Critique : La Fiancée syrienne

Johan Beyney | 2 mars 2005
Johan Beyney | 2 mars 2005

Lorsqu'une femme palestinienne s'associe à un réalisateur israélien pour écrire un film, on ne peut que se réjouir. Lorsqu'ils le font pour donner naissance à une histoire si fine et subtile que celle de La fiancée syrienne, on applaudit alors encore plus fort.

[img_right]fisy_famille.jpg [/img_right]Sur le plateau du Golan vit la communauté druze : des palestiniens sous occupation israélienne et majoritairement pro-syriens. Pour couper court à cet imbroglio politique, l'administration a tranché en faisant mention sur les passeports d'une « nationalité indéterminée ». Difficile de trouver sa place dans un tel contexte. Alors chacun se débrouille, selon sa conscience, son courage, ou tout simplement les possibilités qui lui sont laissées par le poids des traditions, de la politique, de la bureaucratie ou de la religion. Pour ne pas se faire écraser, les membres de la famille de Mona ont tous choisi des méthodes différentes. Le père milite sur le terrain, un frère est parti vivre en Russie, tandis que l'autre oublie à grand renfort de costumes de marque acquis grâce à son business en Europe. Quant aux femmes... Opprimées de tous bords, leur sentiment de révolte n'en est pas moins grand ni moins noble. Car sur le plateau du Golan, vouloir faire des études ou se promener en pantalon n'est pas un comportement si anecdotique qu'on pourrait le croire. Et Amal (Hiam Abass, sublime), grâce à son courage obstiné, devient alors le phare dans la tempête. Surtout pour cette petite sœur qui, une fois qu'elle aura rejoint son futur époux de l'autre côté de la frontière syrienne, ne pourra plus jamais revoir les siens.

On se demande, avec La fiancée syrienne, s'il est possible qu'un film israélien ne soit pas un film politique, tant le quotidien des protagonistes en est imprégné. La présence militaire, les lourdeurs bureaucratiques prennent trop de place pour être reléguées à une simple toile de fond, et deviennent presque des acteurs du récit tant leur rôle influence la destinée des personnages. Au milieu de ce chaos, c'est pourtant bien d'amour qu'il est question. Il y a ceux qui ne savent pas et ceux qui ne peuvent pas, ceux qui essaient sans y parvenir, ceux qui aimeraient, hésitent, se trompent, renoncent, mais tous savent que c'est là que se trouve leur dernier espace de liberté.

Eran Riklis parvient, sans longueur ni lourdeur voire même avec une certaine légèreté (on pense au No Man's Land de Danis Tanovic), à nous réapprendre les notions d'engagement, de nationalité et de frontière sans faire dans le didactique ni dans l'ennuyeux. À l'image de son personnage principal dont la robe blanche étincelle entre les postes frontières poussiéreux, La fiancée Syrienne apporte un peu de beauté dans un univers aride et déserté. Et l'on respire...

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