Quelqu'un que j'ai bien connu : critique de Saint Valentin sur Amazon

Une affaire de couple

Dave Franco et Alison Brie, partenaires à la ville depuis plus de dix ans, tuent manifestement leurs dimanches soir en écrivant ensemble des scénarios que monsieur réalise et madame interprète. Le premier, révélé dans la neuvième saison de Scrubs puis au cinéma avec les populaires 21 Jump Street et autres Insaisissables, continue de se faire la main après avoir emballé The Rental en 2020, un home invasion assez oubliable dans lequel apparaissait déjà sa compagne.

Tous deux sont également producteurs exécutifs de Quelqu'un que j'ai bien connu, dont l'idée leur est venue en exhumant un vieil enregistrement vocal. Dans celui-ci, Brie Larson crie son amour pour son partenaire avec un transport caractéristique tant de l'état de grâce sentimental que de la désinhibition alcoolisée. Cette scène touchante d'authenticité, susceptible de parler au plus grand nombre, est fidèlement recréée dans le film.

Promising young woman

Mais de la même manière que les vidéos de votre enfance, aussi chargées émotionnellement soient-elles, n'intéresseront jamais ceux à qui vous les infligez autant que vous, grand était le risque de rester englué dans une démarche nombriliste. Heureusement, Franco et Brie ont la bonne idée de transformer l'archive en balise temporelle, qui permet de mesurer le chemin accompli depuis par chacun... qu'ils soient encore ensemble (comme eux) ou non (comme leurs héros).

Alison Brie donne de sa personne, y compris physiquement avec des scènes de nu pleinement justifiées, dans ce rôle de journaliste en plein doute. Si elle a fait forte impression dans Glow et Community, joué pour Spielberg ou son beau-frère James Franco dans The Disaster Artist, elle est aussi abonnée aux comédies romantiques (Célibataire, mode d'emploi, Save the date) et se montre à son aise dans un projet taillé pour elle. Hélas, son portrait de droguée du travail speedée, qui ne trouve guère à s'épancher qu'auprès de son chat (ou de son reflet dans le miroir façon Le Huitième Jour), manque cruellement d'originalité.

Alison brille par son engagement

Un air si familier

Et c'est bien le problème : la première partie enfile les tropes scénaristiques comme des perles. La citadine ambitieuse qui revient dans son village bordé de résineux pour redécouvrir les bonheurs simples et les vraies priorités de l'existence renvoie à la louche à 80% des téléfilms du genre.

Évidemment, Quelqu'un que j'ai bien connu prend la voie d'une romance contrariée lorsqu'elle y retrouve son ex interprété par Jay Ellis (Escape Game) sur le point de se marier. Contretemps, jeu du chat et de la souris, obstacles convenus... si le film ne se montre pas trop mièvre et s'épargne la carte crispante des non-dits imbéciles, les premières bobines s'apparentent à un archétype synthétisé par ChatGPT.

Now and then I think of when we were together

Certes, le film cite explicitement Le mariage de ma meilleure amie pour (se) prouver qu'il est conscient de ces facilités, mais pointer les codes du doigt ne suffit pas à rendre le pastiche captivant ni conférer un vrai souffle à ce début laborieux.

Qu'il se conforme aux attendus du genre ne constituerait pas un problème en soi s'il savait épicer sa formule. Hélas, l'humour tombe complètement à plat, alternant les blagues de cul ou de vomi aussi gênantes dans la diégèse qu'en dehors. Même l'amorce de rivalité amoureuse ne pousse pas assez les potards du vachard pour se transformer en jeu de massacre par humiliation interposée.

Brie garantie Franco de port

American soror story

Mais après de trop longues minutes à suivre un sentier mille fois foulé, le scénario parvient quasiment au point auquel il aurait pu s'achever et entame sa bascule décisive. Alors seulement transparaît son véritable enjeu, plus moderne et moins grossier que redouté : la rivalité amoureuse vire à la sororité.

La relation entre l'héroïne et la future épouse campée par Kiersey Clemons (prochainement dans The Flash) prend une inflexion bien plus nuancée. Plutôt que se combattre, les deux femmes assument que leurs intérêts divergents ne les empêchent nullement d'être simultanément alliées et modèles l'une de l'autre.

Quand ta vanne sur Jeremy Renner ne tombe pas au meilleur moment

Dès lors, on comprend qu'on assiste non pas à l'opération de récupération puérile d'un homme, mais à une reconquête personnelle, où le love interest compte moins que la trajectoire d'une héroïne contrainte de faire le point sur sa carrière, ses choix et ses aspirations. Même l'attendu baiser final est subtilement détourné.

Quelqu'un que j'ai bien connu devient alors le portrait touchant d'une femme qui s'émancipe de ses propres illusions. Dommage que le film ne se déleste pas par la même occasion de son humour raté et de ses problèmes de rythme, qui nuisent fatalement à l'investissement émotionnel du spectateur.

Quelqu'un que j'ai bien connu est disponible sur Amazon Prime Video depuis le 10 février 2023