Agents secrets : critique sous couverture
Après L'Appartement en 1996, Dobermann en 1997, Le Pacte des loups en 2001 ou encore Irréversible en 2002, Vincent Cassel et Monica Bellucci se retrouvaient à l'écran pour la septième fois dans Agents secrets, un thriller de Frédéric Schoendoerffer. Le réalisateur de Scènes de crimes a pris le genre de l'espionnage à contre-temps, avec un film anti-spectaculaire.
SCÈNES DE CRIMINELS
Ouverture : long plan-séquence bercé par la musique de Bruno Coulais, débutant en orbite non géostationnaire au-dessus de la Terre pour s'achever sur le visage d'un homme, Eugène (Charles Berling), déclencheur des futurs évènements ou, plus spécifiquement, de la future opération secrète. Signée Frédéric Schoendoerffer, cette entrée en matière correspond trait pour trait à celle de son précédent et premier long métrage, Scènes de crimes : plan-séquence le long des routes qui s'achève à l'intérieur de la chambre de la première victime avec laquelle débute l'enquête.
Même constat avec Agents secrets, seulement le deuxième film du metteur en scène, et déjà les prémices d'un réalisateur qui aime à marquer son territoire d'entrée de jeu et à annoncer la couleur. L'intrigue va parler technologie (photos satellites à plusieurs reprises au cours du film), se dérouler aux quatre coins de l'Europe (continent clairement identifiable lors de cette plongée caméra d'ouverture), et surtout se focaliser sur les hommes derrière les secrets, les armes et le high-tech.
Les secrets qui vont être dévoilés ici ne sont pas tant d'État que la face cachée des agents eux-mêmes. Car derrière toutes ces missions ignorées ou bien camouflées aux yeux du public (et parfois même des agents), il y a avant tout des hommes et des femmes, des êtres humains qui, au milieu de pareils écrans de fumée, finissent à un moment ou un autre par ne plus trop savoir où ils en sont eux-mêmes.
CRIS(E) D'IDENTITÉ
Toute la force et le poids d'Agents secrets repose précisément sur cette double authenticité. Fidèle au formidable travail de rigueur, de méticulosité et d'authenticité avec lequel il avait décrit l'univers de la police criminelle (interrogatoires, autopsies, recoupements d'indices ) dans Scènes de crimes, Frédéric Schoendoerffer s'est appliqué avec le même soin et l'aide de personnes du milieu à retranscrire le plus fidèlement possible à l'écran les véritables activités sur le terrain de ces agents de l'ombre (une telle préparation explique peut-être les cinq longues années séparant les deux films du réalisateur).
Exit les villes à moitié ravagées suite au passage d'un tank, l'humour pince-sans-rire et les 90-60-90 sortant de l'eau dans leur bikini telle une pub pour shampoing, et atterrissant quelques minutes plus tard dans le lit après un petit détour au bar pour un cocktail. Les missions, ou plus particulièrement LA mission, aux forts relents d'affaire Rainbow Warrior, est précautionneusement orchestrée et répétée, aussi bien d'un point de vue logistique et matériel (chambre d'hôtel, véhicules, armes ) qu'humain (les fameuses « couvertures »).
Identité diluée et vie gaspillée
Mais à force d'endosser de multiples identités et ne jamais pouvoir révéler la leur à leurs proches, quand ils en ont (Brisseau trinquant au « vrai » anniversaire de Lisa, elle-même plus très sûre de la date exacte), ces individus derrière les masques finissent par perdre pied ; un fantasme freudien formidablement illustré par les chutes libres du couple.
Autre possibilité : que le masque s'effrite. Et c'est alors l'humain qui craque, à l'image d'une Lisa fondant en larmes et qui, en l'espace de quelques secondes, se ressaisit tel un T-800 parvenu à trouver sa batterie de secours et à reprendre le chemin de sa mission. Car lorsque la machine dérape et qu'elle ne parvient plus à reprendre le contrôle d'elle-même, quelqu'un se chargera de lui rappeler ce pour quoi elle a été « programmée ». « Votre mission est d'obéir aux ordres », lance sèchement André Dussollier à un Vincent Cassel parti dans une vendetta personnelle, initiative bien entendu contraire au règlement qui, exception à la règle, ne sera pas s'en rappeler un certain Permis de tuer, seul 007 en marge de la saga.
"C'est au nom... euh attendez"
LA VIOLENCE DANS LA PEAU
Des scènes d'actions, Agents secrets en contient bel et bien, mais peu, et plus dans l'intensité que dans la durée (une soixantaine de secondes chacune à tout casser). Ce combat en vase clos à l'intérieur d'une voiture par exemple, faisant écho à celui dans un ascenseur d'un certain John McClane encadré de quatre malabars dans Une journée en enfer - Die hard 3 ; ou encore ce combat à mains nues, rappelant celui dans l'appartement de La Mémoire dans la peau, autre fiction d'espionnage avec laquelle le film de Schoendoerffer a davantage d'affinités, et à laquelle il fait même un petit clin d'il via l'indémodable et incontournable « plan de disparition » derrière un véhicule en mouvement.
"Votre mission, et vous ne pouvez que l'accepter..."
En mouvement, la caméra s'y trouve d'ailleurs le plus souvent, puisque Agents secrets est filmé majoritairement avec une parfaite maîtrise et fluidité au steadycam, pour coller au plus près de l'humain et contraster ainsi avec le milieu dans lequel baignent ces agents. Deux scènes, presque dans la continuité, illustrent parfaitement cette dualité : l'échappée aquatique du couple Cassel-Bellucci sur fond de soleil couchant (rappelant celle tout aussi riche visuellement et symboliquement de Bienvenue à Gattaca), suivie de près par les eaux sombres, glaciales et « squalement » dangereuses de la mission.
Deux scènes, un même milieu (marin et espionnage), pour deux situations antinomiques : deux êtres qui ne demanderaient pas mieux que de fuir vers l'horizon, laissant derrière eux leur costume et leur panoplie d'agent secret, et réintégrant enfin leur enveloppe humaine. Cassel-Bellucci, à la limite du « non-jeu », se glissent parfaitement dans la peau de ces espions malheureux, qui disparaissent dans un tunnel, sans garantie d'une sortie possible pour eux.
Lecteurs
(4.0)09/03/2023 à 14:15
Vu au cinéma à l'époque, je m'étais bien ennuyé. La critique m'intrigue mais la vie est trop courte pour perdre son temps à revoir le film. L'évocation de truand me conforte aussi, parce qu'avec celui là, le sentiment prédominant ce n'était même plus l'ennui, mais la gêne.
09/03/2023 à 10:36
Film chiant. J'ai pas changé d'avis. ^^
Ses qualités sont surtout sur le papier. On se dit tient ca peut être intéressant, aspect "réaliste", ok pourquoi pas, Et puis quand on voit le résultat.....
08/03/2023 à 22:35
J’avais bien aimé à l’époque. Dommage il est trop tard pour la séance de rattrapage à la TV :)
10/04/2020 à 16:57
Et bien c'est ton droit de penser qu'il s'agit d'un très bon film. Philippe Caubère, je l'ai trouvé mauvais tout simplement, enfin plus ou moins en fonction des scènes.
10/04/2020 à 13:41
@Pulsion73: Truands est un très grand film, mais hyper clivant, à l’image de la performance de Philippe Caubère. La moitié pense qu’il joue horriblement mal, je fais partie de l’autre moitié.
Magimel y est minéral, on dirait un perso chez Melville.
Film outrancier, cru, réaliste.
Dans le top 5 des films français sortis depuis 20 ans.
10/04/2020 à 11:20
Je comprends, pas de problème. :)
Cela dit pour la fougue, j'en ai nettement plus pour les films qui m'innondent de bonheur jusqu'à ce que le plafond fleurisse. ^^
10/04/2020 à 10:41
@Pulsion73
J'avais bien compris, d'où le smiley dans ma phrase ;) C'était juste une réaction passionnée à la hauteur de la vôtre, pleine de fougue.
10/04/2020 à 10:36
Je ne vous dis pas d'arrêter de donner votre avis, comme pour n'importe qui d'ailleurs, loin de moi cette idée, et je n'ai jamais eu ce genre d'intention depuis que je viens sur ce site.
Et c'est une façon de parler hein, je ne pensais pas devoir le préciser. ^^
Lorsque l'on dit à quelqu'un avec qui on est pas d'accord dans une discussion : "Alors là je t'arrête", en général c'est une façon de parler, vous vous en douter bien quand même.
C'est juste pour rectifier le tir ou y opposer son propre avis, mais la discussion continue, il ne s'agit pas d'empêcher l'autre de s'exprimer.
Je voulais marquer une sorte de "halte là !" ( par 2 fois il est vrai) symbolique parce que je trouvais que vous alliez loin dans les comparaisons vu la catégorie dans laquelle je plaçais ce film réaliste et soporifique. Aussi loin, que le réalisateur lui-même d'ailleurs qui ne manquait de comparer son "Truands" à l'époque avec les plus grands noms du genre.
Voilà.
10/04/2020 à 09:42
@Pulsion73
On ne va certainement pas "arrêter" de donner des points de vue, et exprimer des avis :) Et ne pas être d'accord, ça n'a rien de fou, donc on maintient qu'on trouve Agents secrets réussi et intéressant, et chacun devrait se faire son avis, comme d'hab.
10/04/2020 à 08:44
Film très chiant. Faut arrêter. Et signé par le très discutable Frédéric Shoendoerffer, cela n'a rien d'étonnant. Remember Truands, mal joué, mal filmé, répliques à la con, etc. Agents Secrets était chiant à l'époque, il l'est resté. A trop vouloir faire dans le réalisme. Faut arrêter les comparaisons avec les die hard 3 et Bourne et Permis de tuer. Pour Truands, le réalisateur voyait son film dans la lignée des films de Scorcese ???!! La comparaison était un brin décalée vu le niveau aberrant de cette réalisation.