Critique : Théorème

Jean-Noël Nicolau | 11 avril 2007
Jean-Noël Nicolau | 11 avril 2007

Peut-être plus que tout autre film de la fin des années 60, le Théorème de Pier Paolo Pasolini est l'incarnation d'une époque, voire de toute une idéologie. C'est sans doute la radicalité et l'envergure de son nihilisme qui lui assure son statut de chef-d'œuvre, malgré, ou plutôt avec, le poids des ans. Pasolini ira encore plus loin dans le désespoir, avec la mise à mort globale de l'Occident dans les 120 Journées de Sodome, mais c'est avec Théorème qu'il se fait à la fois le plus incendiaire et paradoxalement le plus présentable.

Conçu comme un happening d'art contemporain, entre théâtre (par le jeu outré des acteurs et ambiance clinique) et divagation cinématographique (des zooms et des cadrages de western spaghetti), Théorème est une œuvre qui flatte le spectateur pour lui imposer des idées révoltantes parce que généralement grotesques. Le concept d'une libération par la sexualité qui conduit au final à la folie plus ou moins furieuse est déjà aussi ridicule que virulente. Mais c'est le traitement, au sérieux inébranlable, qui ajoute un surcroît de délire à un film qui annonce déjà la majeure partie de l'œuvre d'un Lars Von Trier.

Manipulateur, Pasolini provoque et blasphème, il fait croire à la profondeur métaphysique d'une succession de scènes effectivement obscènes. En ce sens, il se rapproche du mouvement surréaliste, en une version plus évidente et plus grasse. Le spectateur actuel pourra sans doute se moquer de ces symboles pesants et de ce volcan qui prête à sourire. Mais il ne devra pas oublier que le risible faisait partie des intentions de Pasolini, jouisseur tourmenté, qui venait de tendre avec son Théorème un piège pour intelligentsia en mal de divagations. En ce sens, l'œuvre, d'une beauté formelle onirique, demeure joyeusement malsaine, figée en une mascarade sardonique.

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