Critique : Memory lane

Sandy Gillet | 23 novembre 2010
Sandy Gillet | 23 novembre 2010

Voici un film précieux sur la jeunesse. Pas celle des Beaux gosses, No et moi, Tout ce qui brille et autre LOL... qui ont chacun leur qualité mais qui s'intéressent à la frange dite ado et non à celle qui s'en est sorti (ou pas d'ailleurs). De cette période intangible et transitoire qui annonce l'âge adulte sans que l'on sache trop ce que cela veut bien dire. Dans Memory Lane ils ont 25 ans et ils se retrouvent le temps d'une fin d'été dans la ville de banlieue parisienne qui les a vus grandir. Certains y vivent encore, d'autres y reviennent pour raisons familiales. Tous y cherchent sans le savoir des sensations déjà perdues ou oubliées, des certitudes enfouies depuis trop longtemps, comme une dernière respiration avant le grand saut.

À ce titre Memory Lane est ce que l'on peut appeler un film choral mais avec juste une ou deux thématiques illustrées par plusieurs histoires et destins. Il y a celui qui se complait dans une certaine torpeur adulescente. La vie ne lui fait pas peur, non. Juste il n'en veut pas. Pas comme cela en tout cas. Il y a celle qui doit affronter une réalité familiale éprouvante (la maladie de son père) que d'aucuns diront formatrice mais qu'elle doit surmonter comme elle le peut. Il y a aussi l'ami qui vit dans une grande baraque un peu délabrée tout seul et qui sombre dans la réalité lancinante de ce quotidien. Il y a ceux qui s'accrochent à leurs rêves de gosse (faire de la musique et percer sans rien lâcher...). Et le plus beau dans tout cela c'est que le réalisateur Mikhaël Hers dont c'est ici le premier long (ses courts ont été pas mal remarqués), amène tout cela avec beaucoup de justesse et de poésie visuelle. Par petites touches façon impressionnisme dans la langueur de cette fin d'été où Paris et sa banlieue sont vidées de ses habitants et livrées le temps de quelques jours, à elles-mêmes.  

La caricature de groupe ou individuelle est ainsi évitée. Chacun a sa propre musique qui s'apprécie dans l'instant car Hers ne nous donne aucune clé de l'avant ou de l'après. On a juste ici le privilège de suivre cette bande réunie certainement pour la dernière fois le temps de se créer de nouvelles histoires (d'amour) et de se façonner (peut-être) une carapace pour le futur immédiat. Rohmer n'est pas loin, lui qui savait si bien filmer la jeunesse issue de cette classe moyenne finalement peu montrée au cinéma car a priori sans enjeux sociaux forts ou fortement définis pour « une bonne histoire ». On pense aussi à Desplechin quand il réalisait son fabuleux La vie des morts, autre film de bande qui se révèle aujourd'hui être la radiographie essentielle d'une génération. Et Mikhaël Hers d'assumer cette filiation naturaliste avec un sens bien à lui de la prose et du rythme, sans complaisance mais avec un aplomb délicieux.

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