Critique : Dikkenek

Julien Foussereau | 21 juin 2006
Julien Foussereau | 21 juin 2006

Qui fréquente les salles obscures de façon régulière depuis six semaines s'est certainement retrouvé face au mini spot de trente secondes assez efficace où Jérémie Rénier, à la chevelure salement peroxydé, se mange une rafale de coups de pied pour avoir osé décrocher son téléphone en plein film. Mise en bouche aussi drôle que méchante (qui n'a jamais rêvé d'en faire autant ?). Seulement, la liste des extraits prometteurs dissimulant un gros pétard mouillé est déjà bien longue. Alors, Dikkenek, premier film de Olivier van Hoofstadt, rejoint-il des rangs déjà bien fournis ? Oui…enfin, pas vraiment.

Ce que la article-details_c-trailers s'est bien gardée de préciser, en revanche, c'est le nom de la maison de production dont la seule évocation freine bien des ardeurs : Europa Corp. Lorsque l'on apprend après coup que, Luc Besson, son patron que l'on ne présente plus, a dit banco sans même avoir lu une ébauche de scénario, on est nullement étonné parce que…il n'y en a pas. Les intentions de Olivier van Hoofstadt sont palpables : faire une grosse farce sur les beaufs wallons, buveurs de bière bon marché, je-sais-tout, adipeux et graveleux (le Dikkenek donc) sous forme de récit choral. Ah si ! Il y a bien un fil conducteur bancal sous forme de pari : JC –un clone de Francis Begbie (Robert Carlyle dans Trainspotting en plus belge et moins méchant, quoique…- fait le pari de trouver l'âme sœur pour son meilleur ami avant la fin de la semaine. Malheureusement, l'ensemble est un gros foutoir se voulant rebelle, limite punk (renforcé par les riffs sales de guitare du groupe Ginzu, entre autres) qui ressemble trop souvent à une succession de saynètes inégales.

Dans la catégorie du pire, on retrouve le côté grosse pantalonnade réductrice servi par le département comédie du ‘sieur Besson depuis bientôt cinq ans (Blanche, Rire et Chatiment et Au suivant ! pour les plus graves). Cela commence fort avec Claudy, directeur d'abattoir de son état (particulièrement repoussant au passage), qui a droit aux honneurs d'une interview d'étudiants de l'INSAS, école de cinéma publique très select (l'équivalent bruxellois de notre FEMIS). La grossièreté du trait rappelle les « perles » populistes de Taxi 2calme-toi, regarde Arte ! ») avec ces étudiants portant niaisement leur T-Shirt « I Love Godard » tout en filmant n'importe comment leur sujet pour une simple interview avant que ce dernier ne s'énerve en tapant rageusement la perche du micro…

Deuxième constatation : le nombre conséquent de comédiens gaulois au casting de cette gaudriole belge. Précision tout de même : point de saltimbanques français dans des rôles correspondant à leur nationalité ici mais une vaine tentative de les faire passer pour des dikkeneks. Si les impératifs économiques justifiaient des têtes d'affiche hexagonale pour rendre ce projet viable, rien n'obligeait van Hoofstadt à leur écrire ces rôles minables où chacun se croit désopilant à force de cabotiner. C'est bien simple, la quasi intégralité des scènes avec Catherine Jacob, Mélanie Laurent, Florence Foresti sont aussi rafraîchissantes et désaltérantes qu'une bière tiédasse et éventée, le pompon revenant à Marion Cotillard absolument insupportable en instit hystérique (la scène au musée des accidents de la route, à ce titre, résume parfaitement ce sentiment persistant de gêne devant cet humour faussement provoc).

En fait, Dikkenek échappe de peu au naufrage intégral grâce à Jeremie Rénier en aimant à gnons et surtout à la prestation de François Damiens, dans le rôle de Claudy. A l'exception de sa pitoyable première scène, il est le seul à assumer jusqu'au bout son personnage de monstre ordinaire, ventripotent, suintant la bière par tous les pores de sa peau quand il ne s'improvise pas photographe de charme dans un hilarant clin d'œil à Terry Richardson, le cinglé à l'origine des pubs porno-trash de la marque Sisley. Déjà d'une redoutable efficacité dans OSS 117, il creuse le sillon avec son accent rugueux et ses expressions fleuries. Avec Damiens, on a l'ébauche de ce qu'aurait du être Dikkenek, une fable sociale corrosive comme Ettore Scola avait su l'offrir avec Affreux, sales et méchants. En développant cette attitude jusqu'au-boutiste de Damiens tout en l'élargissant à d'autres profils, van Hoofstadt aurait pu créer la surprise au lieu de se contenter d'un catalogue aussi répétitif qu'inoffensif, obligé de justifier constamment sa beauferie pour exister. Moralité : Affreux, sales et belges n'est pas encore à l'ordre du jour.

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