Avec ses jeunes filles suintantes et ses citations latines répétées ad nauseam, le fantastique catholique a effectué ces dernières années un retour en force à coups de films le plus souvent ratés ou incapables de s’élever au-dessus de L’Exorciste de William Friedkin. Sans doute conscient de ne pouvoir tout à fait échapper à cette figure tutélaire, Derrickson décide de marier les genres (comme lors de son premier film) et d’aborder sa thématique principale non pas à travers les yeux d’un ecclésiaste, mais en donnant les commandes du récit à un policier. Dans le rôle du flic surmené et matérialiste, Éric Bana impose sa marque et infuse dans cette histoire balisée un désespoir et une dynamique inédits. S’il ne fait pas des merveilles, il aide véritablement le metteur en scène à changer le tempo de son récit balisé.
Scott Derrickson peut ainsi s’extraire des carcans de la terreur WASP et de ses vieux démons pour se livrer à son exercice préféré : distordre l’image et le son. Délivre-nous du mal nous offre ainsi quelques très belles séquences, où les effets horrifiques disparaissent au profit d’une attention de chaque instant apportée à la photographie et à la texture de l’image. On est ainsi saisi par la beauté lumineuse d’un flashback tourné en 16mm, étonné par les efficaces jeux de lumière disséminés dans le décor et les nombreuses manipulations visuelles auxquelles se livre le réalisateur.
Hélas, cette approche rafraîchissante du genre et le soin apporté à l’esthétique globale du film vont de pair avec une grande paresse dans l’agencement de la peur. Pourtant élément essentiel de cette surprenante recette, l’angoisse n’est jamais générée que par des jump scares déjà vus mille fois, comme si le film renonçait progressivement à nous faire frissonner. Difficile de croire au pendant fantastique de ce récit, imposé par des maquillages qui tâchent, des effets sonores terriblement bourrins ainsi qu’une poignée d’effets dispensables. Un laisser aller d’autant plus regrettable que le scénario est obligé de retrouver les rails de l’exorcisme classique lors de son final, alors que le spectateur ne croit plus guère à cette dimension de ce qui était jusqu’alors un très curieux thriller mystique.