Dracula : pourquoi la version de Coppola est toujours la meilleure

Lino Cassinat | 4 janvier 2021 - MAJ : 29/06/2022 16:08
Lino Cassinat | 4 janvier 2021 - MAJ : 29/06/2022 16:08

Le Dracula de Coppola : vous ne trouverez de meilleure version du mythe nulle part ailleurs.

 

C'EST DANS LES VIEUX CERCUEILS...

En 1992, alors que la figure du comte vampire Dracula était usée jusqu'à la corde par plus de 60 films et interprétations de qualités très diverses, on pensait avoir fait le tour du mythe. La dernière apparition vraiment marquante d'un vampire remontait à Nosferatu - fantôme de la nuit de Werner Herzog - excellentissime "remake" du Nosferatu le vampire -, et c'était en 1979, soit 14 ans avant.

Il faut dire que la décennie 80's n'est guère propice à la mélancolie du romantisme gothique (au sens littéraire du terme) : la mode (pour le dire très vite) est plutôt à la pensée positive fluo, au culte du corps, à l'aventure pulp et à la science-fiction d'aventure.

 

photoIl a pris cher Palpatine

 

La comparaison du top 10 des plus gros films des années 80 et des dix plus gros films des années 90 vous le confirmera : la décennie qui a suivi fut plus propice aux oeuvres plus sombres, la faute à un spleen ambiant contrastant violemment avec l'individualisme enthousiaste d'antan (on vous laisse choisir votre explication préférée entre le pic de l'épidémie du SIDA, les fiascos des guerres du Golfe et d'Afghanistan, la montée en puissance de l'héroïne et des opioïdes et la mort de Kurt Cobain).

Une période aussi riche en désillusions et en désenchantements que pauvre en idéaux inspirants, et dont le plus grand de tous les hérauts ne sera pas un Action Man, mais Dracula, régénéré par un fabuleux Francis Ford Coppola.

 

photoVraiment très cher

 

... QU'ON TROUVE LES PLUS PUISSANTES CARCASSES

Car il fallait bien en 1992 un auteur talentueux redonner de la substance à ce personnage, que trop de traitements peu rigoureux, d'exploitation en série B ou Z ou de parodies ont vidé de sa substance et laissé... exsangue. Il fallait également un artiste à l'intelligence aiguisée pour en livrer une lecture filmique à la fois fermement ancrée dans son époque, totalement fidèle à l'esprit de son matériau d'origine et toujours inégalée plus de 25 ans après.

Passé, présent, futur : le film Dracula règne sur tous les autres avatars de lui-même, pour tous les temps, indiscutablement. Comment et pourquoi ?

 

photoÀ votre gauche, le cimetière de toutes les autres adaptations de Dracula depuis 1993, attention, NOS4A2 mord encore

 

Pour d'abord aller au plus simple, parce que la plastique du film est belle à en crever. Il est certain que Dracula ne serait pas réapparu avec autant de force sans la montagne d'effets pratiques, sans les jeux d'ombre redoutables et la magnifique palette de couleurs composée par le génial et regretté chef opérateur Michael Balhaus, ou sans les décors et costumes dantesques du film. L'esthétique baroque du film de Francis Ford Coppola pourra certes éventuellement fatiguer ceux qui goûtent peu les exagérations stylistiques en général, mais c'est un véritable festin d'images plus fondantes les unes que les autres pour les fans de grand style.

Ensuite, parce qu'il est l'adaptation la plus fidèle du récit originel de Bram Stoker... tout en étant son plus beau traître. Francis Ford Coppola suit en effet pas à pas les circonvolutions d'un récit épistolaire que la multitude de points de vue rend dense et complexe, et que chaque péripétie, chaque personnage et chaque inflexion du rythme qui ont animé les pages du livre trouvent leur juste place dans ces deux heures de film.

 

photoSi simple, et pourtant si efficace

 

DEMANDER LA LUNE, DÉVORER LE SOLEIL

Mais Dracula est évidemment plus qu'un exercice de style particulièrement brillant et énergique, ou qu'une savante adaptation d'un monstre littéraire passionnant. C'est une adaptation particulièrement sagace qui épice son matériau d'origine de quelques éléments nouveaux, dont la présence fait violemment ressurgir dans une gerbe de sang le poème baroque et la mélancolie gothique du récit d'horreur pulp. En transformant l'horrible prédateur de la nuit en rebelle de Dieu motivé par un amour éternel et se gavant de basses chairs terrestres, Francis Ford Coppola adresse une vivifiante injonction à la résilience.

Plutôt l'apostasie que servir un maître cruel, plutôt la damnation que d'accepter l'inacceptable, et surtout, plutôt le flamboyant amoureux Dracula que le minable Jonathan Harker ou que le cruel Van Helsing. "Est beau ce qui est bizarre", disait le poète ; Dracula fait la somme de tous les héritages de son glorieux passé et complète la formule ainsi : "est héroïque ce qui est monstrueux". Peut-être pas le constat le plus complexe ni le plus neuf de l'histoire de l'art - Milton avait déjà fait la même chose avec son Paradis Perdu -, mais certainement une de ses démonstrations les plus implacables sur pellicule. Suffisamment en tout cas pour qu'on se relève de la torpeur de l'autre Dracula pour se ruer sur la ressortie remastérisée du 26 février.

Même si, quand même, Keanu Reeves y joue vraiment comme un pied.

 

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commentaires
Maurice
02/10/2022 à 15:58

Le film est très bon. Mais arrêter de dire qu il est fidèle au livre.

Tophyze
05/01/2021 à 22:05

Je suis "Tophyze Bootowdor", si vous voulez me...

Tophyze
05/01/2021 à 22:03

Je suis un abonné et malgré ce statut, j'ai la furieuse image que je suis sur le site des professionnels du critique cinématographique. Marrant, sachant qu'ils ne sont pas abonné.

Tophyze
05/01/2021 à 21:49

Je ne sais les commentaires des uns et des autres et pourtant je les aient lu.
Je suis en train revisionné cette version et elle me fout en l'air.
J'ai lu le roman. Je suis plus littéraire que cinématographique.
Elle est bonne. Pas parfaite peut-être mais elle est BONNE

[)@r|{
05/01/2021 à 20:24

Le "Dracula" de Francis Ford Coppola est un bon film.

Dans l'ouvrage "la sangsue" n'est pas très attrayante, séduisante et glamour. Elle inspire plutôt de l'effroi et de la terreur.
L'antinomie, c'est la corrélation entre Dracula et Mina et l'enchaînement des faits.

Love song for a vampire... ????

Ciao a tutti !???? ????

Flash
05/01/2021 à 07:37

J'ai aimé les vingt premières minutes, et après pschitt, plus rien.
Un film sur estimé, mal interprété et aussi effrayant qu'une vidéo de chatons.
Ah, si une scène marrante, un loup garou qui culbute une nana, digne d'une série Z.

Manue
04/01/2021 à 22:10

J'ai adoré le roman de Bram Stoker et j'ai donc acheté le dvd du Dracula de Coppola dont on m'avait dit du bien. J'ai trouvé ce film tellement nul et patapouf par rapport à la magie et à la poésie du roman que je ne l'ai même pas regardé jusqu'au bout. Et j' ai carrément balancé le DVD. Donc une vraie déception, mais il reste le roman si envoûtant.

Eddie9Felson
04/01/2021 à 20:35

@Kyle Reese
Dur de passer derrière toi tant tu as su retranscrire les qualités de ce chef d’oeuvre. Totalement d’accord avec tout tes arguments. J’y ajouterais les fabuleuses scènes, théâtre d’ombres chinoises sanglantes et flamboyantes, du pré-générique qui mettent en scène la déchéance du voïvode Vlad III Basarab, surnommé « l'Empaleur ».
Un très grand souvenir de cinéma des années 90 et, me concernant, la meilleure prestation de Gary Oldman avec aussi son rôle dans Léon. Par ailleurs, avant de voir le film, à l’époque la bande annonce avait été dévoilée sur C+ au journal du cinéma d’ Isabelle Jordiano... je l’avais enregistrée sur une vhs et l’avait matée des dizaines et des dizaines de foi tant l’esthétisme baroque, victorien, sanglant et grandiloquent de la mise en scène m’avait impressionnée et oui, cette fameuse réplique y était déjà, « I’ve cross ocean of time to find you en roulant bien les R », et celle-ci résonne encore à mes oreilles! ...et l’ombre de Dracula qui se meut indépendamment de son modèle... bref, furieuse envie de le revoir;) Chef d’oeuvre du genre et meilleure incarnation et adaptation.

Flōrens Penn-Ar-Bed
04/01/2021 à 17:38

Perso j'ai tenté deux fois de le voir, je n'ai pas dépassé la première heure...

SoCorsu
04/01/2021 à 17:02

Oui ce film commence à dater.

Mais justement c'est ce qui en fait un film à part, le temps pris pour installer les choses et les faire évoluer.
Le jeu d'acteur, aristo "prout", les musiques, les décors, tout quoi.

Aujourd'hui les films c'est l'explosion au bout de 3mn chrono, ils se ressemblent tous et il y a peu de bonnes surprises.

Je n'ai jamais lu le livre, si ce film est le plus fidèle à l'oeuvre et son rythme, je comprends mieux ce bon résultat !

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