Critique : L'Hypnotiseur

Sandy Gillet | 8 mai 2013
Sandy Gillet | 8 mai 2013

On aurait pu croire qu'après le carton interplanétaire de la saga Millénium en librairie et de ses adaptations suédoises et américaines (le premier tome pour l'instant) au cinéma, on allait se prendre pleine poire une déferlante de polars venus du froid. Que nenni. On a beau chercher, à part le notable Jar City qui date de 2006, on n'a rien eu à se mettre sous la dent. Ce n'est pourtant pas faute de voir arriver sur les linéaires une bonne douzaine de bouquins par an qui justifierait sans problème une adaptation. L'hypnotiseur en fait bien évidemment partie. Premier livre d'une série de huit ouvrages dont trois pour l'instant sont publiés en France (le dernier titré Incurables vient juste de paraître chez Actes Sud), il a pour personnage central l'inspecteur Joona Linna de la « rikskrim » suédoise qui doit démêler ici une sordide affaire d'une famille sauvagement assassinée doublée d'un kidnapping d'enfant. Rien de nouveau sous le polar me direz-vous.

Certes, l'attrait est de toute façon ailleurs. D'abord dans le style très épuré de l'auteur (en fait un couple à la ville qui signe sous un pseudo) qui se cristallise à merveille sous la caméra de Lasse Hallström. Sa mise en scène linéaire semble en effet convenir à cette histoire qui ne s'embarrasse pas d'une caractérisation forcenée des personnages. Ceux-ci se révèlent uniquement par leurs actes et leurs décisions qui ne restent jamais sans conséquences. Ensuite, justement parce que l'ensemble s'apparente à une sorte de partie d'échec où tous les coups sont permis. On peut donc avoir un coup d'avance sur l'histoire, mais cela ne sert à rien puisque les règles ne sont jamais respectées. Hallström semble se délecter de la chose en réglant ses cadres où l'action en off est omniprésente et en faisant mine de respecter les codes du genre. L'enquête en devient résiduelle jusqu'à l'absurde pour ne laisser sourdre qu'une impression de malaise qui colle littéralement à l'image. On n'est pas dans le poisseux à la française mais plutôt dans le blanc clinique (la neige y fait pour beaucoup) qui brûle la rétine.

Une maîtrise formelle qui rappelle quelque peu Terre Neuve, dernier bon film du cinéaste qui semble revenir ici à une idée simple de cinéma. Un plan, une direction, une émotion. On friserait la très belle surprise si ce n'était les dix dernières minutes, vaste concession à quelque chose de plus « spectaculaire » dans l'approche cinématographique. Difficile en effet de se débarrasser en un film de plus de 25 ans de pratiques hollywoodiennes. L'hypnotiseur a d'ailleurs fait partie de la « short list » aux Oscars dans la catégorie meilleur film étranger sans pour autant accéder à la sélection finale. C'est dire son côté un peu bâtard. Film suédo-hollywoodien qui ne manque pas d'audace sans pour autant véritablement s'extirper de la case littéraire et cinématographique où on l'a assigné.

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