Critique : The Player

Nicolas Thys | 8 mai 2007
Nicolas Thys | 8 mai 2007

Avec Robert Altman pendant plus de 50 années l'Amérique entière en a pris pour son grade : des militaires ou des bourgeois aux paysans, de la violence quotidienne au racisme primaire devenu chose ordinaire. Le voir s'attaquer à Hollywood, la Mecque d'un cinéma dont il ne cesse de se jouer, était donc tôt ou tard inévitable et le résultat, The Player, est à la hauteur de toutes les attentes.

Reprenant un fil conducteur au départ assez convenu qui détourne certains aspects du Sunset Boulevard de Billy Wilder, Altman est parvenu à réunir de nombreuses personnalités jouant leur propre rôle autour de Tim Robbins qui est non pas scénariste mais lecteur de scénario pour un grand studio. Ce dernier harcelé par un écrivain va se retrouver au milieu d'une affaire criminelle qui sera pour le spectateur l'occasion d'entrer dans un univers habituellement hors-champ où tout n'est que manipulation, sexe, violence ou d'argent. Cette découverte, caricaturale et diabolique ne se fera pas sans heurt.

Mais ce « Player » renvoie essentiellement à Robert Altman lui-même qui ne cesse de s'amuser avec le spectateur en mettant à l'épreuve sa culture cinéphilique à travers certaines références habiles et d'autres plus convenues mais qui apportent une touche d'humour certain au film : le premier plan, un plan séquence magistral, est à cet égard particulièrement réussi. A l'aide d'affiches célèbres aux titres prémonitoires, de portraits situés à des endroits clés ou grâce à certains noms ou lieux évocateurs Altman nous emmène dans un véritable musée d'un cinéma qu'on pensait terminé et qu'il s'amuse à faire revivre.

The Player est une mise en abyme périlleuse et totale d'un univers ultra-codifié et pourtant très complexe : une machine à rêve qui refuse de montrer le réel. La seule fois où l'on s'en approche c'est lors d'une projection du Voleur de bicyclette de De Sica, film néoréaliste par excellence et à l'opposé d'Hollywood et de ses happy-end. Tout dans le film d'Altman : les éclairages, les rues, les lieux, les discours, les sentiments, tout semble superficiel et concourt à nous montrer un groupe d'individus vivant en autarcie, dans un paradis où même le crime ne les atteint pas puisqu'il ne peut exister que sur papier ou sur pellicule. Rien ne peut faire descendre « Les Anges » de leur nuage.

La satire est forte et intelligente et fait de The Player l'un des meilleurs films contemporains sur Hollywood, ses rêves, ses déceptions et ses mystères avec Barton Fink et Mulholland Drive, deux films de deux réalisateurs parmi les plus cinéphiles à l'heure actuelle.

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