Pinocchio : critique qui a la gueule de bois sur Disney+

Déborah Lechner | 8 septembre 2022 - MAJ : 09/09/2022 13:56
Déborah Lechner | 8 septembre 2022 - MAJ : 09/09/2022 13:56

Avec le nouveau Pinocchioréalisé par Robert Zemeckis et sorti directement sur Disney+, la liste des remakes des classiques de Disney en prises de vues réelles continue de s'allonger. Celle des échecs artistiques de la compagnie aussi. Attention spoilers !

UN VRAI CAGEOT

Comme pour La Belle et la Bête, Aladdin ou Le Roi Lion, il était difficile de ne pas questionner d'emblée l'intérêt de ce nouveau Pinocchio. Après visionnage, il est encore plus difficile de lui trouver un semblant de légitimité ou d'intérêt étant donné que le long-métrage ne porte aucune ambition artistique qui aurait pu justifier son existence.

Pour commencer par le plus fâcheux, les images de synthèses sont médiocresJiminy Cricket étant aussi laid que les sauterelles de 1001 Pattes. Pinocchio, de son côté, passe difficilement pour un vrai pantin en bois – quand bien même le film tente d'en recréer les textures – et ne semble donc jamais palpable ou réel, ce qui était logiquement le but.

 

Pinocchio : photoSans parler des échelles foireuses

 

Les incrustations sont quant à elles tout aussi déplorables, notamment quand Geppetto se risque à prendre Pinocchio dans ses bras, ce qui est assez pénible pour rendre leurs échanges authentiques ou témoigner d'une vraie complicité à l'écran. Leur relation filiale étant un des principaux facteurs émotionnels de l'histoire, la nouvelle version se retrouve ainsi privée de chaleur et de douceur, ce qu'on attend généralement d'une adaptation de contes pour enfants. Les jeux de mots sur Chris Pine et autres anachronismes n'ont pas non plus aidé à renouer avec l'ambiance féérique escomptée.  

Plus globalement, le film a  l'air d'avoir conscience de ses lacunes techniques et essaie donc de les pallier en abaissant son niveau d'exigence et en contournant les obstacles de façon grossière. Le cas le plus flagrant est celui de Figaro, l'adorable petit chat caractériel qui sert de ressort comique dans le chef-d'oeuvre de 1940 et y apporte une touche supplémentaire de tendresse.

En plus de ne plus être drôle ou attendrissant, le félin iconique est devenu un accessoire encombrant que la caméra évite d'approcher de trop près et qui apparaît souvent dans des plans larges ou de dos pour minimiser les dégâts. L'autre astuce de cache-misère est de limiter au maximum ses interactions avec Pinocchio, Geppetto et Cléo, le poisson qui a donc trouvé le moyen d'être encore plus inutile que dans le film d'animation. 

 

Pinocchio : photoCette scène sans saveur reprise du classique aurait dû mettre Figaro au premier plan

 

FIDÈLE, SAUF QUAND C'EST TROP GALÈRE DE L'ÊTRE

Sans surprise, Pinocchio est très, voire trop, fidèle au film d'animation dont il est tiré, reprenant le gros de son iconographie pour mieux l'asseoir dans l'imaginaire collectif, mais aussi la plupart de ses gags burlesques et plusieurs lignes de dialogues, souvent à la virgule près. Au-delà d'être stérile sur le plan créatif, la volonté de calquer le classique vole en éclat dès que le moindre défi visuel s'impose.

Certaines scènes ont ainsi été modifiées, très certainement parce qu'elles auraient été trop complexes à transposer, par exemple la séquence en mer qui était la plus mémorable et spectaculaire du film d'animation. Plutôt que de faire plonger Pinocchio au fond de la mer et de traverser la faune sous-marine pour retrouver Geppetto, le pantin fait du kitesurf tracté par une mouette sur un océan numérique aussi artificiel que tous les autres décors et paysages. Mais vu la tête de Jiminy Cricket, de Figaro, Cléo et de la mouette (qui parle, sans aucune raison), il était peut-être préférable de nous épargner d'autres créatures en CGI. 

 

Pinocchio : photo"Comment faire pour ne pas trop se casser la tête ?"

 

La présence de Robert Zemeckis promettait peut-être de la cinématographie et de la sensibilité artistique, mais ce ne sont pas les trois ou quatre mouvements de caméra amples et aériens du premier acte qui peuvent faire illusion. Une scène comme le spectacle de Stromboli aurait, par exemple, mérité plus d'inventivité et de folie, et non un montage scolaire collé à une réalisation statique, sans envergure ni plus-value.

La séquence la plus sabotée et la moins pardonnable reste celle où Geppetto et Pinocchio sortent de la gueule de Monstro, transformé on ne sait pourquoi en monstre marin avec des tentacules.

 

Pinocchio : photo, Tom HanksDes effets qu'on croirait inachevés

 

La réalisation et la mise en scène auraient dû prendre de l'ampleur pour traduire toute la détresse, le désespoir et la nervosité de ce moment qui avait tout d'un terrain de jeu pour un cinéaste. À la place, la scène dénuée de tension se déroule sous un ciel légèrement voilé, avec un Monstro à peine plus impressionnant ou dangereux et un Pinocchio transformé en Sonic.

Seule exception : le passage sur l'Île Enchantée où la direction artistique se fait plaisir et propose enfin quelque chose de démesuré et d'un peu excitant à l'oeil. La scène est intelligemment étirée et s'attarde sur la prise de conscience de Pinocchio, dont le paradis promis se transforme en enfer (où les enfants ne fument plus d'ailleurs). Ce n'est pas exceptionnel, mais vu le niveau général, on se raccroche à n'importe quelle branche, aussi mince soit-elle. 

 

Pinocchio : photoDans le noir c'est déjà mieux 

UN EFFORT, MAIS PAS ASSEZ

Au-delà des modifications qui trahissent sa paresse, le film prend quelques libertés scénaristiques qui ne seraient pas dépourvues d'intérêt si elles s'intégraient mieux au récit et à la narration. Au début du film, Geppetto fait comprendre qu'il a perdu sa femme et son fils, dont il s'est inspiré pour créer Pinocchio. Ce deuil qu'il n'a jamais vraiment réussi à faire aurait donc pu accentuer le ton dramatique et pathétique de l'histoire, mais les sentiments et autres tourments du sculpteur sont à peine effleurés. De fait, ils ne trouvent aucune résonnance avec le reste du conte, en particulier son dénouement. 

Dans le classique, après avoir été sauvé de la noyade, Geppetto retrouve Pinocchio inconscient et pleure sa perte avant que la Fée ne le ramène à la vie. Reprendre cette scène aurait donc pu la rendre immensément plus tragique et larmoyante étant donné le passé déjà déchirant du vieil homme, mais le film a choisi d'inverser les rôles. Forcément, l'intensité du moment s'en retrouve diluée, et par répercussion, le beau discours de fin de Geppetto sur l'acceptation perd lui aussi toute sa force.

 

Pinocchio : photoAu moins, c'est la fin
 

Pour enrichir la quête initiatique de Pinocchio, le scénario a également voulu qu'il expérimente l'amitié et apprenne à faire confiance aux bonnes personnes après avoir appris à se méfier des mauvaises. L'idée n'était pas bête, mais son exécution est ratée, là aussi. Ce nouvel élément est exploité et personnifié à travers Sabina et sa danseuse en bois, qui est aussi peu palpable que Pinocchio alors qu'elle devrait être encore plus réaliste. La jeune femme n'a quant à elle aucune caractérisation ni aucun impact sur le déroulé des événements, étant donné que l'histoire ne s'intéresse à elle qu'en surface.

Il ne reste donc de Pinocchio que quelques miettes d'intention ratées et beaucoup d'occasions manquées d'enrichir et d'embellir le conte tel qu'imaginé par Disney.

Pinocchio est disponible depuis le 8 septembre 2022 sur Disney+

 

Pinocchio : affiche française

Résumé

Pinocchio est une nouvelle démonstration du nivellement par le bas opéré par Disney, plus occupé à remplir le catalogue de sa plateforme de streaming qu'à retrouver ses lettres de noblesse.

Autre avis Arnold Petit
Comme une marionnette que Robert Zemeckis agite désespérément dans tous les sens, Pinocchio est un contenu sans âme qui représente le néant artistique et la mort de tout ce qui faisait la magie de Disney.
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commentaires
Solo seul
17/10/2022 à 17:24

Mais quelle déception ! Je l'ai enfin vu hier soir en m'obligeant à me faire la soirée dessus car cela fait plusieurs fois que je remet ça à plus tard ! Bon ben déjà dès le début le monologue monocytes du même Jiminy passé et futur se parlant sur la même ligne de temps m'a paru très dérangeant d'un point de vue psychiatrique pour les enfants. Le début commence et c'est une agréable surprise mais dès la rentrée des classes de Pinocchio quelque chose ne va pas ! dans le décors déjà avec un faux raccord d'un livre au sol qui change de place à chaque plan (bizarre quand même) et cette superposition entre Tom Hanks et le pantin sur des décors extérieurs que lorsqu'il le serre dans les bras pique les yeux. Ça ne fait pas réel pour un film qui se veut en prise de vue réelle. Puis le film est bizarrement trop rapide que le dessin animé de 1940 comme s'il avait des délais à tenir et des coupes semblent être effectuées par rapport au dessin animé.
Ça se voit que le département FX n'a pas eu le temps de finir car les dernières scènes du film notamment la poursuite de monstro "la baleine" est la pire horreur que j'ai vu sur ce genre de film jusqu'à présent (même Belle et le Clochard avait de plus beaux effets spéciaux et ils ne se voyait pas eux ! Disney en a fait un nauvrage du nauvrage justement et la magie du dessin animé s'est complètement noyée ! Les incrustation dignes d'une ps2 m'ont éclaté la rétine. Voir Geppeto en réel, sur un décor en images de synthèse avec un Pinocchio dont l'image semble collée directement sur la pellicule, en arrière fond en train de battre des échasses dans une bouillie de pixels représentant de l'écume dans un sillage approximatif m'a complètement fait sortir de ma torpeur et je me suis écrié " noooon pas çaaaa ! Ils n'ont pas osé détruire leur film quand même ?". Et bien si ! En témoigne la dernière scène du film bâclée où Pinocchio reste un pantin de bois et ne devient pas un enfant et n'est plus transformé par la fée bleu foncé... plan final le sculpteur et son pantin de bois en pin s'éloigne de la berge main dans la main !
Coupez ! C'est dans la boîte !

Daweb
30/09/2022 à 22:00

Pareil que pas mal de gens, je le trouve graphiquement particulièrement beau. le style, les couleurs, tout est chouette. On ne cherche pas du photoréalisme dans un film comme cela, plutôt de la poésie. et sur le coup c'est réussi.

Les gens sont un peu trop blasés...

Laurent SFN
15/09/2022 à 00:50

Passons les effets spéciaux ultra kitsch, ce qui me gène surtout dans ce Pinocchio, ce sont les bonnes idées mal exploitées :, le besoin profond de paternité d'un Gepetto inconsolable, le rejet social de Pinok (il se fait virer de l'école à coups de pompes à cause de sa différence ce qui le conduit définitivement à s'éloigner du droit chemin), la marionnettiste qui n'apporte pas grand chose même si sa présence amène un peu de fraicheur et quelques sourires. Pinok qui se la joue Sonic, pourquoi pas si c'était amené avec humour et espièglerie mais même pas...

Et puis au final, il est assez sombre et tristounet ce Pinocchio version Zemeckis, avec même des passages assez glauques (les ânes), et même une fin ambiguë. Là où avec le classique de 1940, on ressort toujours du visionnage avec des larmes de joie, ici on a plutôt envie de se mater une bonne comédie fendard juste après pour digérer tout ça.

Bref plus qu'à attendre la version Netflix de Guillermo pour comparer...

Terryzir
14/09/2022 à 03:14

@Sophie35
Il y a du "racisme primitif inconscient" dans Pinocchio ? Si j'avais su... ça c'est de l'analyse !
Et pourquoi pas y déceler aussi de la transphobie tant qu'on y est ? Bah oui, pourquoi Pinocchio se définit absolument comme un garçon ? Quelle idée !
Satané système androcène oppresseur patriarcal cisgenre raciste et spéciste qui adore les barbecues...
Plus sérieusement : ni le premier Disney, ni cette bouse numérique n'égalent la mini-série de 1972 de Luigi Comencini, avec Nino Manfredi dans le rôle de Geppetto et la superbe Gina Lollobrigida en fée bleue.
Cette version en 6 épisodes assez glauque se rapproche de la noirceur du conte originel de Carlo Collodi (encore un homme blanc !), dans lequel Pinocchio est un sale gosse qui finit pendu... mais sauvé in-extremis par la fée !

Briaros
11/09/2022 à 09:01

Je dirais aux abrutis par rapport a votre racisme de merde, si par hasard Disney + envisage de réaliser un film live action de l’animation " la princesse et la grenouille " j’espère qu’ils mettront une actrice bien blanche pour incarner Tiana, juste comme ça pour voir les commentaires et les critiques a la con !

Kobalann
11/09/2022 à 04:11

@sophie (35)
"Garder votre racisme primitif inconscient"
C'est quoi un racisme primitif inconscient ?

Nan mais faites vous soignez c'est pas possible !!

Oliv44
10/09/2022 à 19:12

Le problème Sophie (35) c'est que bcp d'adultes on a problème au fait de conserver leur âme d'enfant ...

Sophie (35)
10/09/2022 à 12:21

On ne juge pas un film en le comparant à un autre, on doit juste se demander si c'est un bon film ou non. Je ne vois pas l'intérêt de reproduire la même chose que le n°1, dans ce cas on l'avait déjà et ce n'était pas la peine d'en faire un.
Même si certaines scènes ne respectent pas tout à fait le scénario du conte original, le scénario est équilibré, le rythme pas trop rapide (rare de nos jours) et cette fin est la meilleure à mes yeux.
Au contraire de ce que dit l'article, la petite marionnette noire et son humaine ont le rôle important de montrer l'espérance et l'humilité.
C'est aussi la 1ere fois qu'on voit une fée noire et c'est une bonne chose. Car tous les contes anciens qu'on transforme en films ne sont faits que pour les blancs, or il en faut pour tous les goûts... et les couleurs.
Il ne faut pas rester accroché au souvenir de notre enfance, surtout si c'est pour garder un racisme primitif inconscient. Garder une âme d'enfant, ce n'est pas ça : c'est être capable d'apprécier un film pour enfants avec un regard neuf, comme le font les enfants.
L'histoire de Pinocchio est avant tout une histoire qui montre ce que les enfants doivent savoir, il y a tant à en dire et cette version 2022 montre assez bien l'essentiel, tout en valorisant de nouveaux aspects.
Comparer à la version 1 de 1940 est inutile et immature car ça vient du refus de comprendre les humains de NOTRE époque et leurs besoins.
Oui la version 1940 est un bon film, mais la version 2022 aussi. On n'est pas obligé de montrer Figaro comme en 1940, et pourquoi on ne montrerait pas une mouette qui parle ? Il y a bien un albatros qui parle dans Bernard et Bianca ! Les enfants le savent très bien, apprenez donc à vous mettre vraiment à leur place et vous pourrez dire que vous avez gardé une âme d'enfant.
Quelqu'un a justement dit que ce film ne plaira qu'aux enfants : CQFD...

JV
10/09/2022 à 11:46

Mitigé, parfois beau, parfois moche, les modifications par rapport au dessin animé totalement inutiles et même mon gamin de 5 ans qui n’a jamais vu le DA, s’est exclamé :  «  non, non ça c’est pas possible » en voyant notre petite marionnette faire de kitesurf avec la mouette. Beaucoup trop de CGI inutiles… pas foutu de faire un bord de plage avec Gepetto échoué et de l’eau naturelle… parfois les effets spéciaux passent très bien, mais pour la majorité c’est une catastrophe, l’île aux plaisirs c’est un condensé de tout ce qu’il ne faut pas faire, le passage avec Monstro ça pique les yeux tellement c’est mal fait, nos personnages éjectés sur leur bateau sur une eau digne d’une Nintendo 64, le bateau on ne sait pas si c’est un bateau ou une savonnette, ou un truc collé par-dessus, la fée bleue sans commentaires… dommage car le pantin de Pinocchio je le trouve assez réussi, manque un peu de texture pour le rendre plus palpable mais au moins il est fidèle au DA et la voix est parfaite, par contre Tom Hanks quel naufrage…

JohnmEdit87
10/09/2022 à 00:03

J’en n’attendais et je suis quand même déçu. Déçu de voir la fée, le renard et le chat sous-exploités. Et déçu qu’une mouette ait plus d’importance que ces 3 là réunis.
Et ils ont bien pompé Pinocchio et l’Empereur de la nuit. Dessin animé assez obscur mais il y a de gros « détails » qui me donnent cette impression

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