Critique : Phantasm

Ilan Ferry | 17 février 2006
Ilan Ferry | 17 février 2006

Phantasm I (1978)

Star Wars ne fut pas la seule grande épopée à voir le jour à la fin des années 1970. En effet, pendant que le petit Georges jouait encore avec ses sabres laser, un autre jeune réalisateur, Don Coscarelli, fignolait avec trois bouts de ficelle le premier volet de ce qui allait devenir une saga culte dans le petit monde du cinéma fantastique. Le résultat : Phantasm est un étrange mélange entre film d'horreur et aventure S.F., marquant au passage la consécration d'un bad guy particulièrement coriace : The Tall Man. À l'instar d'Halloween, le premier film de Coscarelli est immédiatement identifiable par son superbe thème principal : ces quelques notes qui restent gravées dans notre mémoire bien après le générique final, participent pour beaucoup à son ambiance si particulière. Sous bien des aspects, Phantasm est tout autant à rapprocher d'Evil Dead : outre le fait que les deux films, réalisés pour une bouchée de pain, (300.000 $ pour Phantasm, 350.000$ pour Evil Dead) ont rapporté dix fois plus au box-office, l'un comme l'autre jouent avec les codes du genre pour y insuffler leur propre style. Si le film de Sam Raimi offrait des cadrages pour le moins hors normes, celui de Coscarelli se distingue par un montage particulièrement bien travaillé explosant littéralement les codes narratifs habituels (Phantasm serait-il le premier film d'horreur expérimental ?) au détriment d'une trame pas toujours très claire. De fait, on peut déplorer le manque de véritables liens entre différentes scènes se succédant sans logique apparente et rendant l'ensemble quelque peu bancal. Pourtant, au vu du résultat, la tentation de passer outre ces quelques défauts est grande.


Film hybride jouant allégrement sur la frontière entre rêve et réalité, Phantasm traite en filigrane de thèmes dépassant le « simple » postulat de film de genre. À travers les aventures du jeune Michael, c'est bien l'histoire de deux frères séparés par les circonstances et réunis dans l'adversité qui nous est narrée, faisant ainsi de Phantasm un sombre et fascinant conte initiatique. Note : 7/10

Phantasm II (1988)

« The Ball is back ! » Dix ans après les événements du premier film, Michael et Reggie affrontent à nouveau le croque-mort le plus célèbre de l'histoire du cinéma fantastique dans une suite reprenant tous les éléments de l'opus précédent… en mieux ! Pourvu d'un budget dix fois plus important que celui de Phantasm I, ce nouveau chapitre se donne enfin les moyens de ses ambitions. En effet, plutôt que de miser sur son ambiance cauchemardesque, Coscarelli opte pour l'action pure et dure. Dans cette suite,les deux héros prennent les armes face à leur redoutable adversaire et donnent ainsi au film l'occasion d'assumer pleinement sa filiation avec le cinéma d'horreur. Sur bien des points Phantasm II se montre supérieur à son prédécesseur en exploitant pleinement tout le potentiel de son sujet. Exit donc les nains démons apparaissant fugacement au détour d'une séquence et place aux fameuses boules volantes du Tall Man, plus nombreuses que jamais et lancées à une vitesse supersonique. Impossible de ne pas faire un parallèle avec Evil Dead II, car si les deux œuvres ont en commun cette volonté de surpasser l'original par un traitement plus fun, il est évident que ce second opus s'inspire beaucoup du film de Sam Raimi (on y dessoude allégrement du zombie à grands coups de tronçonneuse et de fusil à canon scié), se permettant même au pasage un petit clin d'œil par l'intermédiaire d'un plan très amusant montrant un sac rempli de cendres au nom de… Sam Raimi !


Une suite visuellement plus aboutie que son prédécesseur mais n'apportant pas de réelles pièces supplémentaires à ce grand puzzle qu'est Phantasm. Il reste cependant le plaisir d'assister à un grand spectacle contenant son lot de morceaux de bravoure et préfigurant ainsi le meilleur des futures œuvres de Coscarelli (qui a dit Bubba Ho Tep ?). Certainement le meilleur épisode de la saga. Note : 8/10

Phantasm III(1994)

Les Phantasm se suivent et ne se ressemblent pas, pour preuve ce troisième chapitre largement inférieur aux deux premiers en forme de suite directe au cliffhanger (marque de fabrique de la série depuis le premier opus) qui avait conclu Phantasm II. On retrouve donc Reggie, cette fois-ci affublé d'un gamin à la gâchette facile et d'un clone de Grace Jones, parti à la recherche de Michael aux prises avec l'incontournable Tall Man. Dans un souci de cohérence, Coscarelli renoue avec le casting d'origine : si Reggie Bannister répond toujours présent à l'appel, il est ici entouré de Michael Baldwin (Michael, remplacé dans le numéro 2 par James Le Gros) et Bill Thornbury (Jody) venus reprendre leurs rôles respectifs plus de quinze ans après le premier Phantasm. Si la réapparition du cast original laissait augurer un réjouissant retour aux sources, la réalité est cependant tout autre et l'ennui pointe rapidement le bout de son nez. En effet, force est de constater que Phantasm III se déroule très tranquillement et ne sort le spectateur de sa torpeur qu'à l'occasion de très rares scènes d'action tout juste acceptables. Le récit, quant à lui, n'avance pratiquement pas et se contente de montrer fugacement un Tall Man aux intentions toujours aussi troubles. Pourtant, il ne faut jamais désespérer et le film reprend du poil de la bête à l'occasion d'une dernière partie des plus réjouissantes et se conclut en apothéose par un final tout simplement énorme laissant présager le meilleur pour la suite.


Épisode le plus faible de la saga Phantasm, ce troisième volet se contente de recycler les ingrédients du premier film malgré quelques belles trouvailles. Note : 6/10

Phantasm IV : Oblivion (1998)

« So it begins » : c'est paradoxalement une phrase annonçant un commencement qui ouvre le dernier volet de l'aventure Phantasm. Alors que nous avions laissé Michael et Reggie en piteux état au terme d'un troisième épisode de sinistre mémoire, Coscarelli met fin à une attente qui aura duré près de vingt ans en nous proposant une conclusion censée répondre à toutes nos questions. Le réalisateur tiendrait-il toutes ses promesses avec cet ultime chapitre ? Presque, car tandis que Reggie arpente à nouveau les routes à la recherche de Michael, ce dernier part sur les traces du Tall Man espérant en savoir plus sur ce dernier afin d'enrayer la malédiction qui pèse sur lui. La spécificité de ce Phantasm s'articule autour de deux axes, le premier étant la réutilisation d'images inédites du premier opus comme éléments d'un long flash-back apparaissant de manière récurrente et supposé faire le lien entre les deux films. Une pirouette scénaristique des plus efficaces quand elle ne se fait pas au détriment de toute logique (la scène de pendaison du Tall Man absente dans le premier film, présente en flash-back). D'autre part, toute la lumière sur l'origine du fameux croque-mort est faite par l'intermédiaire du voyage de Michael, et si le dénouement de ce mystère laisse quelque peu dubitatif et confus il n'en demeure pas moins cohérent par rapport au matériau d'origine. Deux points qui visent à éclairer le spectateur tout en lui laissant la liberté de se faire sa propre interprétation.


Au final, si cet ultime volet paraît plus nébuleux que les autres de par sa faculté à répondre à certaines questions pour mieux en poser d'autres, il n'en fournit pas moins les clés nécessaires à la compréhension de cette grande énigme qu'est Phantasm. Dernier chapitre d'une saga inégale ayant marqué une étape importante dans l'histoire du cinéma fantastique, Phantasm IV : Oblivion est une œuvre protéiforme formant un tout cohérent avec le film d'origine (l'un n'est pas visible indépendamment de l'autre) et plusieurs visions sont nécessaires afin d'arriver à cette conclusion. Cependant, il est évident qu'un cinquième chapitre, en forme de film- somme, serait indispensable à une parfaite compréhension de la saga dans sa globalité. Note:7/10

Résumé

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