On va pas se mentir, on a connu Costa-Gavras bien plus inspiré. Certes, on devine toujours ici la volonté de poursuivre une filmographie placée sous le signe de l'engagement et de la critique politique et/ou sociale, mais qu'il est loin le temps de L'aveu, de Z ou même plus récemment d'Amen. Si l'on frôle ici régulièrement la catastrophe, on n'évite pas la caricature, le trait grossier, la diatribe vainement distanciée, le style ampoulé au possible… De plus Le Capital s'inscrit malheureusement dans une « mode » du moment censée rendre compte de la crise économique actuelle d'origine financière. En France, sur ce sujet, on a eu Ma part du gâteau ou Krach, deux magnifiques tentatives qui feraient passer Wall Street 2 pour un chef-d'œuvre et Le Capital pour un film moyen. Bref on part de loin.
Adapté d'un roman éponyme de Stéphane Osmont parue en 2004, Gavras père met en scène paresseusement un film qui pêche d'entrée de jeu sur la représentation du monde de la banque complètement dépassée. En ce sens que ce que l'on voit à l'écran on l'a déjà vu ailleurs et en mieux. Une vision peu ou pas outrancière alors que le propos joue justement le registre du rejet par un public forcément choqué par ce qui peut se tramer dans les coulisses de la finance mondiale. À croire que Gavras vit dans sa bulle de la Cinémathèque pour n'y sortir le temps de faire un film qu'il doit penser acerbe et sociétale alors qu'il est à peine anecdotique. Que dire aussi de l'arc narratif aussi vieux que le Bel Ami de Maupassant où à la place d'un parvenu de journaliste on a un parvenu de valet de banque qui accède à la tête de la plus grosse institution financière française et européenne. Le film de Gavras s'attachant plus à montrer comment rester si haut perché que l'ascension elle-même.
Le moins que l'on puisse dire c'est que cela manque d'inspiration à tous les étages. La mise en scène est d'un plan plan à faire peur (peu ou pas de mouvements de caméra, une photo qui ressemble à une pute ayant travaillé toute la nuit, des points de vue inexistants…), c'est caricatural jusqu'à la moelle et nanti d'une moralité qui ne fera même pas relever un sourcil réprobateur. C'est qu'à part voir Gad Elmaleh se prendre au sérieux dans son costume cravate à trente milles boules arpentant le monde avec son jet privé de la manière la plus stoïque possible (entendre par là surtout ne pas péter), il n'y a pas vraiment grand-chose à sauver de ce capital là. On est d'ailleurs bien loin de la mise en abyme d'un système qui précipite le monde à la faillite, bien loin du clin d'oeil que le titre laissait supposer avec l'ouvrage de Marx, bien loin de ce qui fit la marque de fabrique au vitriol de Costa-Gavras.
Pour l'anecdote, il semblerait que Gavras ait filé à son futur acteur le DVD de Missing pour définitivement le convaincre de rejoindre le film (rapport à Jack Lemmon, acteur comique jouant lui aussi à l'époque un rôle à contre-emploi, tout ça, tout ça). On espère juste que Gad Elmaleh n'a pas revu le film depuis. Il pourrait ressentir comme une impression de vertige.