Under The Shadow : critique d'un bon gros Djinn

Simon Riaux | 31 janvier 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 31 janvier 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Les Djinns ont triste réputation au cinéma. Forcément quand le Festival de Gérardmer nous propose un de leur méfait, multi-primé partout dans le monde, notre curiosité est piquée au vif.

DJINN TONIQUE 

Récompensé durant les Festival de Sitges, Viennes, Seattle, Puchon, Neuchâtel, Porto, nommé par le Cercle des Critiques Londoniens, les Independent Spirit Awards, British Independent Film Awards ou encore les BAFTA, Under the Shadow n’a curieusement pas réussi à attirer grande attention sous nos latitudes. Une ignorance aujourd’hui réparée grâce à la 24ème édition du Festival de Gérardmer, qui a permis au film de Babak Anvari de remporter le Prix du Jury et le Prix Syfy, deux récompenses importantes, attribuées par des jurys radicalement différents.

Sur le papier, Under the Shadow se doit d’éviter quelques lourds écueils. Comme évoqué plus haut, celui inhérent au film de Djinns, à savoir le risque d’ennuyer rapidement un spectateur peu sensible à une mythologie qu’il maîtrise mal, visuellement très restreinte, mais le métrage doit également prendre garde à ne pas sombrer dans le simpliste tract politique.

En effet, le récit nous plonge dans le Téhéran de 1988, cible de choix pour l’armée Irakienne, alors en guerre avec l’Iran. Soit un terrain aussi propice aux problématiques humaines extrêmement fortes, qu’à une forme de militantisme consciencieux et bien sous tous rapports, plus souvent pourvoyeur d’ennui poli que de proposition de cinéma.

 

Gérardmer 2017

 

VOILE DE TERREUR 

Des chausse-trappes que le récit évite avec une aisance admirable, porté par la mise en scène extrêmement intelligente de Babak Anvari. Sa caméra suit le quotidien d’une femme au foyer, que son engagement politique prive de la poursuite de ses études, tandis que son appartement et sa fille deviennent la cible de manifestations surnaturelles.

 

Gérardmer 2017

 

Si le propos du cinéaste est bien d’autopsier la dictature religieuse iranienne, afin de dresser la liste de ce que ses victimes doivent abandonner de leur humanité afin d’y survivre, l’artiste dresse son réquisitoire en investissant totalement le champ d’expérimentation de l’horreur. Parquée dans un logement qu’elle ne peut quitter sans affronter la police religieuse qui la traque, obsédée par de mystérieuses silhouettes qui dérèglent progressivement son quotidien, Shideh est de tous les plans.

Avec minutie, la caméra d’Anvari l’isole au sein des plans, alors que les rites du quotidien ou les certitudes du personnage se distordent. Pour y parvenir, le cinéaste orchestre une montée progressive de l’horreur absolument implacable. Des objets perdus, aux rêves angoissants, jusqu’aux apparitions d’entités monstrueuses (l’abominable machin dentu risque de vous empêcher de dormir un bon bout de temps), la progression cauchemardesque du récit, soutenue par une composition rigoureuse de l’image, ne laisse aucune échappatoire au spectateur.

 

Gérardmer 2017

 

À VOILE ET A PEUR 

En utilisant des textures et notamment de textiles pour générer l’effroi, Under the Shadow créé petit à petit un écosystème dans lequel la femme indépendante jouée par Narges Rashidi n’a d’autre choix que de renoncer à tout ce qui la définit comme individu. L’amour de sa fille, la fierté inhérente à ses engagements et jusqu’à sa féminité sont ainsi engloutis par l’abominable entité qui la traque.

Et ce, jusqu’à un plan stupéfiant, contenant la force et la grâce du projet, où l’héroïne – ainsi que le spectateur – confond un instant la silhouette voilée du personnage avec celle du redoutable Djinn qui la traque. Et Under the Shadow, tout en nous proposant un sincère film d’horreur intime, de dresser un réquisitoire glaçant de l’inhumanité consécutive à la situation qu’il dépeint.

 

Affiche française

Résumé

Flippant et politique, Under The Shadow est une plongée suffocante dans l'enfer d'une dictature religieuse où tous les garde-fous du réel s'écroulent.

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commentaires
Kiddo
02/02/2017 à 23:33

Excellent film, avec une relecture, une fraicheur et un démontage d'un genre en pleine forme après les It follows, Babadook ou le vénéneux et hypnotique The eyes of my mother...

MystereK
02/02/2017 à 08:30

Netflix a acheté les droits mondiaux en juillet 2016, mais il est quand même sorti au cinéma en Suisse à l'automne avant d'apparaitre sur Netflix au début de l'année.

Oui, le film est d'un rythme lent, loin de celui d'un blockbuster, mais absolument pas ennuyeux et il s'en est très bien sortit dans les festivals (NIFFF et Gerargdmer par exemple) où le public compte aussi pour beaucoup.

corleone88
01/02/2017 à 14:33

Vu hier et très soporifique.

west666
01/02/2017 à 13:58

Flippant pas un instant ennuyeux oui perso 1 étoiles et juis sympa bine naze vu en vo en 2016

Simon Riaux
31/01/2017 à 14:38

Pas de sortie salle, Netflix a acheté les droits monde du film.

MystereK
31/01/2017 à 14:16

J'adore ce film, grand prix du NIFFF 2016, disponible sur Netflix.

HAL
31/01/2017 à 14:16

Décidément de très bonnes nouvelles de cinéma ! Ça donne très très envie et ça rejoint ce que j'ai pu lire/entendre ailleurs. Pas de sortie salles prévue ?
Sur le sujet du film, bientôt un remake américain... OK la meute habituelle risque de venir hurler. Les chiens aboient...
Affiche sublime par ailleurs.

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