Piégée : critique Gina castagne

Simon Riaux | 3 juillet 2012 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 3 juillet 2012 - MAJ : 09/03/2021 15:58

On pouvait légitimement s'inquiéter de voir Steven Soderbergh, dont l'inspiration semble s'être irrémédiablement diluée dans l'exploration de concepts aussi creux qu'alléchants sur le papier, donner dans le film d'espionnage à tendance bastonnante. Car depuis le succès de la trilogie Bourne, le style « Paul Greengrass bourré » est devenu la norme en matière d'action (même si la paternité et la maîtrise de ce dispositif revient en réalité à John McTiernan), et l'on voyait mal comment le metteur en scène allait pouvoir trouver sa place dans cet univers avec le très balisé Haywire. C'était sans compter sur la genèse du projet, un coup de foudre professionnel nommé Gina Carano, combattante professionnelle issue des écuries MMA, dont la seule présence pervertit les mécaniques d'un genre usé jusqu'à la corde.

 

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C'est peu dire que l'actrice irradie l'écran. Car contrairement à la plupart des icônes de la tatane virile, Gina, artiste martiale accomplie, réalise elle-même toute ses cascades, accompagnée par la photographie anthracite du réalisateur, qui n'a qu'à la nimber d'un halo blafard pour en consacrer la dimension mortelle. On sent la caméra et le reste du casting fascinés par la créature qui évolue parmi eux, calme ou furieuse, toujours dangereuse. Son corps à la fois agile et lourd, puissant et gracile déjoue les pièges de mises en scène, tord les conventions du découpage et du montage, pousse Soderbergh à ne pas couper ses plans, à s'attarder sur la mécanique musculeuse de cette machine de guerre à forme humaine. Les poursuites languissent, les duels s'éternisent, les coups pleuvent, chaque séquence physique échappe tout à fait à leur cahier des charges hollywoodien pour ne plus se concentrer que sur la bête sauvage qui incendie l'écran d'un simple craquement de mâchoire.

 

 

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Le scénario se révèle un pur prétexte, et se garde bien d'approfondir ses enjeux politiques. On ne saura jamais précisément quelles sont les forces en puissance, ni quelles sont les agences, entités ou autorités représentées par chacun des protagonistes, le script se contentant de précipiter Carano dans une machination dont on comprend vite que les ressorts sont plus personnels que stratégiques. D'où une apparente faiblesse des personnages, qui n'apparaissent finalement que pour prendre une sévère dérouillée, et n'ont jamais tout à fait le temps d'exister, même au cours d'un anti-climax où il ne faudra chercher ni explosions ni paroxysme spectaculaire, mais l'aboutissement d'une logique létale.

 

 

photo, Ewan McGregor

 

 

L'intensité et l'immersion de Haywire ne s'en voient pour autant pas menacées, puisque même cette faiblesse finit par servir le dispositif de Soderbergh, qui agence ses personnages masculins comme autant de facettes d'une virilité embarrassée par la présence de Mallory, ange de la mort que rien n'arrête, et qui ne sait trop s'il faut l'étreindre ou l'étrangler. Fassbender, Tatum et McGregor deviennent ainsi les parties d'un corps symbolique que Gina va s'échiner à pulvériser les unes après les autres. Résulte de cet étrange mélange un film tour à tour animal et technique, où la mise en scène, le montage et le scénario se détournent des canons habituels du genre. Et le spectateur d'admirer le temps d'une interminable poursuite pédestre, au détour d'une clef de bras sauvage, ou d'un étranglement impitoyable, la force d'une femme que tous les hommes du monde ne sauraient mettre à genoux.

 

 

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