Critique : Dr Kinsey

Matthieu Perrin | 4 avril 2005
Matthieu Perrin | 4 avril 2005

Après Gods and Monsters, salué par la critique et pourtant resté inédit dans nos salles jusqu'à une diffusion discrète sur Canal plus, Bill Condon revient avec un Dr Kinsey au sujet surprenant et étonnant (Kinsley fut le premier docteur dans les années 50 à étudier les comportements sexuels des humains). Placé en premier lieu dans l'optique du « Tout ce que vous avez voulu savoir sur le sexe sans jamais avoir osé le demander », le film offre l'occasion de voir des scènes anthologiques et drôles (la première relation sexuelle entre Liam Neeson et Laura Linney, les étudiants apprennant qu'il y a plus d'une position pour faire l'amour,…) sur fond de « biopic » académique bien menée par le géant charismatique Liam Neeson.

Mais après la première demi-heure, on voit venir Condon et son acteur vedette bien musclé, huilé et torse nu en train de montrer comment bien jardiner à son assistant (des réminiscences de Gods and Monsters et son jardinier de Brendan Fraser). Cela se terminera par l'un des baisers les plus virils de l'histoire du cinéma à la limite quand même du ridicule. Ce qui intéresse à nouveau Condon, ce ne sont pas tant les comportements sexuels mais plutôt les rapports sexuels des hommes. Le cinéaste oublie de s'attarder sur la dimension féminine de son récit (Laura Linney, remarquable, reste toujours en arrière en train d'éplucher des haricots) alors même que Kinsley a réalisé un rapport sur la sexualité féminine qui a eu un retentissement considérable sur « l'American way of life ». En effet, comment imaginez que la ménagère américaine des années 50 qui reste au foyer et vante les mérites des aspirateurs, puisse se masturber ou avoir des liaisons extraconjugales ? À aucun moment, le réalisateur ne juge bon de traiter ce sujet.

Qu'on ne s'y trompe pas, Dr Kinsley est un film intéressant à l'image de cette belle séquence « warholienne » des voyages du docteur tournée avec des incrustations de visage, qui traite avec humour d'un sujet très peu abordé de cette manière-là, notamment par des cinéastes plus préoccupés par l'idée de filmer l'acte sexuel (comme le franchement pas bandant 9 songs). « Sex is good and fun » semble nous dire Condon. Et on le croirait volontiers si dans une scène extrêmement drôle, un patient ne venait pas parler de sa dimension la plus terrifiante et innommable. Il fait la démonstration qu'il est capable d'éjaculer en dix secondes devant un Liam Neeson stupéfait et prétend avoir noté toutes ses expériences sexuelles avec lui même, des animaux et des enfants !!!! Il parle de ses rapports avec des préadolescents, de la manière dont ils jouissent devant un Kinsley impassible qui s'empresse de le renvoyer. En choisissant ainsi catégoriquement de ne pas vraiment évoquer les diverses déviances sexuelles (l'échangisme, le sadomasochisme, la prostitution, la nymphomanie et la pédophilie, la pornographie,…) et donc de laisser entrevoir la dimension perverse et malsaine du sexe, cause des principaux maux de notre société, le binôme Condon/Kinsley transforme (trop) simplement Dr Kinsley en une suite de saynètes au potentiel uniquement insolite et (ou) drôle.

Finalement comme le docteur Kinsley, Condon pêche d'avoir voulu enlever tout sentiment à son histoire (à l'exception de la séquence finale), de s'être contenter de nous décrire comme étant ni plus ni moins comme de gentils animaux et établissant le sexe comme étant la chose la plus naturelle dans le meilleur des mondes. Bref, le jeu de mot est certes facile mais sur ce coup là, osons dire que Bill Condon filme son sujet avec un préservatif.

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