Louise en hiver : Critique ensoleillée
Louise en hiver, cinquième long-métrage d’animation de Jean-François Laguionie, est de ces films qu’on pourrait estampiller « film de Noël », tant de le voir vous réchauffe le cœur aussi sûrement qu’un chocolat brûlant. Ce serait, bien sûr, faire offense à la finesse, à l’extrême sensibilité, à la clairvoyance modeste, et ô combien lumineuse, qu’offre ce merveilleux conte d’animation, à la modestie propre aux petits chefs-d’œuvre.
Mamie je t’aime
Louise, c’est une petite vieille dame telle qu’on en connaît tous. Une charmante mamie avec des perles aux oreilles, un fichu sur la tête, et les seins qui dégringolent comme deux boules de glace fondue. Ayant raté le train qui doit la mener loin de la petite station balnéaire où elle réside, comme elle le fait chaque hiver, elle doit se résoudre à affronter seule, dans une ville devenue fantôme, l’arrivée des grandes marées.
Mais Louise n’est pas de ceux qui se résignent. La vieillitude comme elle l’appelle n’est pas une fin. Parce qu’il fait trop humide pour qu’elle dorme chez elle, elle se bâtit une cabane sur la plage, à la sueur de son front et à coup de marteau sur les doigts. Robinson Crusoé du 3e âge, elle part à la pêche aux crevettes grises et fait de longues balades en compagnie du seul être demeuré ici : un chien moche et plein de plis, qu’elle baptise Pépère.
Ce temps préservé, loin de la fureur des hommes, est propice au souvenir. Louise, qui a un peu perdu la mémoire, glisse dans son passé. Comme la plage au matin, il n’est jamais tout à fait le même, et comme le sable, il crisse entre les doigts. L’hiver de Louise, remarquablement ensoleillé, est aussi et avant tout une saison métaphysique, qui entraîne le spectateur dans un dédale d’émotions aussi puissantes qu’inattendues.
Poésie sonore
D’un point de vue formel, Louise en hiver affiche un charme volontairement désuet. Les dessins simples mais pas simplistes d’aquarelles accentuées avec du pastel donnent l’illusion de feuilleter un album photos chez mère-grand. Une illusion renforcée par le grain du papier, à laquelle s’intègre magiquement l’animation numérique. Mais, plus encore qu’un film visuel, Louise en hiver est un film sonore. La voix profonde et vibrante de la vieille dame, incarnée par la formidable Dominique Frot, flanque la chair de poule dès les premiers mots prononcés.
Loin de signer l’aveu d’impuissance d’un cinéma paresseux, cette voix off constitue le c(h)œur du film. L'immersion auditive dans la pensée de Louise, associée à une musique splendide – les pièces de jazz de Pierre Kellner, la suite de pièces orchestrales de Pascal Le Pennec et enfin le son de la mer – transforme une situation a priori banale en fable existentielle. En seulement 1h15, Louise en hiver relève le pari de créer, à partir d’une intrigue digne d’une brève journalistique, un pur objet cinématographique.
Lecteurs
(0.0)29/11/2016 à 01:05
Beau film, poétique et mélancolique. Un beau moment de détente, un anti-stress bercé par la voix de Dominique Frot. On est loin à mes yeux de la perle Le tableau, mais Louise en hiver reste une belle oeuvre sous exploité par les salles de cinéma. triste....
26/11/2016 à 19:52
Où sont Jacques Tati, Pierre Etaix, Paul Grimault, Carné avec Prévert, Franck Capra, Preston Sturges... ?!
26/11/2016 à 19:43
Très bel article, en osmose avec son sujet. D'une poésie d'autant plus bienvenue qu'elle commence à se faire cruellement rare tant quotidiennement que cinématographiquement parlant...