Critique : Pieta

Aude Boutillon | 7 avril 2013
Aude Boutillon | 7 avril 2013

En 2011, Kim Ki-duk livrait un bouleversant voyage psychanalytique et mégalo. Arirang avait révélé un cinéaste perdu, dévoré par les incertitudes et épuisé par l'industrie cinématographique, d'abord loué puis conspué par la critique en l'espace de quelques années. Quelques mois plus tard, il revenait malgré tout avec Amen, au parcours international toutefois sans commune mesure avec les bobines précédentes du cinéaste. Pieta corrigera le tir, en signant un retour aux affaires vindicatif et habité, indubitablement inscrit dans la lignée du travail son auteur, tel un Bad Guy résurrecteur. Nulle surprise, dès lors, à voir le réalisateur embrasser à nouveau certains de ses thèmes de prédilection (rédemption, introspection au contact de l'autre), marqués par une brutalité, émotionnelle comme physique, plus épuisante que jamais.

Ici, un collecteur de dettes impitoyable (qui n'hésite pas à estropier les plus démunis à des fins d'assurance) croise le chemin d'une femme qui lui assure être sa mère. D'abord réfractaire à la persistance étouffante de la vieille femme, Kang-do se laissera peu à peu envahir par cette présence subie et son amour démesuré et démérité. La déshumanisation et le désespoir de protagonistes écrasés par le nihilisme rejaillit sur un décor industriel désert et maussade, jungle de tôle laissée en friche, et trouvent leur retentissement dans les actes et décisions des personnages, chaque lueur d'espoir se voyant instantanément atomisée avec une violence inouïe (en témoigne le tragique destin d'un malheureux petit lapin).

L'entrée en scène d'un personnage porteur d'espoir, d'amour et de compassion, si elle avait vocation à permettre au film d'amorcer un virage dans sa narration jusque-là figée, s'avèrera à l'origine de longueurs et maladresses appuyées, qui n'ébranleront pas outre mesure les familiers de Kim Ki-duk, dont les constructions métaphoriques font désormais figure d'incontournables. Moins qu'une allégorie maternelle ou que de non dits familiaux, c'est d'une société amorale dont il est question, érigée sur sa dépendance à l'argent et prête (ou réduite) à l'impensable pour l'assouvir. Un postulat sinistre, nourri par un parti-pris ne tolérant aucune espèce de concession, porté à l'écran jusqu'à l'excès et la disproportion. « Du Kim Ki-duk », assurément.

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