Kung-Fu Zohra : critique d'une sainte mandale

Simon Riaux | 10 décembre 2022 - MAJ : 12/12/2022 09:52
Simon Riaux | 10 décembre 2022 - MAJ : 12/12/2022 09:52

Zohra doit composer entre un travail ingrat, l'éducation de sa fille et la cohabitation avec un époux dont la violence l'écrase chaque jour un peu plus. Jusqu'à ce qu'elle fasse la rencontre d'un sifu de choc, qui va réveiller la combattante qui sommeille en elle. Alors qu'on ne l'attendait pas spécialement, Kung-Fu Zohra réalisé par Mabrouk el Mechri, avec Sabrina Ouazani et Ramzy Bedia, pourrait bien infliger une salvatrice mandale au tout-venant de la production hexagonale.

ZOHRA VAN DAMME

Découvert avec l’iconoclaste JCVD, perdu pour la cause hollywoodienne suite à Sans issue, Mabrouk el Mechri s’en est allé fourbir ses armes du côté des séries avec Maison close puis Nox. À la manière de son héroïne Zohra, il nous revient gonflé à bloc, avec un récit d’émancipation aussi furibard et mutant que le furent ses deux premiers longs-métrages. En effet, dans Kung-fu Zohra, il suit le parcours bastonnant d’une jeune femme décidant soudain de s’émanciper du quotidien et du parcours qui fit d’elle une femme battue, pour mieux jouer des poings et se libérer. 

Sur le papier, le programme a de quoi faire tiquer, tant il prête le flanc aux écueils de l’inconséquence ou de la sortie de route involontaire. Marier un récit de vie s’étalant sur plusieurs années, une quête initiatique et libératrice, la chronique du quotidien oppressant d’une femme battue, le tout revisité à l’aune du cinéma martial des années 70, mais aussi de ses nombreux échos ou caricatures bis, relève d’une ambition tant de conteur que de cinéphage à même de donner le tournis. C’est d’ailleurs la limite évidente du long-métrage. Généreux en diable, il lance ainsi au gré de ses quarante premières minutes quantité de pistes, d’idées, qu’il ne peut toutes mener à bien. 

 

Kung-Fu Zohra : photo, Sabrina Ouazani, Ramzy BediaUne entente pas si cordiale

 

Chacune des lignes narratives, au demeurant toutes prometteuses ou stimulantes, aurait pu ouvrir sur un récit autonome, si bien qu’on regrette constamment de voir la narration bifurquer vers une nouvelle étape, un nouveau terrain de jeu. Ainsi, pour apprécier cet ensemble foisonnant, faudra-t-il accepter qu’à force de surpuissantes embrassades, il étreigne mal et bien trop souvent.

Ces nombreux à coups ne seront rattrapés que par l'investissement des comédiens, tous deux formidables dès lors qu'il s'agit de nuancer ou de casser les ritournelles que leur connaît le spectateur. Réputée pour sa gouaille tellurique, Sabrina Ouazani la troque pour une intériorité écrasée, doublée d'une combativité hors-normes, quand Ramzy Bedia, qui n'en est pas à sa première embardée hors du champ comique, compose avec une aisance terrible un salaud à sang froid. Tous deux permettent souvent de masquer les impasses d'une structure narrative trop dispersée. 

 

Tien Shue : photo, Kung-Fu ZohraUn atout maître

 

TAPE AND REVENGE

Mais cette limite évidente ne doit pas priver de l’énergie contagieuse, radicalement singulière au sein du cinéma français, qui se dégage de Kung-fu Zohra. Mabrouk El Mechri est un cinéphile impénitent, et chaque photogramme en témoigne avec une évidence qui ne peut qu’ouvrir l’appétit du spectateur.

De son ouverture en mode Cinema Baston Paradiso, au surgissement absurde, mais également profondément candide, d’un vieux maître chinois dans la banlieue française, sans oublier une déferlante de coups sauvagement inventive dans son dernier tiers, on est constamment abreuvé d’un inconscient de cinéma qui se mue progressivement en raz-de-marée jubilatoire. 

Est-ce à dire que le réalisateur aborde légèrement le fond de son scénario, à savoir les violences conjugales ? Certainement pas, tant la description des mécanismes de la violence masculine et l’apparente capitulation de son héroïne sont décrites avec sérieux, sincérité et intelligence.

 

Kung-Fu Zohra : photo, Sabrina Ouazani, Ramzy BediaOpération dragonne

 

Des enjeux complexes, qui s’allient avec la grammaire du kung-fu au cinéma, et notamment un travail du son conséquent. Ce dernier, conçu comme un hommage aux glorieuses tatanes de Bruce Lee, pourrait désamorcer la violence, ou, plus littéralement l’impact des scènes d’affrontement, si le cinéaste n’avait pas préalablement blindé le traitement de la violence intime que son personnage principal subit. En l’état, il ajoute une couche de richesse, de vie et d’élan, à cette proposition détonante. 

Enfin, Mabrouk El Mechri n’est pas le dernier manchot caméra en main. S’il la garde peut-être un peu trop souvent portée, il compose ses cadres avec rigueur et veille à toujours faire passer le sens de ses séquences en priorité par l’image. Une rigueur qui permet à la pluie torrentielle de références de ne jamais, ou presque, être reçues comme autant de diversions ou de clins d’oeil, mais plutôt un sous-texte euphorisant, qui fluidifie et rend cristallin une histoire aux multiples facettes.

Et quand enfin les personnages se tapent en travers de la tronche, on assiste à un festival de mouvements de caméra, de travail chorégraphique, qui transforment Kung-Fu Zohra en un duel enlevé, imprévisible et, c’est ce qui lui permet d’emporter ce morceau, unique. 

 

Kung-Fu Zohra : Affiche officielle

Résumé

Un récit détonant, qui part trop fréquemment dans trop de directions pour tenir toutes ses vigoureuses promesses, mais qui étonne, voire impressionne, sitôt qu'il se repose sur l'action menée par ses deux formidables interprètes.

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commentaires
Sanchez
10/12/2022 à 20:46

Sympa mais ce aurait pu être bcp mieux . Bcp de choses pas assez exploités et un manque de Baston

Greg67
15/09/2022 à 16:46

J'ai souffert tout le film en espérant un final en apothéose mais c'était de pire en pire.


08/08/2022 à 02:29

Lorsque j'avais lu le synopsis de ce film, je me suis dit: pourquoi pas? De plus, des acteurs d'origine maghrébine , ça pourrait être intéressant. Si en plus on peut évoquer le fait des violences conjugales et montrer une femme qui botte les fesses de son salaud de mari, super! Hélas, on est loin de tout ça et on est vite déçu par ce grand n'importe quoi. On atteint le comble du ridicule avec un combat de kung-fu à la fin. Dommage que ce film n'ait pas tenu ses promesses.

Jason Bourne
16/06/2022 à 23:25

Une bonne surprise... mais presque un gâchis. Tu pars pr une comédie, un drame familial au milieu et du kung-fu à la fin... Au final, tu n'as rien de spécial à raconter. Enlève le côté sympa du début et tu peux avoir un film solide. Et les réals français, juste regardez Gareth Evans pr la baston, pour que tout le monde s'amuse, pas besoin de faire du "Raid", le "bon Apôtre" suffit largement...

La chat machine
21/03/2022 à 06:14

Ben à ma grand surprise c'était bien cool, à ceux qui font les vierges effarouchées, je ne vous ai pas entendu lors de la sortie de taken, et pourtant la communauté décrite dans ce film en prend vraiment plein la gueule, donc l'imagerie communautaire c'est vraiment à géométrie variable.

Tengaar
14/03/2022 à 13:46

Personnellement, j'ai adoré ce film que je trouve drôle et intelligent et bien fait et j'ai beaucoup aimé l'actrice principale.

Big poppa
13/03/2022 à 18:04

Ahh j'ai oublié... Prendre sur l'affiche du film... Le fond jaune des films de Bruce Lee... C'est une HONTE... C'EST SCANDALEUX DE GÂCHÉ ET DE FAIRE ÇA.

Big poppa
13/03/2022 à 18:00

Bon..., les gars arrêter de vous prendre la tête.. Les gens qui disent que ce pseudo "film" est bien connaissent rien au cinéma et savent encore moins ce que c'est qu'un film qualitatif. Moi je suis arabe et marocain et je le dit sans problème.. Ce truc est 1 navet pure et dure.. C'est désastreux ça mérite même pas une vision ou une critique, c'est pas du cinéma... Les gens qui payent 13e pour aller voir ça... Sincèrement c'est de la débilité.. Sabrina ouazani est encré dans les comédies degeu de France comme dhab c'est une actrice atroce et Ramzi... Pfff je préfère même pas en parler, il aurait du s'arrêter aux spectacles avec Éric parce que la c'est pathétique.
C'est donc dans ce genre de comédie horrible que les français ose les effets de spéciaux, non mais c'est une blague.. C'est quoi cette merde qui n'a ni queu ni tête, je ne sais même pas si on peux qualifier ce film... Bref, le cinéma français devrait arrêter les frais.. Et au lieux de se poser des questions sur le budget ou les coûts de productions ils devrait privilégier LA QUALITÉ ARTISTIQUE AVRC 1VRAI SUJET ET DES VRAIS ACTEURS !!!!!!

The insider38
10/03/2022 à 20:06

Kulem:

Alors ok , je te présente mes excuses et aux autre d’ailleurs, je nuancerai mon propos à l’avenir afin de garder le débat cinéphile a niveau. Juste , je me suis juste fait insulté ici et gravement, car j avai trouve. No way home bien , et je le revendique, mais j aime aussi Godard, zulawsky, enfin bref des choses beaucoup plus pointu.
Donc le mec je le clashe direct.

Concernant Sabrina Ouazani, j ai eu la chance d’échanger plusieurs fois avec elle , c est tout sauf l’étiquette qu’on lui colle, simple , drôle, pleine de bienveillance, et ayant. Beaucoup aimé ce dernier film, j’ai envie de la soutenir , car je sais qu il va bider , vu comment il est vendu et distribué, au profit de bourdon ( que j adore au deumeurant , mai devrait prendre plus de risques) franchement permis de construire, je peux plus .

KULEM
10/03/2022 à 15:49

@the insider38
Ecoutes , ca fait plusieurs fois que tu me titilles sur plein d autres sujets ou tu prends un malin plaisir a en mettre plein la gueule aux gens qui ne sont pas de ton avis .
Que tu en débattes , moi je suis pour , mais dans le respect .
C'est pas en traitant les autres de tocard , d ignorant et j en passe que tu vas construire un échange constructif
On parle que de cinema , et heureusement .
Regardes Rico il aime pas cette actrice , il a le droit non ?
tout le monde a le droit de pas pouvoir se piffrer quelqu un ?
Il l a pas insulté de sale arabe ou quoi que ce soit? il a meme pas parlé de ca
et y a un gars qui vient sous entendre qu il est raciste , parce qu il a osé dire qu elle venait des banlieues , chose qu elle cultive en effet au travers de son accent et des "oeuvres orientées"dans lesquelles elle joue
Et plutot que de lui dire qu il est pas d accord avec lui, il dit que son supposé raisonnement raciste est minable. Waouh quelle tolérance , quel échange.
On défend la tolérance en étant encore plus intolérant .
Ca me rappelle quelque chose...
Bref je defend pas Rico spécialement ,mais quand on est pas d accord les gars , on en discute , sans s insulter , s invectiver , ce n'est que du ciné , on a tous comme point commun de l aimer..
J'ai pas compris ton charabia sur la liberté d expression , mais si pour toi insulter les gens pas d accord avec toi c'est de la liberté d expression , on va pas aller bien loin dans le débat
Moi je t'insulte aucunement , j essaye d echanger poliment et de la décence j en ai bien plus que toi vu tes commentaires traitant les autres de tocard et autres ...
Après si tu veux qu on s insulte , on peut mais c'est quoi l interet ? on est la pour parler de ciné , on a le droit et heureusement d avoir des gouts et des sensibilités différentes, de détester l un et d adorer l autre .
Que je sache Sabrina Ouazani , c'est pas une proche ? Pq insulter les gens qui l aime pas ?
C'est ca la liberté d expression et de pensée.

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