Critique : Recount

Julien Foussereau | 7 septembre 2008
Julien Foussereau | 7 septembre 2008
« Je demande le recompte des voix de la Floride ! ». Avec cette requête formulée par Al Gore, candidat démocrate à la présidence américaine, c'est un coup de tonnerre qui s'abattit en l'an 2000 sur la première démocratie du monde. Cette course à la Maison Blanche, la plus serrée de l'histoire, déboucha sur un cas de figure sans précédent. Un mode de scrutin compliqué avec des machines archaïques et c'est tout un système qui est sur le point de s'effondrer.

 

Recount de Jay Roach revient sur cette période notoire qui a vu la victoire controversée de la pire administration que les USA aient connue depuis longtemps. Seulement le point de vue que le film adopte l'est nettement moins. A partir d'une simple observation entre les écarts de résultats en Floride communiqués par les networks et l'American Press, Recount raconte une guerre impitoyable opposant les juristes des deux équipes de campagne. Par sa réalisation alerte, caméra à l'épaule, Jay Roach parvient brillamment à restituer le climat d'urgence qui régnait alors dans le sud de la Floride. Il rappelle en cela le meilleur des films engagés des années 70 où Hollywood savait interroger son histoire immédiate.

 

Grâce à un scénario rigoureux, Recount réussit à prendre un supplément d'envergure dans le sens où l'affrontement politicien avec tout ce qu'il implique (trafic d'influence, corruption, pluie de coups bas) devient idéologique. Faut-il découvrir la vérité sur cette élection quoiqu'il en coûte comme l'estime Ron Klain, homme de loi du camp démocrate (impeccable Kevin Spacey) ? Ou bien doit-on écouter Warren Christopher (John Hurt), célèbre procureur fédéral, c'est-à-dire préserver avant tout les institutions en acceptant l'inacceptable ? Car, Recount possède un atout non négligeable : le recul. Le film sous-entend intelligemment que la poursuite des recours en justice pour continuer le recompte manuel des voix aurait pu menacer la stabilité du pays.

 

Mais n'allez surtout pas imaginer que Recount oublie de se montrer critique à l'égard de ces institutions ! Lorsqu'à la toute fin, l'opposant républicain de Klain (Tom Wilkinson parfait de veulerie) affirme que le système a fonctionné, Jay Roach nous démontre le contraire. Recount attaque frontalement la décentralisation à tous crins d'un pays où un Président peut être élu avec un système injuste et révolu de suffrage universel indirect alors que son opposant a 500 000 voix d'avance sur le vote populaire. Pire, par la mise en perspective de 50 états ayant chacun leur propre mode de scrutin, Recount met à jour d'incroyables vides juridiques quand il ne pointe pas du doigt les contradictions vertigineuses d'un système (ce que le Texas autorise, la Floride ne le permet pas, et vice versa...).

 

Enfin, même si le fond est le même que dans un pamphlet « Moorien  (à savoir l'histoire d'un gigantesque vol électoral...), l'approche de Jay Roach est autrement plus subtile. Les connaisseurs du fonctionnement des instutions américaines salueront sans aucun doute ce point. Pas sûr, en revanche que les béôtiens tiennent le coup pendant deux heures. Il n'empêche, ce téléfilm de luxe diffusé sur HBO a de quoi donner de sérieux complexes à bon nombre de pavés pompeux sortis en salle...

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