Saint Maud, Vivarium... bilan de Gérardmer et de sa sanglante 27e édition
Du 29 janvier au 2 février 2020 se tenait la 27e édition du Festival du film fantastique de Gérardmer. Retour sur un cru sanglant.
Snatchers, ou l'obstétrique créative
POUR TOUS LES DÉGOÛTS
Composer une sélection, à fortiori dans un genre identifié, est toujours une gageure, en cela que l’exercice dépend non seulement du contexte économique (les studios sont-ils désireux de prendre le risque de présenter leurs productions à un public de festivaliers aguerris et pas toujours diplomates ?), mais également de la création à un instant T.
Et en tenant compte de ces paramètres, force est de constater que Gérardmer a su aligner une collection de longs-métrages variés et audacieux pour cette édition 2020. De la pantalonnade tendance Z (Snatchers), à la pure trouille mystique (The Vigil) en passant par le film de contamination (Sea Fever), sans oublier le grand huit halluciné (Howling Village) ou la rêverie hallucinée à la Twilight Zone (Vivarium), il y en avait à peu près pour tous les goûts.
Et si un certain nombre de propositions souffraient de faiblesses indiscutables, la décision de présenter au public un grand nombre de premiers films explique sans doute une partie de ces faiblesses, qui n’allaient pas sans de véritables propositions. En effet, on aura apprécié de retrouver à l’écran des univers originaux, quantité de véritables tentatives de s’approprier les genres et les attendus de l’horreur, soit une diversité plus qu’appréciable. Enfin, parmi ces premières tentatives, on notera combien Sea fever et The Vigil ont su proposer un univers et une mythologie originaux, qui nous feront attendre au tournant les prochains travaux de Neasa Hardiman et Keith Thomas.
Mais la compétition n'était pas seule détentrice de pépites à la viande. Hors compétition brillait La dernière vie de Simon, dont vous trouverez la critique ici, suivi de près par The Lodge, thriller horrifique mis en scène par le duo déjà responsable de Goodnight Mommy, qui fait preuve ici d'un sens de l'horreur atmosphérique et d'une perversion plus qu'appréciable.
Enfin, impossible de ne pas mentionner Jumbo, premier film de Zoé Wittock, handicapé par des dialogues et une construction des personnages (très) hasardeux, dont la mise en scène s'impose néanmoins comme une belle promesse.
Jumbo porté par Noémie Merlant
UNE SAINTE CLAQUE
Gérardmer ne serait pas Gérardmer sans une bonne grosse claque. Cette dernière aura été assénée par Saint Maud, premier long-métrage de Rose Glass, multi-primé à l’issue de la cérémonie de clôture. Maintenant jusqu’à son ultime plan une ambiguïté obsédante, ce récit d’emprise et de foi était un des plus attendus de la sélection, et sut produire un électrochoc aussi bien du côté du public que de la critique.
Narrant la relation délétère entre une infirmière spécialisée dans les soins palliatifs convaincue d’être le bras armé de dieu et une de ses patientes achevant prochainement une vie dissolue, le métrage s’est révélé un brillant coup de poing. Grâce à une mise en scène parmi les plus abouties observée cette année, doublée d’une écriture d’une rigueur, le film nous aura filé une remarquable pétoche.
Se plaçant ouvertement dans les pas des Robert Eggers (The Witch) et autres Ari Aster (Hérédité), Glass se garde néanmoins de prendre un tour trop arty, préférant toujours privilégier la narration, le tempo, pour balancer une descente aux enfers aussi immersive qu’intense.
En son centre, un concept fort, et flippant comme il faut : traiter du rapport au divin et de son dévoiement à la manière d’une histoire d’amour toxique, voilà une idée toute bête, mais que la réalisatrice pousse dans ses derniers retranchements, avec une réussite qui aura valu au public un de ses plus beaux sursauts de l’édition 2020.
The Lodge : la petite maison dans la tuerie
FRENCH FLIPPEURS
Parallèlement à sa compétition, cette 27e édition proposait un évènement de taille, à savoir une réunion de famille ambitieuse, puisque ce sont quasiment tous les principaux réalisateurs de genre made in France qui sont venus à l’occasion d’une soirée hommage exceptionnelle. Cette dernière était doublée de projections des films de tous les intéressés, mais aussi d’une table ronde consacrée à l’imaginaire et au cinéma hexagonal plutôt passionnante.
Un véritable évènement, qui aura permis de retrouver dans les Vosges : Coralie Fargeat, Alexandre Aja, Olivier Assayas, Marc Caro, Benjamin Rocher, Christophe Gans, Alice Winocour, Xavier Gens, Thomas Salvador, Blaise Harrison, Hélène Cattet et Bruno Forzani, Sébastien Marnier, Benoît Forgeard, Bustillo et Maury, Fabrice Du Welz, Yann Kounen et beaucoup d’autres.
Une réunion au sommet, qui fit de cette édition un véritable évènement, lui-même émaillé des désormais traditionnelles Rétromanias et autres Nuits Décalées. Nuit Décalée marquée par la projection de l’impayable Alien Crystal Palace, en présence d’Arielle Dombasle, qui n’hésita pas à offrir au public une chorégraphie inédite, sur scène, en live, et oui.
Bref, une nouvelle fois, il faisait bon vivre dans les Vosges.
PALMARÈS
Grand Prix : Saint Maud, de Rose Glass
Prix du Jury : Howling Village, de Takashi Shimizu
Meilleure musique originale : Adam Janota Bzowski pour Saint Maud, de Rose Glass
Prix du Public : 1BR : the apartment, de David Marmor
Prix du Jury Jeunes : Saint Maud, de Rose Glass
Prix de la Critique : Saint Maud, de Rose Glass
Prix du Meilleur court-métrage : Dibbuk, de Dayan D. Oualid
Un grand merci aux innombrables bénévoles, aux équipes du Public System, à celles, inoubliables et enthousiastes, de Syfy. Notre gratitude va enfin aux légendaires Pierre et Pierre du grand Hôtel, dont l’hospitalité et la vélocité liquide auront permis une nouvelle fois de diminuer sensiblement l’espérance de vie de votre serviteur.
06/02/2020 à 00:05
Merci pour cette liquoreuse recap’ Simon !
05/02/2020 à 23:51
J’étais aux éditions 1999 et 2006. Je suis toujours surpris de voir ce festival encore vivant. Le PIFF, le téléchargement illégal et les pouvoirs publiques qui auraient pu retirer leur subvention pour créer un festival de comédie pour contrer celui de l'Alpe d'Huez étaient mes plus grandes craintes.
Par contre la réunion des réalisateurs/réalisatrices français ressemble plutôt à un chant du cygne du film de genre français. Canal plus et Ciné plus vont moins financer de films français et se tourne de plus en plus vers la comédie.
05/02/2020 à 23:47
J’étais aux éditions 1999 et 2006. Je suis toujours surpris de voir ce festival encore vivant. Le PIFF, le téléchargement illégal et les pouvoirs publiques qui auraient pu retirer leur subvention pour créer un festival de comédie pour contrer celui de l'Alpe d'Huez étaient mes plus grandes craintes.
Par contre la réunion des réalisateurs/réalisatrices français ressemble plutôt à un chant du cygne du film de genre français. Canal plus et Ciné plus vont moins financé de films français et se tourne de plus en plus vers la comédie.