Critique : Le Ruban blanc

Sandy Gillet | 20 octobre 2009
Sandy Gillet | 20 octobre 2009

Chronique de la peste brune annoncée. Si l'on devait sur Ecran Large titrer nos papiers voici celui qu'aurait récolté le dernier Haneke. Soit le contrepoint radicale de ce qui se filme et se discute depuis quelques années en Allemagne à propos du nazisme, à propos de la culpabilité du peuple allemand face au nazisme... La question centrale demeurant : faut-il mettre tout le monde dans le même bateau et diluer donc les responsabilités ? Au risque d'accoucher de générations contrites, mutantes et qui in fine oublieront même les leçons de leur histoire (voir pour cela l'édifiant documentaire récemment diffusé sur Canal + intitulé Europe, ascenseur pour les fachos).

A contrario de la thèse ambiante dont le fer de lance n'est autre que La chute d'Hirschbiegel, on trouve donc Le ruban blanc de Michael Haneke qui 2h30 durant nous narre ce que l'on pourrait appeler l'école de la haine ordinaire : à la veille de la première guerre mondiale, dans un petit village protestant de l'Allemagne du Nord se déroulent différents accidents qui prennent peu à peu le caractère d'un rituel punitif. En pointant du doigt une violence sourde et archaïque (éducation stricte impliquant châtiments corporels, frustrations quotidiennes et vexations morales) auprès d'une jeunesse qui n'en demandait pas tant, Haneke met en évidence ce qu'il considère être les mécanismes qui mènent au fascisme ordinaire.

Et il faut bien l'avouer la démonstration fait sens et est implacable. Haneke use pour cela d'une mise en scène faite d'une photo en N&B (ou plutôt en gris et blanc) qui cadre parfaitement avec son sujet. Ses acteurs font tous froid dans le dos à commencer par les enfants qui rappellent immanquablement Le village des damnés de Wolf Rilla. Haneke filme sans concession et comme à son habitude des plans souvent immobiles laissant se développer l'action un peu à son insu et un peu à la manière d'une caméra de surveillance (qui à dit Caché ?). Un décalage qui renforce la violence off, celle que l'on ne voit donc pas à l'écran.

C'est franchement brillant et renforcé par cet impression que l'on a de voir au détour de certains plans du Dreyer dont Ordet se rapprocherait le plus tant dans la forme que dans le fond. Alors bien entendu on pourra trouver cela artificiel et rasoir mais pour peu que l'on prenne la peine de s'impliquer, Le ruban blanc déroule alors un concentré virtuose de cinéma et d'histoire qui n'aura de cesse de susciter polémiques, réflexions et âpres discussions. Essentiel !

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