La Nuit du chasseur : critique amour/haine

Laurent Pécha | 16 juillet 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Laurent Pécha | 16 juillet 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Si La Nuit du chasseur a pris sa place au panthéon des chefs d'oeuvres de l'histoire du cinéma, c'est purement et simplement grâce au talent de mise en scène de son immense réalisateur, Charles Laughton, dont c'est là l'unique oeuvre.

À y regarder de plus près, rien dans l'histoire ne pouvait présager d'une telle fulgurante et mémorable réussite : un pasteur itinérant à la recherche d'un magot enfoui, terrorise et pourchasse les deux enfants susceptibles de lui révéler l'endroit de la cachette. Un canevas donc classique qui se voit offrir un traitement graphique hors normes.

 

photoPerfection plastique

Pour son premier et unique film, Charles Laughton et son chef opérateur, Stanley Cortez, subliment le récit par une utilisation du noir et blanc d'une poésie rare. Chaque plan semble avoir été imaginé, pensé avec un souci du détail propre à fasciner son auditoire. Tel un rêve ou plutôt ici un cauchemar éveillé, on suit émerveillé la fuite éperdue des enfants cherchant vainement à échapper à leur bourreau. Certaines scènes marquent à jamais notre inconscient. Il en va ainsi de ce plan admirable des deux enfants rompus de fatigue et endormis dans une barque dérivant au gré du courant sous un ciel étoilé au clair obscur magnifique.

 

photo

 

Dans cette univers fantasmagorique renvoyant à tout un pan du cinéma expressionniste allemand, Laughton mêle une habile confrontation- réflexion sur le bien et le mal que personnifie à merveille les mythiques Hate et Love sur les phalanges de Robert Mitchum. Le film n'aurait d'ailleurs pas un tel impact sans la présence à la fois féline et diablement inquiétante de l'immense Bob. Le grand acteur qu'a été Charles Laughton a offert à Mitchum le rôle de sa vie. Par petites touches sans avoir l'air de faire grand chose, il réussit à personnifier le Mal (nul doute qu'un autre grand Bob s'en est furieusement inspiré pour Angel Heart) et ses apparitions mêmes fictives via son ombre suffisent à créer de véritables moments de terreur.

En soulignant la part obscure et cachée en chaque individu, La Nuit du chasseur est une sorte de conte de fée déviant qui nous renvoie à nos peurs les plus sourdes. Celles que nous avions, enfant, terré dans notre lit disséquant les ombres et lumières qui se reflétaient sur nos draps afin de leur donner un sens.

 

Résumé

La Nuit du chasseur est une oeuvre unique, magique, indispensable à la beauté visuelle inégalée. Avec elle, le mot chef d'oeuvre tant galvaudé reprend toute sa signification.

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Lecteurs

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commentaires
Andarioch
03/10/2018 à 14:46

Inutile d'en rajouter sur la poésie de la chose, vous faites ça très bien. Par contre on parle assez peu de cette scène violemment inspirée de Tex Avery où Lilian Gish tire sur Mitchum qui s'enfuie en poussant des hurlement de loup de cartoon. ça aurait pu être ridicule, c'est juste génial.

bretonne
17/07/2018 à 19:48

On a rarement vu un telle poésie au cinéma . La séquence de la fuite des enfants sur la rivière poursuivis par l'ombre menaçante du pasteur est d'anthologie .

Ded
17/07/2018 à 15:22

Le rôle préféré de Mitchum. Personnage "en or" aux éclairs de violence en contrepoint glaçant des attitudes lénifiantes servant à appâter ses victimes et incarnation du mal absolu, adouci, à la demande de Laughton par rapport au personnage sorti de l'imagination de David Grubb (pour ne pas "saboter" la carrière de l'acteur qui se "lâchera" dans le vénéneux "Les nerfs à vif" au point de s'effrayer d'une violence jusque là insoupçonnée tout s'en inquiétant pour sa propre santé mentale !). Ancrée dans l'âpre réalité sociale de "la grande dépression" en décrivant son drame humanitaire par le prisme des yeux d'enfants (contrairement à la vision adulte de "Les raisins de la colère"), dans une photo sublimant l'ambiance poisseuse et fantasmagorique, la narration prend son temps et l'on flotte ainsi entre rêve et cauchemar au rythme de la barque des enfants lancée à la dérive. Il est heureux que le grand Charles Laughton ait laissé à la postérité, d'autant qu'il est son unique réalisation, un tel chef d’œuvre dont l'énumération des évidentes qualités reste inépuisable...

sylvinception
17/07/2018 à 10:40

Merci à notre ami Leconcombremoisi de dire ce que beaucoup de gens pensent tout bas...

Leconcombremoisi
17/07/2018 à 08:33

Film sympa mais largement surestimé comme beaucoup d’autres.
La photo et la mise en scène sont belles mais quel ennui...

Matt
17/07/2018 à 00:30

Chef d'oeuvre intemporel. Et Lilian Gish impériale en mama badass face à Mitchum.

Number6
16/07/2018 à 22:26

J'ai été un tout petit peu déçu. Je m'attendais à une fin jusqu'au boutiste et non finalement. Reste une image splendide, des acteurs merveilleux et un suspense qui tient en haleine. Un grand classique mais pas mon chef d'œuvre. Avec mitchum, je préfère les nerfs à vifs.

Rick Hunter
16/07/2018 à 19:54

Vous devriez mettre 10 étoiles ! Ou alors autant d'étoiles que celle de la petite scène d'introduction !

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