La saga Dragons : meilleure que Disney et Miyazaki réunis ?

Christophe Foltzer | 9 février 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 9 février 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

A l’occasion de la sortie de Dragons 3 : Le monde caché, il nous semblait important de revenir sur cette saga majeure de l’animation occidentale, sur ses créateurs tout comme sur son univers. Avec, toujours, cette même question en tête : pourquoi est-ce que la saga Dragons est aussi géniale et pourquoi est-ce qu’elle nous marque autant ?

 

photo Comment dresser votre dragon

 

IL ETAIT UNE FOIS… UN LIVRE

Comme bon nombre d’œuvres phares du monde de l’animation, la saga Dragons tire son origine d’une série de livres, How to train your dragon, écrits et illustrés par Cressida Crowell, auteure anglaise qui publie le premier volume d’une saga comptant une douzaine de tomes en 2003, rebaptisée chez nous Harold et les Dragons. A la manière d’une J.K. Rowling (Harry Potter), Cressida Crowell choisit de nous parler d’une aventure initiatique, d’un passage à l’âge adulte, sur le mode du conte de fées un peu réarrangé à la sauce moderne.

En choisissant l’univers des Vikings et la thématique des dragons, l’auteure s’assure ainsi un univers particulier, immédiatement identifiable et habitant l’imagination des jeunes lecteurs auxquels elle destine ses livres. A la manière des contes populaires, elle nous propose une vision fantasmée d’une période historique, permettant ainsi de développer tout un monde qui ne cessera de gagner en richesse.

 

 

  

Les années 2000 connaissant une véritable révolution dans le monde de l’animation avec la démocratisation des films en images de synthèse, au détriment de ceux dessinés à la main, tous les studios spécialisés cherchent la perle rare qui leur permettra de générer une nouvelle franchise pour un nouveau public. Si Disney, grâce notamment à Pixar, a déjà un train d’avance dans le domaine, pour Dreamworks, ce n’est pas la même chose.

Si le studio de Steven Spielberg, Jeffrey Katzenberg et David Geffen a déjà aligné de gros succès avec Kung Fu Panda, Madagascar et évidemment Shrek, il n’a pas encore réussi à tirer son épingle du jeu. Si ses films cartonnent en salles et en vidéo, on les compare un peu trop souvent à du Disney light, de la copie facile et donc, fatalement, limitée dans le temps. Bref, il manque à Dreamworks l’essentiel : le point de vue d’un auteur qui saurait prendre un univers pour se l’approprier et livrer, pour la première fois, un film qui inquièterait la concurrence.

 

 

 

LE DRAGON DU CANADA

Dean DeBlois n’est pas un débutant lorsqu’il s’attaque au projet Dragons. Canadien né en 1970 dans la ville d’Aylmer, il a déjà une riche carrière derrière lui puisque, après avoir fait ses premières armes au Hinton Animation Studios, il déménage en Irlande pour rejoindre Don Bluth (le papa de Brisby et de Fievel) pour l’aider sur deux longs-métrages, en tant qu’animateur, mais pas forcément les meilleurs malheureusement : Poucelina et Le lutin magique.

 

photo PoucelinaPoucelina

 

Sa carrière connait un tournant important lorsqu’il rejoint l’écurie Disney à la fin des années 90 pour y co-écrire le film Mulan puis reprendre son poste d’animateur sur Atlantide, l'empire perdu en 2001. C’est pourtant en 2002 qu’il acquiert enfin une promotion importante puisque le studio le place comme réalisateur de son nouveau long-métrage, Lilo & Stitch, qu’il écrira et co-réalisera avec Chris Sanders, l’autre réalisateur du premier Dragons.

 

photo Le lutin magiqueLe lutin magique

 

Chris Sanders, acteur, réalisateur, scénariste et animateur né à Colorado Springs en 1962, est entré chez Disney en 1987 après un petit détour chez Marvel Comics pas vraiment fructueux. S’il commence discrètement sur Bernard et Bianca au pays des kangourous, il se fait réellement la main en participant à l’écriture de La Belle et la Bête en 1991 avant de réitérer son travail sur Le Roi Lion puis de Mulan où il rencontre DeBlois. Son travail sur Lilo & Stitch exige plusieurs de ses talents, puisque, outre les postes de réalisateur, de scénariste et d’animateur, c’est aussi lui qui prête sa voix à la petite créature. Poste qu’il conservera dans toutes les déclinaisons du personnage.

Si Lilo & Stitch fonctionne plutôt bien auprès du public, le film n’arrive cependant pas à se hisser aux côtés des classiques légendaires du studio bien qu’il traduise déjà certains choix thématiques que l’on retrouvera dans leurs œuvres futures. Après ce métrage, DeBlois et Sanders reçoivent une proposition qu’ils ne peuvent pas refuser : rejoindre la concurrence, en face, Dreamworks. Avec, à la clé, un film.

 

photo Lilo & StitchLilo & Stitch

 

UN SOUFFLE NOUVEAU

Comme nous l’avons dit plus tôt, au moment du lancement de la production de Dragons, Dreamworks a un besoin impératif de se renouveler. Si ses films sont de gros succès, le studio n’est considéré que comme un suiveur de Disney et Pixar. D’autant que, au même moment, l’animation japonaise s’installe définitivement dans les cœurs occidentaux et le public découvre alors tout une ribambelle d’œuvres plus profondes, plus symboliques et plus contemporaines que ce à quoi le studio l’a habitué. L’urgence est donc bien présente, tout comme la stratégie, elle, est implacable.

 

Envol pour le succès

 

Si le premier Dragons adapte le postulat de Cressida Crowell, il ne se fera pas sans de nombreuses trahisons. DeBlois et Sanders souhaitant avant tout s’approprier le matériau pour en livrer leur vision et continuer ainsi le travail entamé sur Lilo & Stitch : un récit enfantin et magique en surface qui, dans le fond, traite de problématiques bien réelles et peu courantes dans le monde de l’animation, surtout chez Dreamworks où à l’époque, on le rappelle, le mot d’ordre était des animaux qui font les débiles et des ogres verts qui pètent et qui rotent.

Pour parvenir à retranscrire leur ambition, les réalisateurs ont bien conscience qu’ils doivent s’y prendre différemment. Visuellement dans un premier temps. Alors que l’animation en volume, bâtie sur le modèle Pixar, commençait à végéter dans une certaine homogénéité artistique, les metteurs en scène tentent de lui redonner l’éclat du cinéma.

Et c’est pour cela que l’une de leurs premières décisions sera d’engager le directeur de la photographie Roger Deakins comme consultant. Un artisan émérite, l’un des meilleurs de son domaine, collaborateur fidèle des frères Coen, responsable des lumières magnifiques et audacieuses de L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford ou de Blade Runner 2049, pour n’en citer que deux. Avec lui, l’équipe met sur pied la direction artistique atypique du film, qui fera la part belle à des environnements tout aussi photoréalistes qu’enchanteurs.

 

photo DragonsUne amitié interdite

 

Le film constitue un gros défi pour ses réalisateurs, dont il s’agit de la première œuvre en 3D, tout comme pour le studio, puisqu’il s’agit du premier film mettant en scène un adolescent, rejoignant ainsi une forme plus classique de l’animation. Evidemment, il est nécessaire de trahir le livre d’origine pour arriver à un tout homogène et adapté au cinéma.

C’est ainsi que de nombreux changements sont opérés. Notamment les dragons qui perdent l’usage de la parole en passant du livre au film, afin de renforcer leur aspect animal. Mais c’est surtout le personnage d’Astrid qui change beaucoup de choses, puisqu’elle n’existe tout simplement pas dans le livre et que sa création n’est due qu’à la volonté de producteurs de proposer un personnage auquel les petites filles pourraient s’identifier.

Magnifié par la musique incroyable de John Powell, Dragons sort sur les écrans américains le 21 mai 2010 et le 30 juin de la même année en France. Doté d’un budget monstre de 165 millions de dollars, il fait forte impression dès le départ, charmant le public et rapportant pas moins de 495,8 millions de dollars à l’international. Le succès est immense, le film gagne plusieurs prix, dont un à la Mostra de Venise en 2010. La suite est évidente, il faut un Dragons 2. Mais il y aura quelques changements.

 

photo Dragons

 

CHACUN SA ROUTE

La production du deuxième opus est lancée rapidement face au succès énorme du premier film. Pourtant, si Cressida Crowell est toujours impliquée de près dans le scénario, la reconnaissance nouvelle de Dean DeBlois lui permet d’imposer ses conditions. Et ça tombe plutôt bien parce qu’il se retrouve seul aux commandes du nouveau film.

En effet, son comparse de longue date, Chris Sanders, se voit contraint de refuser la proposition de Dreamworks parce qu’il est déjà lancé dans son film suivant, Les Croods, dont il assure la réalisation. Il conservera néanmoins un titre de producteur exécutif sur l’ensemble de la saga.

 

Dragons 2Une ambition beaucoup plus grande

 

Lorsque Dreamworks exige un Dragons 2, DeBlois joue cartes sur table : il est d’accord pour repartir à l’aventure mais uniquement à la condition qu’il s’agisse du volet intermédiaire de ce qu’il envisage comme une trilogie. Face aux recettes mirobolantes du premier film, les patrons ne sont pas trop difficiles à convaincre.

D’autant que, très rapidement, Harold, Krokmou et tous leurs amis sont devenus extrêmement populaires auprès du jeune public, et du moins jeune aussi d’ailleurs, et que les prémices d’une gigantesque franchise se dessinent même si, de son aveu, DeBlois ne s’y intéresse pas plus que cela. Lui, il veut faire des films et seules ses histoires comptent à ses yeux. Bien qu’il conserve un droit de regard sur les produits dérivés. Et notamment sur l’ambitieuse série télé que prépare Cartoon Networks.

 

Dragons 2Merci Roger Deakins

 

En 2010, la chaine jeunesse américaine acquiert les droits de la franchise et lance immédiatement la production d’une série télé mais décide de faire les choses intelligemment.

Pour ne pas nuire au futur Dragons 2, Cartoon Networks et Dreamworks décident d’emprunter un chemin de traverse. Dragons, les cavaliers de Berk ne racontera pas la suite des aventures d’Harold mais servira de lien entre les différents films, préparant l’intrigue de Dragons 2 puis de Dragons 3 : Le Monde caché au travers de 6 saisons sous plusieurs appellations (Défenseurs de Berk, Par-delà les rives), dont la dernière a été diffusée à partir du 16 février 2018.

Là encore, le succès est au rendez-vous, d’autant plus que la qualité technique se hisse bien au-dessus de la concurrence et qu’elle respecte totalement le film original et ce que prépare DeBlois dans son coin.

 

photo Dragons TVDes séries télé qui n'ont pas à rougir face aux films

 

LES DRAGONS CONTRE-ATTAQUENT

Et Dean DeBlois a une idée très précise de ce qu’il veut faire. Son modèle, c’est Star Wars. Dans sa dimension mythologique toutefois et dans son traitement de l’histoire. Pour Dragons 2, il s’inspire clairement de l’ambiance de L'Empire contre-attaque et opte pour un ton plus sombre et plus adulte. Un volet de transition qui réévalue les enjeux, fait mûrir ses personnages et dévoile l’ambition de la saga : une quête initiatique, un passage à l’âge adulte et l’exploration de réalités plus complexes que celles de l’enfance.

Dans Dragons 2, DeBlois n’hésite pas à rendre la vie difficile à ses héros comme à son public. Perte du père, questionnements amoureux compliqués avec choix à faire, obligation d’assumer sa place, tout y passe et le résultat, rehaussé par une technique encore plus magnifique, ne cesse d’étonner encore aujourd’hui. Si Dragons était un conte gentil et magique pour les enfants, Dragons 2 se révèle une vraie leçon de vie qui prend très peu de gants avec son jeune public.

 

Une rencontre inespérée

 

Evénement loin d’être anodin, Dragons 2 est d'abord visible en France, le 16 mai 2014, où il est projeté hors compétition au Festival de Cannes, pour fêter les 20 ans de Dreamworks, avant d’atteindre les écrans américains le 13 juin 2014, puis le reste des salles françaises le 2 juillet de la même année.

Chose intéressante, le film a coûté moins cher que son prédécesseur, 145 millions de dollars (soit 20 millions de moins) mais en a rapporté 200 millions supplémentaires (box-office mondial record de 621 537 519 dollars). Le film est un gigantesque succès, preuve que la marque n’a jamais été aussi populaire et permet à DeBlois d’enfin parachever son Grand Œuvre en lançant la production de Dragons 3, dont la sortie est d’ores et déjà prévue pour 2016. Mais, là encore, rien ne va se passer comme prévu.

 

Dragons 2Amitié et responsabilités

 

Avant de découvrir les raisons qui ont retardées la sortie de Dragons 3 : le monde caché, octroyons-nous une petite pause. Dans la seconde partie du dossier, nous reviendrons sur le dernier film de la saga, sans spoiler, puis nous tenterons une interprétation sur le fond de l’histoire et sur les raisons qui font que, quel que soit notre âge, ce récit nous touche.

A suivre…

 

 

 

affiche finale

 

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commentaires
MisterM
10/02/2019 à 16:51

@ Number6 : Ok merci, je te remets maintenant. ^^

@ Geoffrey Crété : Je comprends que vous aimiez cette saga et veuillez la mettre en avant, mais poser une question provocatrice dans le titre sans jamais y revenir dans l'article, c'est du racolage de caniveau...

Geoffrey Crété - Rédaction
10/02/2019 à 12:29

@MisterM

Si par "article promotionnel" vous entendez sponsorisé : non. Lorsque c'est le cas, on le précise, et on renvoie vers la page où on explique notre démarche et le principe de ces partenariats.

Ici, on a simplement une trilogie qu'on aime beaucoup. Un dossier classique, lié à l'actu. Vraiment rien de spécial.
Ce titre est simplement là pour poser des enjeux, intriguer. Simplifier un axe. L'article parle de lui-même sinon.

Par ailleurs, vu comme on a encore récemment étalé notre admiration sans borne pour Miyazaki, nul besoin de rappeler qu'on aime son oeuvre

https://www.ecranlarge.com/films/dossier/1053526-du-voyage-de-chihiro-a-totoro-pourquoi-hayao-miyazaki-est-un-pur-genie-en-six-films

Number6
10/02/2019 à 12:13

@mister m

Un petit nouveau sur le forum, un pseudo finissant par 31. Mais je connais un peu tout les noms, vu que j'ai perdu 3 4 fois mes identifiants, ça doit faire 15 ans que je suis le box office, limite depuis le début de Smenu..

Bubble Ghost
10/02/2019 à 02:28

Personne n'est meilleur que Miyazaki... C'est bien compris ?... Et celui qui n'est pas d'accord, peut venir tâter de mon katana, si ça lui dit :D

MisterM
09/02/2019 à 23:23

Traître ! Qui es-tu à te cacher sous un autre pseudo ? ^^

Ceci dit je suis simplement allé chercher les chiffres du BO des Dragons sur wikipédia... j'imagine que M. Foltzer les avait mal lus.

Number6
09/02/2019 à 20:18

@ misterm

Tout le monde ne traîne pas sur le forum d allocine pour le box office...

Je te charrie.

MisterM
09/02/2019 à 19:58

"Dragons 2 a rapporté plus de 200m que son prédécesseur"
Non, 621 moins 495 ça fait moins de 130... On est loin d'un "succès gigantesque", surtout qu'il a baissé aux Etats-Unis.

Si votre but est de faire un article promotionnel, ce qu'on peut penser vu son titre outrancier, au moins faites-le bien... M. Foltzer m'avait habitué à mieux !

Number6
09/02/2019 à 15:21

Ahhh vous l'avez fait. Super. Purée je suis déjà nostalgique de cette saga.
Dans les "trahisons" au roman, il y aussi que Korkmou, le dragon qui suit Harold partout, est un terreur terrible, un petit dragon. Le fait d'en avoir fait un grand dragon en furie nocturne est bien vu pour la relation et la confiance entre les deux.

Sinon, je possède et j'ai vu cavaliers et défenseurs de Burk, la série. Et c'est vraiment bon, pour comprendre comment les dragons se sont imposés dans la vie des vikings. Pas vu au delà des rives, vu que c'est sur Netflix.
Vivement la deuxième partie du doss.

Ghob_
09/02/2019 à 14:54

Bien vu, les gars ce petit dossier !
En attendant que le 3 pointe son nez dans notre coin, j'ai revu les deux premiers avec mes enfants et ce sont vraiment de très bons films, aussi réussis visuellement que thématiquement. A voir et revoir sans modération.