Mon ami robot : critique de la bonne surprise de fin d'année

Déborah Lechner | 26 décembre 2023
Déborah Lechner | 26 décembre 2023

2023 a peut-être été une sale période pour les blockbusters américains, mais elle a aussi été un temps fort pour le cinéma d'animation, avec des films de tous genres et de tous horizons (Spider-Man : Across the Spider-Verse, Mad God, Le Garçon et le héron, Interdit aux chiens et aux Italiens, Elémentaire, Linda veut du poulet, Mars Express...). Et c'était sans compter sur le long-métrage franco-espagnol Mon ami robot réalisé par Pablo Berger et adapté du roman graphique de Sara Varon, qui vient clore en beauté et en douceur cette année déjà riche en découvertes. 

DO YOU REMEMBER ?

Mon ami robot, c'est l'histoire de Dog, un chien (ça s'invente pas) qui souffre de solitude et trouve de la compagnie auprès d'un gentil robot commandé sur internet. C'est mignon dit comme ça, et avec ses traits arrondis et ses gros contours noirs, sans oublier les bouilles enfantines et innocentes de ses personnages anthropomorphes, le film de Pablo Berger est effectivement adorable, mais pas que.

Car il y a une suite à cette histoire : après avoir passé une magnifique journée à la plage avec son nouvel ami, Robot ne parvient plus à se lever car il a rouillé, et Dog se résigne à l'abandonner à son triste sort. S'en suit un enchainement d'imprévus (d'autres diraient un véritable acharnement du destin) qui éloigne chaque jour un peu plus les deux amis. Vous voilà prévenus. 

 

Mon ami robot : photoCapital sympathie inégalable

 

On ne racontera pas la fin, évidemment, mais si vous avez été émus devant les au revoir de Sully et Bouh dans Monstres et Compagnies, ou ceux de Krokmu et Harold dans Dragons 3, il y a fort à parier que cette autre fable sur l'amitié (l'amour, et tout ce qu'il y a entre les deux) réussira à vous serrer la gorge à sa façon. Mon ami robot est aussi cajoleur que déchirant, mais ce n'est pas le tire-larmes un peu facile qu'on pourrait redouter.

Le récit est mélancolique, certes, mais ne tombe jamais dans un lyrisme trop appuyé. À l'inverse, il est même plutôt dans la retenue, presque timide et modeste, soit deux traits de caractère que partage Dog.  

 

Mon ami robot : photoWake them up when september ends

 

L'histoire fait surtout preuve d'une maturité poignante pour parler des relations qu'on fait et défait, de leur fragilité et fugacité. Rien n'est immuable, mais cette réalité douloureuse est contrebalancée par un optimisme et une espérance réconfortants. C'est ce fameux "baume au coeur", la niaiserie en moins. Une relation qui s'achève n'a donc pas été du temps perdu ou gaché. Ce sont des souvenirs et des expériences uniques, des sentiments forts qu'il n'est jamais vain d'avoir éprouvés, et le rappeler – ou l'inculquer – ne peut pas faire de mal.

Par ailleurs, le film parvient à illustrer ses changements d'états d'esprit à travers la musique September d'Earth Wind and Fire, qui sert de leitmotiv et dont le récit change l'interprétation en fonction des sentiments des deux protagonistes. Bref, ce robot et ce chien débordent d'humanité et de sagesse dans ce conte contrarié tellement universel et cristallin que sa narration fonctionne sans le moindre dialogue

 

Mon ami robot : photoLe langage universel

 

UN AUTRE FILM CINÉPHILE

Pablo Berger a également décrit son film comme "une lettre d'amour" au New York des années 80 et 90, où il a habité, s'est formé à la réalisation et a même rencontré sa femme, devenue depuis sa plus proche collaboratrice. De ses propres dires, le cinéaste ne voulait pas traiter la ville comme une simple toile de fond, mais en faire un environnement suffisamment vivant et tangible pour devenir un personnage à part entière. 

Le design minimaliste et épuré des personnages contraste ainsi avec des décors très détaillés, mais aussi familiers entre les reproductions de Manhattan, d'East Village, de Chinatown, de la Cinquième Avenue, de Coney Island ou encore de Central Park.

 

Mon ami robot : photoLe nombre affolant de détails, rien que sur ce plan

 

Et de la même façon qu'il a puisé dans ses souvenirs pour représenter son New York, Pablo Berger a également mis sa cinéphilie au service de l'oeuvre. Celle-ci fourmille ainsi de références et détails amusants (les figurines sur le rebord de fenêtre de Dog ou son énorme affiche du film Yoyo de Pierre Etaix qui tranche avec la morosité du personnage).

Le long-métrage s'est également inspiré du cinéma peu bavard mais très expressif de Jacques Tati, ou encore du classique Cadet d'eau douce de Buster Keaton dans une magnifique séquence de rêve, poétique et enchantée, qui rejoint aussi le court-métrage Des arbres et des fleurs de la série expérimentale des Sillies Symphonies de Disney.

Évidemment, la liste des clins d'oeil et inspirations (voulues ou inconscientes) est bien plus longue que ça, mais autant ne pas en dire plus, tant ils sont des petits joyaux à débusquer dans une sorte d'immense chasse au trésor new-yorkaise.

 

Mon ami robot : affiche française

Résumé

Mon ami robot est un film en apparence simple et enfantin, mais qui s'avère pourtant très réfléchi et mature sur ce qu'il raconte de nos relations, ce qu'elles ont de plus beau et de plus déchirant. 

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Lecteurs

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commentaires
Ghost Leopard
17/01/2024 à 17:39

Au fait, Mars Express est toujours en salle dans les cinémas Pathé.
Il est reprogrammé pour une semaine de plus.

Cest génial ! Sincèrement, je suis vraiment content pour l'équipe du film et plus généralement pour le cinéma d'animation français ! (^_^)

Ghost Leopard
14/01/2024 à 12:49

Film sympa et réussi !

Rorov94m
02/01/2024 à 10:06

Un dessin animé malsain, teinté de perversité et carrément dans l'air du temps....j'ai vomi dans ma bouche!

Ghost Leopard
01/01/2024 à 19:52

@La Rédaction
Merci infiniment d'avoir répondu à mon commentaire.

Pour être honnête et franc avec vous, quelques années auparavant, j'aurais probablement zappé Nina et le secret du hérisson et n'aurais pas réagi à la sortie de Sirocco et le royaume des courants d'air sans Annecy.
Tout comme Mon ami robot ou Linda veut du poulet, ce sont des films dont le financement a été envisagé avec comme coeur de cible la famille avec enfant.
Ceci étant, certains sont en parallèle de véritables d'œuvres pouvant intéresser potentiellement tout le monde. Sans Annecy, je ne m'en serais pas aperçu.
Or force est de constater que les commentaires les plus fréquents sur les sites proviennent d'adulescents (c'est très certainement le cas partout, pas seulement sur le site EL).
On peut donc en déduire que les internautes "habituels" réagiront peu à des films d'animation n'entrant pas dans un schéma déjà préformaté comme le dernier Disney ou un film japonais appartenant à une franchise célèbre. Sans Annecy, cela aurait été mon cas.

Par ailleurs, la conjoncture est particulière : depuis l'augmentation des plafonds des crédits d'impôt, l'essor des plateformes de streaming et le confinement du covid, il y a eu un apport d'argent frais au cinéma d'animation français (les équipes ayant pu travailler pendant la pandémie même si c'était dans la douleur).

Du coup, depuis peu, il y a de vraies pépites qui ont pu être produites en Europe. Le secteur est devenu très dynamique or on a la chance d'avoir les équipes techniques en face du fait des nombreuses écoles d'animation en France.
Cela fait que le cinéma d'animation français est plus intéressant qu'avant. Mais en parallèle, c'est très difficile d'être à la fois au four et au moulin quand il y a plein d'autres sorties par ailleurs. Donc, je comprends le problème.

Bonne année 2024 à votre équipe !

Geoffrey Crété - Rédaction
27/12/2023 à 00:22

@Ghost Leopard

C'est malheureusement une question de temps pour nous... On est une petite équipe, un site indépendant avec des ressources limitées, et on ne peut pas traiter toute l'actu. On ne l'a jamais fait et c'est de plus en plus impossible vu le nombre de sorties (cinéma, VOD, SVoD, sans parler des séries, jeux vidéo... on ne compte pas nos heures mais c'est tout bonnement impossible de voir plus d'oeuvres, surtout quand il faut ensuite prendre le temps d'écrire un article digne de ce nom).

Plusieurs personnes de l'équipe aiment passionnément le cinéma d'animation, et parfois elles voient un film sans avoir le temps d'écrire la critique après, vu toutes les priorités que nous avons à gérer. L'arrivée du podcast cette année n'arrange pas les choses. Mais on fait le max, et on s'accroche à ces sujets (même si effectivement, ça fait des chiffres très bof sur le site)

Rorov94m
26/12/2023 à 23:58

Pendant la projo de la b-a dans la salle il y a eu comme un malaise...
Cette impression qu'une équipe de pervers aimants trop les gosses s'étaient lancé dans l'animation.
Pu qu'une secte chelou voulait concurrencer Ghibli....

Ghost Leopard
26/12/2023 à 18:48

Ceci étant, je ne me rappelle pas non plus d'une critique pour Nina et le secret du hérisson en octobre dernier.

Donc, peut-être que ça s'éloignerait trop des centres d'intérêt du lectorat qui constitue le coeur de cible de votre site internet, tout simplement. (^_^')

Ghost Leopard
26/12/2023 à 18:39

J'espère pouvoir le voir. J'en ai entendu beaucoup de bien au festival d'Annecy.

C'est curieux, sauf erreur de ma part, seriez-vous passé à côté de Sirocco et le royaume des courants d'air qui est sorti en salle récemment ?

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