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Brimstone : critique d’un western hardcore

Par Simon Riaux
28 avril 2016
MAJ : 3 octobre 2023
11 commentaires

Martin Koolhoven aura mis six ans à réaliser Brimstone, western franco-néerlandais, tourné en Europe avec des acteurs anglo-saxons. Et si son film appartient indubitablement à un genre inscrit en profondeur dans l’ADN du cinéma américain, les greffes continentales qu’il lui impose en font une œuvre mutante, aussi féroce que retorse.

Affiche

BRAVE NEW WORLD

Sous la surface azuréenne d’un lac baigné de soleil, des balles fusent, scindant l’image de voraces traînées de bulles, tandis qu’une voix féminine amorce le récit, et nous laisse entendre que nous allons assister au récit de vie d’une femme forte, une « guerrière ». Pourtant, quand nous découvrons Liz, trentenaire muette et mutique, devenue sage-femme d’une petite communauté de colon, pas évident de deviner la combattante derrière cette femme qu’on devine marquée par la vie.

Ce n’est que quelques minutes plus tard, lors d’une séquence à la fois impeccablement sobre et asphyxiante d’inexorabilité, que nous comprenons la nature de son combat. Sommée de choisir entre la vie d’une femme en couches et celle de son enfant, elle prendra la décision de sauver la première, précipitant alors son destin et celui de sa famille. Soudain perçue comme une meurtrière, celle qui aura choisi en lieu et place de Dieu va affronter – à nouveau – la furie d’un monde d’hommes qui la considère au mieux comme un bien matériel, au pire comme un esclave sexuel et déversoir à névroses.

 

Guy pearce Dakota Fanning

 

CECI EST MON SANG

Avec son goût immodéré pour l’ultra-violence, la cruauté stylisée et les mutilations en tout genre, Brimstone joue au funambule. Le métrage en appelle aux souvenirs de sous-genre pas franchement glorieux, notamment les « Women in Prison » (ou WIP), qui faisaient leur beurre des sévices infligés à d’innocentes brebis blondes. S’il n’est pas interdit d’y prendre un plaisir distancié et si le scénario sait s’en approcher, c’est toujours pour mieux en pulvériser les codes.

Martin Koolhoven nous propose une quête initiatique inversée chronologiquement, une plongée dans les ténèbres qui convoque finalement plus le film d’horreur que les rituels traditionnels du western, à la façon d’un Vorace apocalyptique. Les multiples hommages à La Nuit du Chasseur éclairent d’ailleurs sur la dimension quasi-fantastique de cette épopée, sa propension à convoquer le territoire du cauchemar, bien plus que l’Eden fantasmatique de la nouvelle Frontière propre au Western.

 

Guy pearce Dakota Fanning

 

En 1978, Harold Pinter prenait l’argument du vaudeville dans sa pièce Trahisons, pour mieux en déconstruire les principes et en révéler la teneur tragique, en en renversant notamment la chronologie. Le cinéaste suit ici cet exemple et au fur et à mesure que se déroule la vie de Liz (intense Dakota Fanning), c’est un calvaire en forme de poupée russe, sorte d’anti-passion christique à la Dogville, qui se dévoile sous nos yeux.

 

Guy pearce Dakota Fanning

 

FEU À VOLONTÉ

Pour autant Brimstone ne se contente pas de relire le western à la sauce féministe. Pour radical – voire désespéré – qu’il soit dans son propos, le film n’oublie jamais de proposer un puissant divertissement. La caméra de Koolhoven se joue des codes et des genres pour maximiser toujours la puissance iconographique de ses plans et plutôt que de chercher à surprendre, le metteur en scène s’attache à composer des tableaux aux mouvements limités, mais où le moindre geste se fait menace, crise en devenir. Superbement éclairé, Brimstone dégage ainsi une tension permanente, une urgence sourde.

 

Photo Kit Harington

 

Cette puissance d’arrêt qui saisit le spectateur aussi bien lors des explosions de violence que lors des régulières confrontations entre ses anti-héros provient également des deux acteurs principaux du film. Fanning comme Guy Pearce sont simultanément cabotins et minimalistes, habités et complexes, sorte d’animaux prêts à bondir hors de leur cage. Leurs performances sont d’autant plus remarquables qu’elles ne prennent jamais le pas sur les personnages qu’ils incarnent, n’écrasent jamais le récit de compositions trop lourdes ou mécaniques.

Entre ce révérend démoniaque et cette femme que son genre voue à une malédiction sans cesse renouvelée se joue une danse funèbre et enragée, rendue plus forte encore par un scénario qui se moque pas mal de briser les conventions, notamment en termes de rythme. Le film démarre ainsi très vite après un premier étripage particulièrement ragoutant, avant de se jouer de la logique narrative et temporelle dans le seul but de décupler l’intensité et la dramaturgie des destins qui se nouent sous nos yeux.

À l’image de son climax où se mêlent flammes infernales et purgatoire immaculé, Brimstone brusque le spectateur, bouscule les lieux, les époques, les tonalités, pour narrer un mythe en forme d’épitaphe, puissant et cinégénique en diable.

 

Affiche

 

Rédacteurs :
Résumé

Impitoyable et viscérale descente aux enfers, Brimstone tient autant du cauchemar organique que du pur western, pour notre plus grand plaisir.

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Flo

Lourd, lourd, lourd…
Comme la mise en scène de Martin Koolhoven (et la musique de son compatriote Tom Holkenborg, comme toujours), qui en rajoute des tonnes pour bien signifier qu’on est dans un western christique.
Avec une Dakota Fanning martyre, symbolisant toutes les femmes (pourtant, il y en d’autres identiques). Et un méchant de plus en plus grotesque, symbolisant le machisme triomphant et toutes ses excuses bidons pour justifier l’innommable (overdose de vilainie pour Guy Pearce, qui épuise tout son stock en une fois).
C’est du nihilisme cynique au final, trop étouffé, trop artificiel (le chapitrage, qui va à rebours), trop redondant (deux pendaisons à la suite mais sans rapport entre elles). Pas un geste artistique conscient, pas quand on y trouve des effets lorgnants surtout sur du Slasher simili fantastique – c’est à dire avec beaucoup de personnages plus idiots que innocents, voués à se faire tuer plus à cause de leurs très mauvais choix que parce-qu’ils seraient maudits…

Sauf que ça n’est pas cathartique comme dans un film d’horreur, c’était sensé nous émouvoir en nous faisant témoigner d’injustices répétées, de scènes rudes sur des femmes, des enfants, des gens gentils etc… – pesant, qu’on vous répète.
Pour ça, il aurait fallu plus de moments de grâce au milieu, pour compenser et paradoxalement pour faire ressortir la noirceur, et empêcher que le côté malaisant ne passe pas pour du sensationnalisme.
Et il aurait fallu éviter des situations faisant croire à la promesse d’une revanche, laquelle ne cesse de se dérober pendant 2 heures 10 – « tout va mal mais les méchants vont le payer ? non, juste après, c’est pire !! »
Bref, peut-être s’il y avait plutôt eu un Mel Gibson aux manettes… pas celui de « La Passion du Christ », mais celui dont la boîte Icon Productions avait produit 10 ans avant un surprenant western du même genre, « Seraphim Falls ».
Qu’on conseillera 100 fois plutôt qu’une.

Dan

Magnifique film Dakota actrice avec un grand talent. Un grand bravo à ce film. Ouf je suis encore bouleversé.

jango56700

C’est un super film !! bien réalisé, la suprise de l’année dernière

corleone

Dakota Fanning, sans doute la meilleure actrice de sa génération. Son jeu a toutes les caracteristiques de La Methode Actor’s Studio. Je la suis depuis Sam je suis Sam et elle ne m’a jamais déçu dans ses choix et prestations spectaculaires. Je verrais ce film parceque j’aime le western, Guy Pearce et surtout surtout cette actrice impeccable.

JK

Le film est superbement photographié.
Pour ce qui est de l’intrigue, j’ai trouvé qu’il faisait une bonne demi-heure de trop, qu’il est finalement assez répétitif, et que le personnage de Guy Pearce, au début original et habité, en vient vite à sombrer dans le grand-guignol en manquant totalement de subtilité. C’est dommage.
Le film n’est pas inintéressant mais son côté lourdement démonstratif n’en fait pas un chef d’oeuvre du genre.
Après, le réalisateur tenait sans doute à rendre son film oppressant…

Puech

Idem. Je n’en attendais rien… faut avouer que votre critique donne envie. A voir.

La Rédaction

@VPN
Le film étant radicalement dénué d’humour…

VPN

Le film sortira chez nous le 05 avril prochain et, pour fêter ça, on a donc droit à une nouvelle bande-annonce, plutôt courte, mais qui résume assez bien l’état d’esprit du projet et ce qui pourrait être sa plus grande faiblesse. En effet, entre deux plans impressionnants et indicateurs d’un ton gentiment dark, le trailer ne peut s’empêcher de se vautrer dans la vanne foireuse et les clins d’oeil un peu opportunistes. Evidemment, il faudra attendre de voir le film pour savoir si cela est bien équilibré ou non, mais quoi qu’il en soit, ce trailer nous rappelle que la vieille série n’est jamais très loin.

Lolo Pecho

Bravo EL. Vous êtes les rares a vous intéresser à des perles qui passent sous le radar des médias même si je ne m’attends pas à un miracle au box-office à cause de nos amis les exploitants de salles.

Copeau2

Ho crotte, dire que pas plus tard que hier, après avoir critiqué abusivement un titre d’un article, je me sentais tout vilain dans mon petit coeur….voilà que nos gars préférés de LaRédaction décide de nous pondre un sacré putain de titre racoleur. Alors là, chapeau bas, ce titre est particulièrement vicelard !