Critique : Stay

Ilan Ferry | 22 juillet 2006
Ilan Ferry | 22 juillet 2006

Difficile de parler d'un long métrage comme Stay sans révéler son retournement de situation final censé structurer à lui seul tout le film et définir par là même les agissements de personnages en totale roue libre. De fait, à l'image de bon nombre de ses prédécesseurs, Stay ne voudrait exister que pour son twist final sans toutefois véritablement l'admettre. Conscient que le scénario de David Bénioff (pourtant scénariste de La 25eme heure et Troie) sent bon le réchauffé, Marc Forster palie cette fadeur par un traitement visuel qui, si il demeure intéressant de prime abord, provoque rapidement la nausée. En effet, après une ouverture sur un crash automobile aussi impressionnant que mystérieux, la caméra nous téléporte directement ailleurs et nous balade inlassablement d'un endroit à l'autre par le truchement des effets spéciaux. Ainsi en privilégiant constamment l'effet de style, le réalisateur confère à son film un aspect trop artificiel qui en rebutera plus d'un, un élément parmi d'autres visant à prendre le spectateur par la main et lui indiquer bêtement le dénouement d'une intrigue dont il se sera désintéressé depuis longtemps. C'est ainsi que tout au long du film, Marc Forster dissémine des indices avec la subtilité d'un éléphant dans un magasin de porcelaines. Et à trop vouloir jouer les David Lynch, le réalisateur perd de facto le spectateur dans les méandres de son intrigue tortueuse.

[img_right]stay1.jpg [/img_right]Sur bien des points Stay est à rapprocher de Reeker, petit slasher fantastique reposant sur une structure et un final quasi similaire, et dont le film de Forster représente le jumeau auteurisant. Pourtant, contrairement au film de Dave Payne qui se démarquait par son traitement fun, celui de Marc Forster semble prendre son sujet beaucoup trop au sérieux pillant ici et là les divers ingrédients de tout ce qu'il a pu digérer en matière de cinéma pour un résultat partiellement réussi. En effet qu'il s'agisse de cadres vacillants et autres escaliers en spirale renvoyant au cinéma de Burton et à l'expressionnisme allemand, de la caméra passe-partout et des cadres oppressants tout droit sortis des films de David Fincher, ou encore de son ambiance lynchienne, le réalisateur ressort bien consciencieusement ses influences comme le bon élève qu'il est. Ainsi, certaines scènes beaucoup trop chargées visuellement, relèvent du pot-pourri tandis que d'autres beaucoup plus digestes, arrivent efficacement à créer une ambiance prompte à nous accrocher. Ces moments de grâce sont malheureusement trop rares, le réalisateur cédant trop facilement aux effets tape à l'œil où surnagent un Ewan McGregor égal à lui-même et une Naomi Watts venu cachetonner. Seul Ryan Gosling, parfait en jeune homme suicidaire, se démarque réellement et insuffle à son personnage une belle aura mystérieuse.

De fait le film repose sur un dangereux équilibre qui menace à tout moment de céder avant de se reprendre à l'occasion d'une deuxième partie plus prenante où les images n'attaquent plus nos rétines aussi violemment, pour mieux sombrer définitivement lors d'une résolution aussi absurde que gratuite qui ne manquera pas d'agacer. Un fait d'autant plus dommageable que Marc Forster fait preuve d'un réel talent avec la caméra quand il ne la dilue pas dans un déluge d'effets numériques superflus et de filtres à outrances. Si la poésie visuelle de Neverland se trouvait être en parfaite adéquation avec l'univers mental de son personnage principal, force est de reconnaître qu'ici les trop nombreux effets de style du réalisateur alourdissent son propos et lui font perdre très rapidement l'adhésion du spectateur agacé d'être pris pour un idiot. Au final, Stay est victime des bonnes intentions de son réalisateur qui, en voulant dynamiser à tout prix un récit reposant entièrement sur son twist, oublie en chemin de raconter une histoire cohérente.

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