens du sacrifice, mais bien par la vengeance. Sortant tel un fantôme d'une plaine distordue par la chaleur, cet homme mystérieux connaît le secret qui ronge Lago : le meurtre mandaté d'un marshal par Bridges et les frères Carlin, durant lequel aucun des habitants n'a osé s'interposer.

 

photo, Clint Eastwood"How ya doin' ?"

 

Le Bon, la Brute et le Truand... en même temps

Encore aujourd'hui, L'Homme des Hautes Plaines jouit de l'ambiguïté de son scénario épuré, qui ne choisit jamais de révéler la véritable identité de l’Étranger. Certes, Eastwood a précisé l'avoir incarné en l'imaginant comme le frère du marshal défunt, mais cette idée n'est que sous-entendue par le long-métrage dans sa scène finale (sauf dans certains doublages, dont la VF). En réalité, il est tout à fait possible que le film ait choisi d'embrasser une dimension purement fantastique, telles une réincarnation de cet homme de loi sacrifié, ou plus largement une matérialisation de la culpabilité des habitants de Lago.

En tout cas, le film possède à n'en pas douter une charge mystique assez sublime, qu'Eastwood poussera dans ses retranchements dans un autre de ses westerns : Pale Rider, le cavalier solitaire. Cet aspect volontairement irréel est d'ailleurs magnifié par l'idée de mise en scène centrale de l’œuvre : la fausseté affichée de sa ville, décor quasi unique du récit. Placée aux abords d'un lac lui donnant une dimension balnéaire assez rare dans le genre, Lago est filmée avec beaucoup de stratégie pour rendre honneur à sa... platitude.

 

photo, Clint EastwoodIl a les yeux revolver

 

Dès la brillante scène d'ouverture, où "l’Étranger" pénètre dans l'enceinte de la cité, le cinéaste déploie l'entièreté des enjeux spatiaux de cette ville, reposant sur une seule rue, où les commerces les plus évidents (un hôtel, un barbier, un saloon...) sont affublés des mêmes façades de bois, qu'on jurerait sorties des westerns clichés d'antan, voire d'un parc d'attractions.

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ?

Accèder à tous les
contenus en illimité

Sauvez Soutenez une rédaction indépendante
(et sympa)

Profiter d'un confort
de navigation amélioré

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Hocine
31/08/2022 à 12:22

@Wooster:

Clint lui-même aurait déclaré que s’il devait refaire le film, il n’aurait probablement pas inclus la scène du viol. D’un autre côté, le viol, la tentative de viol ou la violence envers les femmes, sont des motifs assez récurrents dans le cinéma d’Eastwood.

Maintenant, il faut replacer les choses dans leur contexte: c’était le début des années 70, époque où les scènes de violence et de sexe dans le cinéma américain mainstream étaient plutôt florissantes et crues (par exemple, Les Chiens de Paille de Sam Peckinpah), lorsqu’elles étaient le plus souvent hors-champ, lorsque le code Hays (1934-1968) était en vigueur.

De plus, L’Homme des Hautes Plaines est avant tout une fable, à ne pas prendre au premier degré.
Ainsi, chaque adversaire du personnage joué par Clint, voit son arme se retourner contre elle et se voit battre sur son propre terrain: au début du film, les trois hommes, censés protéger la ville de Lago des étrangers, sont abattus par le personnage joué par Clint, peu de temps après que l’un d’eux l’ait provoqué, en remettant en cause sa dextérité et sa rapidité au tir. Tandis que Callie est violée, après que celle-ci l’ait provoqué, en remettant en cause sa virilité. Bref, à peu près tout le monde se voit humilié ou remis à sa place par le personnage joué par Clint, à l’exception du nain, Mordecai, et des personnes issues de minorités ethniques (Indiens, Mexicains).

L’Homme des Hautes Plaines reste un film majeur dans la carrière de Clint: c’est à partir de ce film, que sa qualité de réalisateur-auteur prend véritablement forme. Avec ce film, il livre sa propre version de Pour une Poignée de Dollars. Sa vision de la communauté américaine et de ses institutions officielles est très loin d’être idyllique. En cela, ses films semblent plus refléter ses opinions politiques et sa vision de la société que ses rares et maladroites sorties médiatiques.
Lorsque Clint fait L’Homme des Hautes Plaines, presque tous ses grands films d’acteur, où il est dirigé par un autre réalisateur que lui, sont derrière lui (La trilogie du Dollar de Sergio Leone, Pendez-les Haut et Court de Ted Post, Un Shérif à New York, Les Proies, L’Inspecteur Harry de Don Siegel et dans une certaine mesure, Quand les Aigles Attaquent de Brian G. Hutton). Après L’Homme des Hautes Plaines, ses autres grands films d’acteur non réalisés par lui-même sont Magnum Force de Ted Post, Le Canardeur de Michael Cimino, L’Evadé d’Alcatraz de Don Siegel et Dans la Ligne de Mire de Wolfgang Petersen. Quant à La Corde Raide, il a bien été réalisé par Clint, bien que Richard Tuggle soit le réalisateur crédité au générique.

En 4 films, Clint se constitue une véritable œuvre dans le genre du western, comme personne d’autre, parmi ses contemporains.

Wooster
30/08/2022 à 09:57

Je l’ai revu récemment en DVD. Je gardais un bon souvenir du film (la ville repeinte en rouge!), mais la scène du viol est, c’est le moins qu’on puisse dire, gênante.

Hocine
17/09/2021 à 19:47

@Ethan

Dans Retour Vers le Futur 2, on peut voir un extrait de la séquence finale de Pour une Poignée de Dollars de Sergio Leone et dans Retour Vers le Futur 3, Marty McFly porte un poncho qui rappelle celui porté par l'homme sans nom et prétend s'appeler Clint Eastwood.
A priori, il n'y a pas de référence directe à L'Homme des Hautes Plaines dans la saga Retour Vers le Futur, si ce n'est le côté western du troisième film. D'ailleurs, je devrais revoir ces fameux Retour Vers le Futur.

En ce qui concerne Josey Wales Hors-la-loi, c'est effectivement un très grand film. Je le placerais volontiers dans les 10 meilleures réalisations de Clint. Curieusement, c'est un film assez méconnu et oublié, en dehors des amateurs de westerns et du cinéma de Clint.
Qui sait, Ecran Large lui consacrera peut-être bientôt un article.
En fait, les 4 westerns réalisés par Clint se placent aisément dans ses meilleurs films.

Ethan
17/09/2021 à 17:47

Film que pas mal de monde connaît grâce au passage de Marty en Clint dans retour vers le futur

Le meilleur des Western c'est José Wales hors-la-loi

Hocine
16/09/2021 à 23:57

L’Homme des Hautes Plaines fait partie des meilleures réalisations de Clint Eastwood, tout simplement.
Dans ce film, il se réapproprie complètement son personnage de l’Homme sans Nom, et avec brio.
L’ouverture du film est inoubliable.
Le dénouement ne l’est pas moins.
Ainsi que la musique de Dee Barton.
On a beaucoup parlé de l’influence de Sergio Leone dans ce film. Ce qui n’est pas faux. Néanmoins, cela n’empêche pas d’être une fable sur la société américaine d’alors, marquée par la présidence de Nixon, la fin de la guerre du Vietnam, peu avant l’affaire du Watergate. La communauté décrite dans le film est à l’opposé de celle, idéalisée dans plusieurs westerns classiques, des pionniers américains. C’est une communauté marquée par la peur, la lâcheté, la traîtrise et qui cache un lourd secret commun, liant tous les membres. Ce qui explique l’atmosphère d’omerta qui règne à Lago. L’Homme des Hautes Plaines démontre en quelque sorte, qu’un péché commun est à l’origine de la fondation de la communauté de Lago, et par extension, à l’origine de la fondation de la communauté américaine. À ce titre, John Wayne déclarera avoir détesté le film et rejettera peu après, la proposition de Clint de jouer ensemble dans un film intitulé The Hostiles. La critique rejettera dans son ensemble le film.
La revue Positif le qualifiera de « Mein Kampf de l’Ouest ». Par la suite, Positif sera l’une des premières revues de cinéma à s’intéresser au travail de Clint.
Pour son premier western en tant que réalisateur, Clint était parti de cette idée: que se serait-il passé si le shérif du Train Sifflera Trois Fois, joué par Gary Cooper, avait été tué ?
Le personnage de Clint s’octroie les pleins pouvoirs et s’est accordé plusieurs fantaisies dans le film dont la ville de Lago repeinte en rouge, la nomination comique et ironique d’un nain, à la fois maire et shérif de la ville. Il y a aussi au début du film, une scène très controversée: celle du viol d’une femme par le personnage joué par Clint. Avec L’Homme des Hautes Plaines, je dirais que Clint a « digéré » les influences de Sergio Leone et Don Siegel, tout en annonçant ce qui fera sa singularité en tant que réalisateur. Les personnages féminins sont plus présentes que dans la trilogie du Dollar et servent l’image de séducteur de Clint, qui s’est affirmée à partir d’Un Shérif à New York, première collaboration avec Don Siegel.
L’aspect surnaturel du film est bien dosé. Ainsi, on peut y faire une doublé lecture. On retrouvera cet aspect surnatutel dans Pale Rider notamment.
L’Homme des Hautes Plaines est l’un des meilleurs westerns des années 70. Quasiment à lui seul, Clint parviendra à maintenir en vie un genre en voie de disparition.

Sanmiguel
16/09/2021 à 23:32

Rien ne vaut pour une poignée de dollars celui qui a révolutionné tous les westerns de même que Morricone

Alainsecte
16/09/2021 à 21:46

Le voila le pistolero de Stephen King.

alulu
16/09/2021 à 20:42

Pas celui que je préfère le plus même si je l'aime bien. Le coté presque surnaturel fonctionne bien, ce qui sauve le film mais par moment ça tourne un peu en rond.

Payke 83
16/09/2021 à 20:21

Hormis le visage charismatique d' eastwood rien d'extraordinaire dans ce film. Mieux vaut le visionner avec un bon plat de spaghetti payé pour une poignée de dollars .

Ray Peterson
16/09/2021 à 17:09

Effectivement le côté mystique joue à fond dans ce film, notamment dans la séquence de fin crépusculaire à la lisière du film fantastique où Eastwood se joue des faux raccords images de son personnage et des entrées sons pour donner à son héros un aspect spectral. Chef d'oeuvre.

Plus