Psycho-Pass : Providence - critique d'une dystopie dirigée par les IA

Léo Martin | 25 août 2023 - MAJ : 26/08/2023 01:18
Léo Martin | 25 août 2023 - MAJ : 26/08/2023 01:18

Au croisement de la science-fiction et du thriller noir, la franchise Psycho-Pass, née en 2012, s'est étendue sur diverses séries et films au cours de la dernière décennie. Avec le nouveau long-métrage Psycho-Pass : Providence, réalisé par Naoyoshi Shiotani, la franchise amène une conclusion à la lutte philosophique de l'inspectrice Akane Tsunemori contre le système judiciaire Sybil.

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Après une décennie de réflexions, la saga Psycho-Pass tente une fois encore d'apporter des réponses à ses interrogations existentielles, propres à la science-fiction uchronique. À travers son histoire de policiers, humains trop humains et en proie à des dilemmes moraux, la série d'animation suivait en bon élève l'héritage d'œuvres comme Blade Runner ou Minority Report, dès sa première saison. Cette dernière aurait d'ailleurs pu se suffire à elle-même, ayant déjà très studieusement exploré son sujet et s'offrant une fin ouverte nuancée. 

Finalement, nous revoilà après tout ce temps en compagnie de l'inspectrice Akane Tsunemori qui travaille toujours et malgré elle pour l'intelligence artificielle Sybil. Ce système informatique qui garantit un ordre absolu et autoritariste et exacerbe tous les travers politiques du Japon : isolationnisme, justice expéditive, déterminisme social... Nombreux sont ceux qui le défient par la violence, tandis qu'Akane s'évertuait jusque là prête à réformer Sybil de l'intérieur. Ses convictions humanistes s'opposant à la fois à l'inaltérable système et aux criminels qu'elle doit arrêter. 

 

Psycho-Pass : Providence : photoAkane VS le système : allégorie

 

Et si ce Psycho-Pass : Providence a un réel intérêt, c'est d'enfin confronter Akane face à ses contradictions et pour conclure son arc narratif. Au-delà, la majorité des personnages secondaires n'a malheureusement pas grand-chose à apporter au récit. Le charismatique Shinya Kōgami est aussi de retour pour faire plaisir aux fans (et offrir d'excellentes scènes d'action), mais a déjà vu tout son potentiel épuisé dans la première saison de la série – où il brillait en tant qu'anti-héros moralement gris. 

Le reste de casting sert souvent de chair à canon ou de dispositif pour faire avancer l'histoire, tandis que tous les principaux enjeux de celle-ci se joueront à la hauteur du personnage d'Akane pour lui faire tirer d'importantes leçons dans cette ultime enquête. Le reste du film est partagé entre une mise en scène très solide (mais qui l'a toujours été dans la série) et une intrigue sur laquelle on restera assez mitigé. 

 

Psycho-Pass : Providence : photoKōgami, exécuteur clopeur au grand cœur

 

les crimes du futur

Les références philosophiques et scientifiques ont toujours été balancées avec lourdeur dans Psycho-Pass (une discussion sur la pluie et le beau temps devient vite un débat moraliste opposant Bentham et Stuart Mill, ici), mais cela faisait aussi partie de son charme. Du moins tant que les enjeux du récit étaient clairs et identifiés. Dans Psycho-Pass : Providence, la chose est moins évidente et ainsi, les problèmes de son écriture en ressortent davantage.

Un peu à la façon des romans de SF de Van Vogt, le discours intellectuel est si appuyé à certains endroits qu'il en affaiblit sa très dense intrigue. Il est déjà difficile de ne pas trop complexifier une sombre affaire d'espionnage, de corruption et de politique étrangère. Mais pris en tenaille entre des citations de l'Ancien Testament et des cours sur les travaux de Julian Jaynes, on perd malheureusement de vue le fil rouge du film au point de se retrouver déboussolé au trois quarts de l'action.

 

Psycho-Pass : Providence : photoA good ending ? Wrong city, wrong people.

 

Néanmoins, l'audace de certains thèmes abordés (au milieu de tous les autres) nous force à constater que Psycho-Pass : Providence n'est pas qu'un simple bonus d'anniversaire pour la série qui reprendrait les forces de la série à son compte. Le film est au contraire assez conscient de l'actualité et sait ainsi adapter ses propos avec le temps, évoquant désormais des sujets comme l'immigration, l'expansion internationale des IA et l'ombre de la guerre mondiale évoluant dans le sillage des dérives modernes. 

Bien qu'il reste en dessous de toute la maestria narrative des débuts de sa série, Psycho-Pass : Providence n'est ainsi pas inutile. Il est déjà un divertissement plus qu'honnête et fort bien réalisé, en plus d'être une œuvre de science-fiction très sérieuse en phase avec son époque. Le dénouement du long-métrage (assez percutant, il faut le dire) démontrera également qu'il n'est pas là pour meubler entre deux saisons. En plus de bouleverser l'évolution de l'inspectrice Tsunemori, celui-ci apportera une conclusion on ne peut plus radicale à ses dilemmes. 

 

Psycho-Pass : Providence : affiche française

Résumé

Malgré son récit parfois confus qui ne parvient jamais à surpasser la série mère, Psycho-Pass : Providence n'en reste pas moins un thriller de SF bien conçu et intelligent. Il faudra toutefois être un amateur de la saga pour apprécier totalement sa percutante fin. 

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commentaires
Kurobator
30/08/2023 à 13:14

@Madolic @GTB > Et même si ce n'était pas un préquel, /SPOILER S3/ Akane réintègre de toutes façons bien la Section 1 à la fin de la saison 3, dans First Inspector. Elle passe simplement d'ex-inspectrice à exécutrice. ^^

GTB
29/08/2023 à 14:34

@Madolic > Providence se passe tout simplement chronologiquement avant la saison 3 et explique la situation de départ de celle-ci.

Madolic
28/08/2023 à 12:27

Mais je comprends pas, dans la saison 3, Akane ne faisait plus parti de Sybil ...
J'ai loupé un truc ?

Marc
28/08/2023 à 10:53

Je me souviens de la première saison de Psycho-Pass surprenant les agents utilisent un GUN si IA décide que le criminel est dangereux ou recherché il active l'arme pour éviter toute erreur.
Des inspiration de GHOST IN THE SHELL et le duo Kogami et Shimitsuki font les personnages kes plus intéressants de la série.

Léo Martin - Rédaction
26/08/2023 à 21:36

@Ioni Sans spoiler davantage, il est bien question d'IA dans le film. Mais aussi dans le propos général de la saga, quand bien même il y a d'importantes ambiguïtés sur le sujet et qu'on ne révélera pas ici.

Altaïr Demantia
26/08/2023 à 16:10

En fait, entre les 3 saisons et les 4 films, les différents arcs des personnages importants ont déjà été traités. Ne restait que l'arc d'Akane Tsunemori à conclure. Le plus important puisque c'est le personnage le plus complexe. Et toute la question est de savoir si elle est à même de mettre à bas le Système.

Ce que j'apprécie dans cette série c'est le haut niveau de réflexion qu'il y a derrière et qui aborde sous un vernis cyberpunk, non seulement les travers du Japon contemporain, mais depuis que la première saison est sortie le reste du monde est désormais concerné par toutes les thématiques qui y sont abordées. Notamment la guerre à l'extérieure pour garantir la paix à l'intérieur, une thématique développée dans Patlabor 3 de Mamoru Oshii, je crois. La surveillance généralisée, le transfert de la responsabilité des décisions administratives aux algorithmes, entre autres.

Bref, les scènes d'action, efficaces et bien mise-en-scènes ne sont pas l'essentiel de cette série. Le monde qui y est décrit de manière détaillée, son fonctionnement politique et sociale, les guéguerres "secrète" entre les oligarques, la guerre chez les autres, le fait que la violence soit l'exclusivité d'une entité administrative qui considère toutes violences n'émanant pas d'elle comme une déviance à éradiquer, le fait que l'Humain ne soit plus que celui qui tient l'instrument qui condamne à mort lui permettant de ne pas en endosser la responsabilité et l'éventuel trauma qui en découle.

C'est la série de SF la plus passionnante, réaliste et complexe par les thèmes abordés, que j'ai vu ces 10 dernières années. La commencer, c'est prendre le risque de la finir. Vous aurez été prévénu ^^

GTB
26/08/2023 à 11:30

@Ioni > Félicitations, vous avez balancez le plus gros spoiler possible, LA révélation de fin de saison 1...juste pour râler sur un détail qui ne change strictement rien à l'article. Avez-vous relevez que l'article parle du film tout en évitant de spoiler la série sur de nombreux points (dont celui-ci) ? Un hasard selon vous ?

Ioni
26/08/2023 à 05:13

"Psycho-Pass : Providence - critique d'une dystopie dirigée par les IA"

"Akane Tsunemori qui travaille toujours et malgré elle pour l'intelligence artificielle Sybil"

Juste non.

Regardez la série avant d'écrire vos articles, on l'apprend dès la première saison qu'il n'y a pas d'IA

Léo Martin - Rédaction
26/08/2023 à 01:17

@GTB Ha en effet, ça me vient tout bêtement d'un sous-titre trompeur, merci pour la remarque ! Et oui Psycho-Pass c'est un très bon cru, en particulier la première saison.

GTB
25/08/2023 à 20:51

Même s'il n'atteint pas le niveau de la série, les thématiques autour du personnage d'Akane ont de quoi susciter l’intérêt. Très curieux de voir ça. Je me fais pas de soucis sur la réal et la bande-son très quali. Par contre, ça attendra la VOD; la distrib' étant ce qu'elle est.

Si vous n'avez jamais regarder Psycho-Pass, corrigez le tir. Il fait clairement partie des must-watch. Les 2 premières saisons sont dispo sur Netflix me semble-t-il.

ps: Au fait, coquille sur le nom Akane TsunEmori.

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