Gérardmer 2017 : le compte-rendu Grave d'une édition ultraviolente

Simon Riaux | 31 janvier 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 31 janvier 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Gérardmer, c’est un peu comme Cannes, mais avec de la neige et du vin chaud. Ou comme Noël, mais sans la famille et conclu par une messe noire. Bref, on était présent lors de la 24ème Edition du Festival, et on a tout donné.

« C’est un pur scandale ce que vous avez fait. Récompenser Grave, c’est une attaque contre la cinéphilie. C’est un film qui avilit l’humanité. La réalisatrice y cautionne la drogue et la vulgarité. J’enseigne les lettres dans une prépa vétérinaire, ces jeunes gens sont l’élite de la nation, pas des peignes-culs tout juste bons à baiser et à tuer des gens. C’est un scandale ! »

 

Photo Garance MarillierGrosse décadence nasale

 

C’est par ces mots doux, prononcé par un individu à la langue chamarrée et à la démarche chaloupée, que fut cueilli le Jury Presse du festival à l’issue d’une enthousiasmante cérémonie de clôture. Alors que la petite troupe encaisse le choc d’avoir si définitivement déçu un amateur des beaux-arts, l’heure est grave. Avions-nous vraiment porté un coup sérieux à la dignité humaine ? Le choix de Grave allait-il plonger une société française en lambeaux dans un marécage de décadence crapoteuse ? Les vétérinaires survivraient-ils à cet ultime affront contre une profession si souvent traînée dans la boue ?

L’heure étant à la remise en question, un retour sur une semaine de cinéma, de zombies, de cannibales et de liquides distillés s’impose.

 

Julia DucournauOh la belle édition 2017 !

 

Tout le monde se lève pour Gérardmer

Premier constat : le plus important Festival du Film Fantastique de l’Hexagone se porte bien et même mieux que bien. Avec plus de 30 000 tickets vendus, la manifestation a tout simplement explosé le record de fréquentation de la précédente édition, déjà historique avec 28 000 tickets écoulés.

Alors forcément, autant d’amateurs de barbaque répandue à l’écran lâchés sur « La Perle des Vosges » (vocable employé régulièrement par les bourgmestres locaux), ça fait tâche, mais ça fait du bien. Et il faut dire que les hordes de sauvages carnassiers ont été particulièrement bien servies par une sélection aux petits oignons.

Car si la sélection de productions proposées reflétait parfois cruellement les mutations du secteur, comptant dans ses rangs plusieurs œuvres disponibles illégalement, terminées depuis de longs mois, voire disponibles sur Netflix, rarement le Festival aura proposé un panachage aussi qualitatif de productions récentes.

 

Olwen Catherine KellyLe Festivalier typique 

 

Snow Shower

Avec Jeeg Robot, Under the Shadow, The Autopsy of Jane Doe (la critique ICI), The Girl with All the Gifts (et pour elle ICI) et Grave, Gérardmer comptait au sein de sa compétition pas moins de 50% de véritables propositions, trouvailles ou pépites. Impossible de dresser des thématiques communes, tant les idées animant chacun de ces métrages diffèrent, voire s’opposent, signe encore une fois d’une belle diversité.

Tout au plus remarquera-t-on une nette tendance à trucider salement des animaux de compagnie, preuve que le public Gérômois n’est définitivement pas végétarien. Notons également que tous les films évoqués plus haut auront été honorés d’un prix, symptôme sidérant de l’acuité critique qui régnait sur la Célébration, malgré les litrons de vin chaud ingérés par tout le monde.

 

Gemma ArtertonUn public réactif

 

Après une édition 2016 où seul The Witch nous a semblé vraiment enflammer l’atmosphère, force est de constater que cette nouvelle itération était d’une richesse délirante.

Découvert à Cannes, Grave (la critique ICI) a une nouvelle fois fait des ravages. Adoré par le Jury, le Jury de la Critique, mais également reçu très chaleureusement par le public (ce qu’on n’attendait pas forcément, l’étiquette arty n’étant pas toujours super bien reçue à Gérardmer). Grâce à son interprétation, sa mise en scène surréaliste et son écriture  protéiforme, le premier film de Julia Ducournau a marqué le Festival de son empreinte.

Quant à la réalisatrice, impossible de ne pas la remarquer dans les couloirs du Grand Hôtel, qui résonnent encore de son rire et d’une anecdote douanière passablement hilarante. Indice de la possible réussite du film : malgré sa radicalité et sa probable interdiction aux moins de 16 ans, il était sur toutes les lèvres, des fans de slashers bourrins, aux amateurs de fantastique 80’s en passant par les tenanciers d’une horreur plus auteurisante.

 

Garance Marillier - Rabah Naït OufellaDes repas festifs 

 

Split Kangourou

Après Cloud Atlas et Jupiter Ascending de chez Warner, ce fut au tour d’Universal de rejoindre Gérardmer pour nous montrer son Split (notre critique juste là). Au-delà de la réception du métrage, c’est là un signe encourageant de la capacité de l’évènement à attirer à lui des productions de premier plan. Une tendance qu’on espère voir se renforcer.

Ainsi, on ne peut s’empêcher de croire que la Fox eut été inspirée de proposer aux Vosges A Cure for Life, attendu dans quelques semaines, et qui aurait trouvé là un accueil (et un buzz) sans doute très positifs. Quoi qu’il en soit, Gérardmer fut bien inspiré de faire du Shyamalan son ouverture, et de plonger ainsi directement ses spectateurs au cœur d’une compétition disputée.

 

Photo James McAvoyUne programmation multiple 

 

Tout le monde dit « I Kill You »

Mais la manifestation n’en n’est pas restée à la crème de la crème de la peur atmosphérique. Et heureusement, parce que quiconque a déjà profité de générosité liquoreuse des équipes de Syfy sait qu’il n’est pas toujours possible de se concentrer pleinement sur une œuvre complexe. Pour les cerveaux avinés en quête de mort pelliculée, il y eut aussi de quoi se mettre sous la dent.

On pense bien sûr à Clown, premier film de Jon Watts, le réalisateur de Spider-Man Homecoming. Un premier effort qui nous fait prier pour que Marvel ne laisse pas le cinéaste toucher au scénario du reboot de L’Homme araignée, tant son Clown est écrit en dépit du bon sens. Truffé d’incohérences et d’énormités, le film n’en est pas moins divertissant, grâce à un mauvais esprit qui ne manque pas de charme.

 

Eli RothDes activités rigolotes

 

Après tout on n’a pas tous les jours l’occasion de se gondoler devant un père de famille possédé par l’esprit d’un clown démoniaque, et forcé de démembrer moult marmots. Une violence graphique et bien réelle, qui apaisa durablement les cerveaux en descente de pastis.

Les poètes abstinents auront pour leur part préféré Le Secret de la Chambre Noire, nouveau film de Kiyoshi Kurosawa, présenté par le réalisateur en personne, invité à l’occasion d’un hommage, brillamment rendu par un Jean-François Rauger on fire.

Evanescent, longuet et souvent grotesque, le film n’en demeure pas moins fascinant par endroit, et d’une richesse thématique parfois vertigineuse, ce qui en fit une remarquable alternative au carnage filmique quotidien.

 

Kyoshi Kurosawa

 

Murder Ballad

Comme toujours, le Festival fut un formidable pourvoyeur de micro-évènements promis à devenir légendaires. Cette année, on découvrit qu’il était possible de faire tenir des dizaines de joyeux drilles alcoolisés sur 23 cm de glace, malgré l’inquiétude du grand Kurosawa quant à la pertinence de boire l’apéro sur un lac gelé.

On découvrit que de mystérieux psychopathes avait décidé de commercialisé un pull aux couleurs de célèbres tapis de jeux enfantins.

On réalisa qu’il n’existe pas de véritables limites à ce qu’un estomac peut accueillir en matière de fromage.

 

Julia DucournauUn dernier pour la route ?

 

On observa une tentative d'assassinat particulièrement vicieuse sur la personne de Philippe Rouyer, perpétrée par un juré tentant de lui carrer le Haneke en travers de la gorge.

Votre serviteur ne dut sa survie qu’aux bonnes grâces de l’équipe Syfy, prête à tous les sacrifices pour empêcher une déshydratation sauvage, aux merveilleux repas organisés par le Public Système et à la mémoire sélective des formidables maîtres d’Hôtel d’un certain Grand Hôtel.

On comprit enfin qu’il était ridicule de plaisanter avec des policiers en plein état d’urgence, quelques minutes avant le départ d’un train du Festival.

On dansa passionnément sur une version symphonique de Femme Like You, ré-orchestrée par un éminent critique littéraire et on causa même schizophrénie galopante avec Bernard Werber.

 

AfficheOn vous a parlé de Grave ? 

 

On remercie avec toute la gratitude et la chaleur qui s’impose les équipes du Public Système, toujours aussi disponibles, même à l’endroit des journalistes pas foutus de traverser une gare sans déclencher une alerte attentat.

Que Céline Petit, Aïda Marie et Bruno Barde se reposent du sommeil du juste, ils l’ont bien mérité. Et s’ils ont déjà récupéré, on lève un verre (d’aspirine) à leur santé.

Que Suzy et Cécile de Syfy soient remerciées pour leur humour, leur bonne humeur, leur résistance et leur patience, ainsi que leur capacité à repousser l’heure de fermeture du bar du Grand Hôtel, sport de haut niveau, très disputé à Gérardmer.

 

>>> LE PALMARÈS COMPLET A LIRE ICI

gérardmer affiche

 

 

Tout savoir sur Grave

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commentaires
Mad
31/01/2017 à 18:29

C'est dingue cette passion qu'ont les lecteurs d'EL de dénicher la moindre petite coquille innocente et de l'afficher comme une aversion dans les commentaires. C'est pas grave, c'est qu'une petite faute d'étourderie. Calmez-vous.

Han Solo
31/01/2017 à 17:15

"On pense bien sûr à Clown, premier film de Tom Holland, le réalisateur de Spider-Man Homecoming." Tom Holland, réalisateur de Spiderman Homecoming ? Bon...
Jon Watts peut aller se rhabiller, son acteur le remplace délà !