Critique : El Custodio , Le garde du corps

Sujet potentiellement passionnant, l'ennui donne souvent naissance à des films douloureux, puisqu'il est fichtrement contagieux et quitte l'écran pour aller contaminer le spectateur Avec El custodio, l'Argentin Rodrigo Moreno réussit le tour de force de filmer l'ennui sans assommer son monde, et c'est déjà un vrai signe de talent. Son héros est le garde du corps d'un ministre argentin, et le film décrit avec patience et finesse les aléas de son métier. Attendre des heures dans des couloirs vétustes, supporter les jérémiades de son client et de ses proches, mettre sa vie entre parenthèses pour mieux servir celle d'un autre : c'est le quotidien de Rubén, décrit avec simplicité par le metteur en scène.

Le nombre de dialogues est minuscule : Moreno a bien compris que les silences sont souvent plus édifiants que des échanges sans asprité. Il s'est adjoint les services d'un acteur formidable, Julio Chavéz, qui provoque chez le spectateur un sentiment double, où l'empathie se joint à l'inquiétude. Jamais au cours du film Rubén ne montrera à quel point son exaspération est grande ; on ne fait que deviner cet agacement ultime, cet épuisement nerveux. Le résultat n'en est que plus fort. On est fasciné par le personnage de Rubén, et un type seul dans un couloir a rarement été aussi captivant

Evidemment, El custodio ne se conclut pas aussi tranquillement qu'il avait commencé. On se doute tout au long du film que Rubén va finir par sortir de ses gonds, par dire merde et aller voir ailleurs. C'est le moment choisi par Moreno pour affûter sa mise en scène et son travail du son (le silence est incroyablement pesant), transformant cette fin plus ou moins attendue en un moment fort et poignant, qui conclut ce beau film argentin de la meilleure manière qui soit.