Sharper : critique de l'arnaqueur d'Apple TV+

Chloé Chahnamian | 17 février 2023
Chloé Chahnamian | 17 février 2023

Si Apple TV+ mise encore principalement sur des séries, pour notre plus grand plaisir, la plateforme propose de plus en plus de films "originaux" et s'est encore une fois associée à A24. Avec Sharper, le réalisateur Benjamin Caron nous dévoile les rouages d'un coup monté bien ficelé et fait de New York le quartier général des arnaqueurs professionnels. Pour mener à bien cette petite entreprise, on retrouve deux belles têtes d'affiche, Julianne Moore et Sebastian Stan, mais le jeu en valait-il vraiment la chandelle ? 

me parle pas d'amour

Sharper commence comme toutes les comédies romantiques qu'on dévore en secret, ou comme tous les téléfilms de Noël qui donnent le cafard, par une rencontre que les plus romantiques (ou optimistes) qualifieront de coup de foudre. Tom (Justice Smith) et Sandra (Briana Middleton) se rencontrent dans la librairie où Tom travaille et le courant passe tout de suite entre les deux jeunes et séduisants adultes. Sourires gênés, échanges de banalités, prise de rendez-vous maladroite... Sharper suit bien les étapes de la rom com universelle.

Pour couronner le tout, on a même le droit à la séquence qui retrace les débuts de leur relation qui semble parfaitement bien se dérouler, peut-être trop bien. Là où la comédie romantique s'attarde plus sur la construction du couple et les premiers obstacles ou désaccords, tout semble bien trop beau pour Tom et Sandra. On se rappelle alors du carton apparu en introduction du film qui donnait la définition du mot sharper, "celui qui vit de son intelligence". Et si quelque chose clochait ?

 

Sharper : Photo Briana Middleton, Justice SmithThis is presque a love story

 
Alors qu'une perturbation vient troubler cette relation apparemment parfaite, soudainement, la comédie romantique laisse place au thriller. L'ambiance change, les couleurs s'assombrissent et la musique de Clint Mansell (Requiem for a Dream, Black Swan) apporte une bonne dose d'angoisse.

Sharper devient un film d'arnaque, un film qui raconte les ficelles d'un coup monté, mais pas seulement. Le but n'est pas de découvrir comment l'arnaque a été préparée, comme dans un film de braquage par exemple, mais plutôt de découvrir qui est à l'origine de l'escroquerie. Ainsi, on pourrait presque considérer Sharper comme un whodunit, le tueur étant remplacé par l'arnaqueur originel, celui qui a corrompu tous les autres.

 

Sharper : Photo Julianne MooreLes apparences sont souvent trompeuses


Les rouages d’une arnaque

Cette supercherie, dont on gardera les tenants et aboutissants secrets ici, a donc lieu au début du film. Comme pour n'importe quelle histoire qui débuterait par la fin, il sera donc question de retracer les événements qui ont mené à cette fameuse arnaque. Sharper est ainsi principalement constitué de flashbacks, mais pas uniquement, et heureusement.

La chronologie des péripéties est plutôt complexe et c'est bien l'objectif du film. Sharper est divisé en chapitres centrés sur les différents personnages qui ont eu un rôle majeur dans cette escroquerie. Si l'idée semble maligne, ce chapitrage est finalement très artificiel et n'est pas vraiment respecté, les personnages étant tous liés d'une manière ou d'une autre.

 

Sharper : Photo Justice Smith, Julianne MooreHyper "mindfuck" comme disent les jeunes



Quitte à réserver des chapitres aux personnages, ces derniers auraient pu se voir gratifier d'un peu plus de consistances. Il est d'ailleurs assez regrettable d'avoir donné comme simple motivation l'envie de s'enrichir à ces personnages manipulateurs. Même si l'on passe près de deux heures auprès d'un trio intrigant, leurs intentions ne seront jamais clairement évoquées. Si Sebastian Stan et Julianne Moore sont très bons, on retient surtout la performance de Briana Middleton, une petite étoile qui mérite de monter.

Toutefois, malgré ce chapitrage qui manque de finesse, Sharper se rattrape formellement grâce à sa composition en puzzle. Différentes chronologies et différents points de vue se confrontent dans le but de laisser le spectateur remettre les pièces dans le bon ordre. Si vous lancez Sharper pour vous reposer, vous avez sûrement choisi de regarder le mauvais film, car il demande une certaine concentration.

 

Sharper : Photo Sebastian StanLe Soldat de l'hiver l'arnaque


Qui croire ?

Les plus malins diront qu’ils avaient tout compris depuis le début bien sûr, mais Sharper essaie vraiment de troubler le spectateur en ajoutant sans cesse de nouveaux éléments (sûrement trop) qui viennent remettre en question les précédents. Pas assez tordu pour être considéré comme un thriller psychologique, et pas assez léger pour être un véritable whodunit, le film s'amuse tout de même à brouiller les pistes et nous faire douter de tout.

Sharper ne se conclut pas une fois que l’arnaqueur originel s’est fait connaitre, car les couches ne cessent de se superposer. Quand on pense avoir résolu l'affaire, un nouveau détail s'ajoute puis un autre, et encore un autre, si bien qu'on se demande si l'objectif n'est pas seulement de nous surprendre bêtement.

 

Sharper : Photo Julianne MooreManipul-actrice


On parle souvent de narrateur non fiable dans la littérature pour qualifier un narrateur dans un roman écrit à la première personne qui ne serait pas une source sûre d'information. Ici, bien que le récit ne soit pas agrémenté d'une voix-off et donc d'un narrateur, on est tout de même tenté de croire, du moins au début du film, un personnage en particulier parmi les autres.

Mais au fil des supercheries, le spectateur ne peut plus se ranger du côté d'un seul personnage dont il connaitrait les motivations et dont il ne pourrait douter de la sincérité. L’arnaqueur est arnaqué et nous, on ne sait plus qui croire. Finalement, Sharper tombe dans les travers du film à twist avec le fameux montage qui vient nous révéler qu’on se trompait depuis le début, tout ça malgré de bonnes idées de mise en scène et une forme kaléidoscopique stimulante.

Sharper est disponible sur Apple TV+ depuis le 17 février 2023 en France

 

Sharper : Affiche française

 

Résumé

Sharper est un film bien ficelé à la mise en scène impeccable et formellement intrigant, mais dont le scénario reste assez convenu. S'il est loin d'être une proposition malhonnête, Sharper aurait pu être encore plus malin et surtout plus amusant, car il avait tout pour l'être.

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Lecteurs

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commentaires
Wooster
19/02/2023 à 10:35

Je suis très client de ce genre de films, mais là j’ai été déçu. Le film se laisse voir, mais on devine tous les twists, à tel point qu’on se demande pourquoi les personnages eux mêmes ne les voient pas. Pour que ce type de film fonctionne, il faut une mécanique parfaitement huilée, hors ici le scénario est un peu lache.

Loozap
18/02/2023 à 23:24

Seulement à voir la bande d'annonce j'aimerai vraiment le voir

Tranchk
18/02/2023 à 05:26

Un scénario intéressant mais trop de twists. Des personnages pas du tout développés avec des motivations donc beaucoup trop simplistes (tout ce qu'il ne faut pas faire dans un film avec des arnaqueurs).
Les personnages interprêtés par Juliane Moore et Sebastian Stan sont, du coup, totalement antipathiques (ce ne sont même pas des anti-héros, ils sont purement détestables). Ce à un point tel qu'on sent venir le dernier twist (qui est sensé être le "plus gros").

La fin est néanmoins relativement satisfaisante mais c'est au prix d'un scénario bien tordu sous certains aspects (encore une fois parce que les personnages ne sont pas développés) et, à la lumière de ce qu'on apprend à la fin du film, une relative incohérence dans la relation entre les persos de Max et Madeline.

Quelques questions sont laissées en suspens. J'espère sincèrement que ça ne fera pas l'objet d'une suite ou d'un préquel parce que ça concerne les deux personnages cités plus haut...

En résumé, un film finalement assez décevant qui l'aurait moins été si les persos avaient été développés (et c'est assez incompréhensible qu'ils ne le soient pas)

saiyuk
17/02/2023 à 16:07

Sebastien Stan, sa carriére hors MCU est trés interessante, j'aime bcp

Morcar
17/02/2023 à 11:22

La bande-annonce est assez tentante, et c'est le genre de film qui me plait quand c'est bien fait, même si ça reste classique. Donc je ne vais pas tarder à y jeter un oeil.

Si je ne me trompe pas, c'est le premier long métrage du réalisateur qui avant ça oeuvrait sur des série TV (dont "Andor", que j'ai trouvée plutôt bien faite), donc à ce niveau là aussi a doit être intéressant à voir.

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