Critique : Voir la mer

Sandy Gillet | 4 mai 2011
Sandy Gillet | 4 mai 2011

Qu'il est bon de retrouver Patrice Leconte en (très) grande forme. C'est que le réalisateur à la filmo tutoyant les 30 longs-métrages avait un peu disparu des radars cinématographiques depuis 2006, année où il « commit » Les bronzés 3 de sinistre mémoire (encore qu'il faudrait sonder les 10 355 928 spectateurs qui auront sans doute un avis différent). Et pourtant, le bonhomme n'a pas chômé depuis, puisqu'il est l'auteur de plusieurs pièces de théâtre et bouquins dont le dernier J'arrête le cinéma que l'on sait désormais point prophétique, ainsi qu'une saillie télévisuelle savoureuse que l'on se lasse pas de revoir. Le truc c'est que quand on nous habitue aux Monsieur Hire, Ridicule, Tandem, Le mari de la coiffeuse, Les spécialistes, Les Bronzés 1 & 2, Les vécés étaient fermés de l'intérieur (à redécouvrir urgemment) et on va s'arrêter là, il est difficile de s'émerveiller devant Mon meilleur ami et La guerre des miss, ses deux derniers films que l'on mettra pudiquement de côté même s'ils sont, restons honnêtes, loin d'être irregardables. C'est bien là un problème de « riche » inhérent  in fine à tout grand cinéaste qui se respecte. Et Leconte est de ceux là. Il suffit pour s'en convaincre une énième fois d'aller découvrir ce Voir la mer aussi revigorant que rassurant.

On y trouve d'abord comme une nouvelle envie de filmer. Plus radicale, rectiligne, épurée qu'auparavant. Et ce tout en ayant gardé quelques mouvements de caméra et astuces de montage que seul un vieux briscard de la chose pouvait se permettre. L'histoire est d'ailleurs symptomatique : deux frères sur la route du sud pour les vacances embarquent dans leur trip une jeune femme débarquée de nulle part qui va très vite dompter leur désir puis asservir les cœurs. Leconte ne s'embarrasse pas (plus ?) d'une exposition fastidieuse. Son envie manifeste ici est de faire interagir très rapidement ces corps et l'esprit qui les guide en une sorte de manège des sentiments ludique et parfois même, merveilleusement pur. Tel un laborantin qui expérimente des combinaisons excitantes, il se laisse aller à filmer la chair, sensuelle ou meurtrie, comme jamais depuis Le mari de la coiffeuse, autre ode à la simplicité de l'acte de capter l'image uniquement via le prisme du bonheur d'en être l'humble créateur.

Nul doute au demeurant que le cinéaste soit tombé (au moins un peu) amoureux de celle qui symbolise cette renaissance. On ne dira jamais assez comment Pauline Lefèvre dont c'est ici les premiers pas sur grand écran, capte la lumière et attise le feu que la caméra prolonge en une véritable déclaration d'amour. C'est en effet peu de dire que l'actrice naissante rayonne et illumine la pelloche éclipsant jusqu'à une histoire somme toute sans surprise. Mais c'est bien là la force du système Leconte : une étude de caractères au cordeau qui force toujours autant le respect et qui fait la force de son cinéma lui permettant même pour ses films dits faussement « mineurs », de sauver les apparences.

Le cinéma est fait de rencontres. Elles peuvent être fortuites, non voulues, désastreuses, légendaires, épiques... Ici, elle est tout simplement émouvante.  

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