Critique : Amicalement vôtre

Simon Riaux | 18 novembre 2013
Simon Riaux | 18 novembre 2013
Amicalement Vôtre fait encore partie aujourd'hui des pierres angulaires de la riche histoire des séries télévisées. Depuis quarante-deux ans, sa recette aura été maintes fois copiées, plusieurs fois repensées mais quasiment jamais égalée. Faisant suite au célèbre Saint et préfigurant le Bond que deviendra Roger Moore, les aventures des Persuaders ont bercé plusieurs générations à travers toute l'Europe, au gré d'innombrables diffusions qui firent régulièrement le bonheur des enfants comme de leurs parents.

Cette impayable réussite est à l'évidence à mettre au crédit du duo de stars au service d'un programme conçu pour séduire jusqu'à la ménagère américaine (ce qui devait s'avérer un échec cinglant). Roger Moore prenait alors son envol, tandis que Tony Curtis, s'il n'est plus l'éblouissante superstar du temps de Certains l'aiment chaud, est encore connu internationalement comme un acteur hollywoodien de premier plan. À l'écran, l'alchimie entre le simili-lord et le proto-self made man est palpable. Les corps, les répliques, les attitudes se complètent à merveille, sans que l'on parvienne véritablement à définir qui prend le dessus sur l'autre. La classe inébranlable de ce duo se voit encore magnifiée par un recours permanent à l'improvisation, qui ajoute s'il en était besoin une dose de cool devenue la marque de fabrique du show et de tous ses imitateurs.

Les six premiers épisodes, situés et filmés sur la Côte d'Azur apporteront à l'ensemble une fraîcheur et une atmosphère qui tranchent radicalement avec les productions de l'époque, cantonnées dans des studios pas toujours du meilleur goût. Amicalement vôtre fut probablement l'une des premières séries à miser autant sur ses extérieurs et sur sa photographie, grâce à un budget que rendait possible la vente du programme aux U.S.A. On regrettera que cette qualité s'estompe au fur et à mesure des épisodes et des destinations égrainées par nos deux compères, malgré un soin évident apporté tant aux décors qu'aux costumes. Car le show dans son ensemble fut pensé et exécuté par du personnel rompu aux tournages destinés au grand écran, un choix exceptionnel pour l'époque, qui conféra à l'œuvre la remarquable tenue visuelle qu'elle affiche encore aujourd'hui.

Si la plupart des intrigues s'avèrent d'une naïveté confondante, voire d'une bêtise attendrissante, le temps a paradoxalement passé sur ces défauts objectifs, leur conférant une patine kitsch pas franchement désagréable. Sans compter qu'avec le recul, les choix vestimentaires de Brett Sainclair sont bien plus problématiques que les orientations scénaristiques de l'ensemble (à fortiori quand on sait que Moore insista pour concevoir lui-même ses costumes). Même le doublage, traditionnellement le point noir des programmes de l'époque, s'avère ici des plus savoureux, grâce aux talents conjugués de Michel Roux et Claude Bertrand, véritables orfèvres de la localisation. Leurs inflexions et intonations demeurent près d'un demi-siècle après leur enregistrement une référence sur laquelle les années semblent ne pas avoir de prise.

Et la série de se révéler toujours aussi inoxydable, élégante et divertissante, swag, dirait-on de nos jours. On la redécouvre avec le sentiment touchant d'assister à la naissance puis à la cristallisation d'un genre, le buddy movie, dont elle semble avoir tracé les contours immuables à force de répliques et images devenues lentement mais sûrement des identités remarquables du spectacle familial.

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