Comique de situation
Pourtant, de prime abord, le sujet ressemble plus à un high-concept qu’autre chose : Paul et Sali sont heureux en ménage, mais n’arrivent pas à avoir d’enfant. Leur dossier d’adoption aboutit enfin et devient le sujet d’une expérience : on leur confie un bébé blanc aux yeux bleus alors qu’ils sont noirs. Évidemment, cette famille peu banale va faire jaser son entourage et le couple devra se battre contre les préjugés pour enfin vivre leur rêve.
Dit comme ça, Il a déjà tes yeux a tout du film Benetton, politiquement correct et très cynique à la manière d’un Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? Si l’on pouvait craindre qu’il ne dépasse pas son pitch et se vautre dans le « vivre ensemble » nauséabond, il n’en est heureusement rien puisque nous avons affaire à une vraie comédie au fond social très drôle. Qu’il s’agisse de nos héros battants, déterminés et positifs quoi qu’il arrive (excellents Aïssa Maïga et Lucien Jean-Baptiste) ou même de leur entourage, la leçon de morale attendue n’aura pas lieu.
Ici, pas besoin de tenir un discours polissé et convenu puisqu’à l’inverse de la tendance actuelle, le film n’a pour autre but que de partir de ce postulat pour nous offrir une aventure toute aussi drôle que touchante. Et il y arrive les doigts dans le nez, aidé il est vrai par une galerie de comédiens tous plus en forme les uns que les autres.
Vincent Elbaz compose un meilleur ami à l’ouest, mais extrêmement attachant qui nous régale de quelques répliques bien senties. Et on hallucine quand même un peu de voir le comédien nous offrir une version de Didier Super néo-bab’. Au rayon des surprises, comment ne pas citer non plus Zabou Breitman, qui délaisse son versant dramatique le temps d’un rôle d’assistante sociale retorse, suspicieuse et d’extrême mauvaise foi qui fera tout pour séparer la famille. La comédienne nous gratifie d’une performance hilarante et la présenter comme l’incarnation du Mal administratif absolu était une excellente idée. C’est bien simple : dès qu’elle apparait dans une scène, elle bouffe littéralement l’écran.
« Il est où le bébé ? Ah le voilà ! »
ROB REINER VERSION FRANÇAISE
En fait, et cela fait très plaisir, Il a déjà tes yeux, prouve une nouvelle fois qu’on peut avoir de bonnes surprises dans la comédie française. À l’image du Comment c’est loin d’OrelSan, le film sort quelque peu de la zone de confort du genre pour traiter un sujet sensible sans pour autant tomber dans le pathos ni dans la surenchère de bons sentiments.
Bien entendu, il a droit à son happy-end. Évidemment chaque personnage apprend quelque chose sur lui-même et sur l’autre, mais Il a déjà tes yeux a l’intelligence de ne jamais nous asséner son message à coups de truelle et de bons sentiments exacerbés. Sa volonté est même à l’opposé puisqu’il s’est clairement donné la mission de permettre au plus grand nombre de réfléchir de manière apaisée sur l’évolution de notre société tout en évitant de nous imposer son point de vue comme une vérité établie. Et c’est d’ailleurs l’une de ses plus grandes qualités.
Une famille heureuse, un spectateur qui sourit
Lorsque l’on parle de comédie française différente des produits calibrés habituels, c’est tout simplement parce que son inspiration semble venir d’ailleurs. Dans sa construction, dans son humour et dans ses personnages, Il a déjà tes yeux rappelle énormément les comédies 80’s de Rob Reiner et Nora Ephron, période Quand Harry rencontre Sally. On a vu pire comme références.
Bien entendu, le film n’est pas parfait. On note ici et là quelques facilités et raccourcis scénaristiques, de rares répliques qui tombent un peu à plat ainsi qu’une histoire somme toute convenue dans son déroulement, mais rien qui ne nuise à l’ensemble. Quand on voit ce qui se fait à côté au même moment, ne pas regarder Il a déjà tes yeux serait une grosse erreur car, comme le sujet qu’il traite, il est très loin du préjugé que l’on peut en avoir.
Très bon film, on se marre, tout le monde en prend un peu pour son grade, y a pas de jaloux.
4 étoiles carrément, la même note que Joker.
Qui RELIT vos textes…. avec un T… pas un S…
Lucien Jean-Baptiste sait faire des comédies subtiles, drôles et touchantes mais sans pathos, totalement dénuées des fatals ingrédients que sont la vulgarité et la balourdise servies invariablement en agréments principaux dans les oeuvres pathétiques, dites comiques, de ses congénères corporatistes qui devraient « réviser » leurs classiques et tirer des enseignements de Wilder, Capra, Lubitsch ou Preston Sturges…
@的时候水电费水电费水电费水电费是的 fredou : :-))
@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Christophe Foltzer : un grand merci pour le coup de projecteur sur ce film et la critique qui va avec.
…Et vos articles en général.
Mignon du coup le « relis » avec un « s » dans le commentaire à être vigilant sur l’orthographe…
Et belle performance de Vincent Elbaz qui ose
@Alfred
C’est surtout un titre, une phrase d’accroche. La critique elle-même parle au-delà de ce film, et cite Comment c’est loin.
On a quelques touches retorses sur nos claviers Lidl mais promis, on appuiera très fort pour avoir des majuscules 😉
Juste un truc sur Zabou, c’est pas Isabelle Huppert non plus, elle joue régulièrement des rôles plus ou moins comique.
Et puis le renouveau de la comédie française est presque devenu un lieu commun… La sortie de Victoria n’en était pas déjà la preuve?
Pour parler technique, et c’est pas juste pour ce papier – même si commencer le chapo sans Cap c’est juste agaçant -, vous avez pas un SR ou un correcteur qui relis vos textes?