Et il est bien difficile de comprendre ce qui aura motivé pareil emballement médiatique, tant le film se révèle anodin et banal, toujours sur le point de sombrer dans une embarrassante médiocrité. S’il n’y avait un évident savoir-faire dans la gestion du récit, de son rythme et de ses différentes étapes, ainsi qu’une portée historique et mémorielle indéniable, on serait tenté de voir dans les cris d’orfraie poussés par certains un opportunisme de très mauvais goût.
Selma a pour lui de rappeler des éléments essentiels de la lutte du Dr. King, d’en réveiller certains symboles. On saura ainsi gré au film de rendre assez lisible pour un public qui n’en serait pas familier les enjeux sociologiques et législatifs de la célèbre marche de Selma, de rappeler quels étaient les mécanismes basiques de la ségrégation civique qui oppressait les citoyens noirs américains.
Le reste, hélas, ne présente pas le moindre intérêt. Rythme amorphe, esthétique de téléfilm opulent, le film d’Ava DuVerney manque cruellement de style. Ainsi, comme paralysé par le respect dû aux figures historiques invoquées, le scénario se refuse à toute dramatisation de l’icône Luther King. Le film, en s’ouvrant sur sa réception du Prix Nobel de la Paix, le sanctifie trop tôt, le transforme instantanément en symbole de pureté morale et humaine absolue, auquel il est parfaitement impossible de s’identifier.
Plus grave, le film ramène la question de la lutte pour les droits civiques à un affrontement benêt entre individus bons, et individus mauvais. Comme si un système étatique d’oppression et de ségrégation raciale ne tenait finalement qu’à la mauvaise volonté de quelques méchants et à l’indécision d’hommes de bien qu’il suffirait de convaincre.