Critique : Hors-la-loi

Sandy Gillet | 22 mai 2010
Sandy Gillet | 22 mai 2010

Polémique ? Quelle polémique ? Si Hors-la loi a bien suscité pareille réaction avant son passage à Cannes, pas sûr que celle-ci survive à sa première projection tant le dernier film de Rachid Bouchareb est tout juste apte à être diffusé en première partie de soirée sur une chaîne sarkozienne. Et donc si polémique il devait y avoir, c'est de se demander ce qu'une telle « œuvre » faisait au sein de la sélection officielle du plus prestigieux des festivals de cinéma si ce n'est dans le souci de lui donner un versant politique et militant à tout prix.

Le problème est qu'avant de vouloir se targuer de montrer des films engagés, encore faut-il que ceux-ci produisent du cinéma... Ce que Hors-la loi peine à faire, englué dans une forme de récit qui se veut épique mais qui n'est au final que verbeuse et porteuse d'aucun message. Ça c'est pour la partie historique qui n'est au demeurant qu'un prétexte au réalisateur pour conter une histoire qui aurait pu s'appeler « Il était une fois en Algérie » via le destin de trois frères entre 1945 et l'indépendance de l'Algérie en 1962.

Ce versant est d'ailleurs ce qui est le plus intéressant car maniant avec assez de justesse les évolutions de chacun face à la grande cause, face à leur conviction profonde par rapport aux liens du sang. En cela Rachid Bouchareb est de surcroît convaincant puisque via ce prisme de l'intime, il renvoie dos à dos la doctrine de l'insurrection aveugle et celle de sa répression tout aussi sauvage. Mais dès lors que l'on quitte ce cocon, on retombe très vite dans un montage sans aspérités, tout juste bon à enfiler les scènes sans génie et les prestations d'acteurs toujours un poil « over the top ».

Reste la fameuse scène d'ouverture du massacre de Sétif qui a fait tant couler d'encre alors même que personne n'avait encore vu le film. Épisode ô combien et encore malheureusement tabou de notre Histoire, elle se révèle être efficace cinématographiquement parlant (la seule avec peut-être la fusillade finale). Après, à savoir si c'est ainsi que les choses se sont passées... tout porte à croire que oui même si beaucoup de zones d'ombre subsistent à commencer par le nombre exact de morts de part et d'autre.  

De fait si les intentions sont louables (utiliser la grande histoire pour magnifier une saga familiale), la greffe ne prend pas. La faute à une volonté de trop bien faire qui aseptise le propos et la démonstration attendue. Finalement, on aurait tellement plus aimé voir un vrai film militant avec ses partis pris forcément partiaux et de mauvaise foi... Au moins cela aurait suscité un vrai débat, fait bouger les lignes et les hommes et susciter la vocation chez certains en proposant à leur tour leur lecture de l'Histoire. Celle de Hors-la loi sent ainsi la naphtaline à l'instar de La rafle sorti plus tôt cette année démontrant encore une fois malheureusement que notre cinéma n'est toujours pas prêt à prendre à bras le corps les enjeux de notre société quand il s'agit de l'exprimer par le biais d'un passé tabou ou tout juste dérangeant.

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