Vigil : critique redoutable sur Arte

Lino Cassinat | 20 janvier 2022
Lino Cassinat | 20 janvier 2022

On ne peut pas dire que le film de sous-marin soit le genre le plus prolifique du monde - on pourrait même parler de niche à ce niveau-là. Dommage, car elle a accouché de belles oeuvres : Le Bateau, À la poursuite d'Octobre Rouge, Le Chant du loup... autant d'exemple qui nous font regretter sa rareté à l'écran. Heureusement, Vigil, le drame le plus regardé de la BBC en 2021, débarque chez nous sur Arte pour remédier à ce manque, et si elle est loin d'égaler ses ainés, cette mini-série ne déçoit pas.

À LA POURSUITE D'À LA POURSUITE D'OCTOBRE ROUGE

Le Vigil est un sous-marin nucléaire en patrouille. En tant que dispositif clé de la dissuasion atomique britannique, il ne doit jamais s'arrêter, et ne doit quasiment jamais faire surface ou émettre de communication avec l'extérieur pour ne pas risquer de compromettre sa position. Mais une mort suspecte se produit alors que l'engin croise dans les eaux écossaises.

De ce fait, l'enquête est donc confiée à une inspectrice de police civile, Amy Silva, dépêchée sur place via hélicoptère, dont la tâche enclenchera un infernal engrenage géopolitique, entre trahisons d'état, sabotages et menaces nucléaires dans un immense piège de métal à 20 000 lieues sous les mers.

 

Vigil : photoQuand faut y aller, faut y aller

 

Parfois la BBC, c'est génial - essayez de vous en prendre à Peaky Blinders si vous l'osez. Parfois, c'est vraiment super raté - essayez de défendre Dracula si vous l'osez. Et parfois, c'est juste sympathique, mais oubliable - essayez de vous souvenir d'une scène de Bodyguard si vous l'osez. C'est exactement à cette catégorie qu'appartient Vigil, le dernier gros carton de la chaîne diffusé au Royaume-Uni en août 2021 avant d'arriver sur nos rivages.

Le rapprochement avec Bodyguard ne s'arrête d'ailleurs pas là. On pourrait même y voir un léger décalque, peut-être en vue d'achalander un public similaire et de reproduire un succès passé. Les deux séries ont, en effet, pour moteur principal un mystère policier sur fond de contexte politique tendu, qui mutera bien vite en crise géostratégique majeure avant de se transformer une troisième et dernière fois en chasse à l'homme viscérale. Sauf que Vigil a une arme que n'a pas Bodyguard qui la rend plus ludique, inquiétante et prenante : son décor.

 

Vigil : photoIn the Navy, in the Navy

 

Alors, certes, ce n'est pas le sous-marin le plus plausible du monde ni le plus claustrophobe d'ailleurs. Même certains uniformes laissent à désirer et font plus penser à une représentation brouillonne de l'univers militaire. Qu'importe, l'écriture saura régulièrement exploiter avec ce qu'il faut d'intelligence et de finesse ce décor si particulier et intégrer ses contraintes propres à ses péripéties. Le tout en assumant ses références évidentes, et en les conjuguant avec une efficacité certaine, comme un mélange à minima de The Guilty et À la poursuite d'Octobre Rouge.

De sorte que le genre bien rodé de l'enquête policière se retrouve régulièrement mis en difficulté et obligé de trouver de nouvelles manières de raconter son récit, ce qui apporte une légère sensation de saveur renouvelée. Pas d'autopsie à bord, aucune possibilité de mener un interrogatoire en tête-à-tête, ou de communiquer avec sa hiérarchie : notre protagoniste est bien seule et désoeuvrée pour résoudre le mystère et retrouver un tueur qui pourrait se cacher derrière n'importe lequel des cent et quelques visages qui composent l'équipage du Vigil, et la plupart des scènes classiques du style se retrouvent piratés dans leur déroulé.

 

Vigil : photoPas très accueillant ce sous-marin jaune

 

TOUS À BORD DU SOUS-MARIN TRÔNE

La menace est double, sourde et pesante, et à mesure que la gravité de celle-ci augmente, le récit s'enfonce lui aussi progressivement dans une spirale paranoïaque. Et ce, jusqu'à toucher du doigt quelques codes visuels et narratifs du film d'horreur/survival dans une seconde moitié de bien bonne qualité, rattrapant la première un peu plus pépère.

Car s'il y a bien une chose à retenir de Vigil, c'est qu'elle est inégale. Rien qui ne soit foncièrement désagréable dans les moments les moins réussis, mais clairement, nombreuses sont les scènes en dehors du sous-marin où l'on attend que ça passe. On se demande d'ailleurs pourquoi les scénaristes n'ont pas assumé l'immersion jusqu'au bout et installé toute l'histoire dans le sous-marin, tant les sorties apparaissent au mieux comme une distraction et au pire comme une frustration. Les flashbacks en particulier ont vite fait de devenir intrusifs et redondants.

 

Vigil : photoTu ne serais pas dans Game of Thrones toi ?

 

Il faut dire que ces derniers n'ont pas une tâche facile puisqu'ils ont la lourde responsabilité de développer deux personnages principaux absolument vus et revus, et dont on aura donc deviné les tenants et aboutissants en à peu près une demi-seconde. C'est peut-être d'ailleurs la faiblesse principale de Vigil : si l'intrigue parvient à capter l'attention sans trop de peine, aucun personnage ne parvient à s'élever au-dessus de sa fonction dans ladite intrigue - et c'est en particulier vrai pour les deux héroïnes.

La partie émotionnelle est bien fade, et tout ce que l'on retient de ces visages, c'est qu'ils nous ont permis de faire une amusante partie de "qui a joué dans Game of Thrones" - on a repéré trois personnes, mais dites-nous si on en a raté.

 

Vigil : photo-T'as aucun caractère -Ouais, mais moi j'ai joué dans Game of Thrones

 

Certaines péripéties se vivent également comme des passages obligés ou font appel à de grosses ficelles scénaristiques - dont la plupart ne font pas beaucoup de mal, mais dont certaines laissent un peu perplexe. On n'en voudra donc à personne de nous avoir calé l'évidente scène de craquage de matelot menaçant de se suicider devant tout le monde. De même, on s'accommodera volontiers que notre enquêtrice ait évidemment de lourds traumas à digérer, c'est presque le lot de tout personnage policier à l'écran.

Malgré tout, le fait d'avoir envoyé dans un sous-marin la seule flic d'Écosse cumulant claustrophobie ET hydrophobie après un accident de voiture l'ayant précipité au fond d'un lac a de quoi laisser perplexe.

 

Vigil : photoMoi j'étais dans Sex Education

 

QUELQUES VIEUX SOUS LA MER

Si la satisfaction est bien réelle juste à la sortie de Vigil, les heures qui suivent le dernier épisode font tout de même émerger un petit peu d'amertume. Vigil est juste un bon moment vite oublié, alors qu'avec des prémices pareilles et un peu de radicalité esthétique, elle aurait pu vraiment frapper un grand coup. C'est vraiment dommage de s'être arrêté à un travail de réalisation consensuel alors qu'avec plus d'ambition, il y avait moyen de tirer quelque chose de plus qu'un simple prolongement des univers des classiques cités en introduction.

C'est comme si, par sécurité, Vigil se raccrochait à ce qui est certain de fonctionner, alors que de nombreux éléments sont réunis pour que cela roule tout seul. En témoigne notamment l'utilisation de la musique - au demeurant parfaitement laide -, béquille inutile qui appuie parfois très grossièrement certains effets ou certaines situations avec un gros "TOU-DOUM". Comme si chaque réplique clé allait faire gagner le gros lot de Qui veut gagner des millions ou faire virer un participant de Koh-Lanta.

 

Vigil : photoPourquoi être aussi corrompu ?

 

Une utilisation à la truelle qui tire Vigil vers la téloche un peu basique, ce dont on se serait d'autant plus passé que malgré ses évidentes qualités, certains accidents techniques - heureusement très rares - tirent également Vigil vers le bas des créations TV un peu basique. Les quelques effets spéciaux auxquels Vigil est obligé de recourir sont à peu près aussi potables que l'eau de mer qui submerge le chalutier de la pataugeante séquence d'ouverture, et il faudra également fermer les yeux sur ce premier cadavre qui lui, a du mal à garder les yeux fermés et refuse catégoriquement d'arrêter de respirer.

Reste que, le récit à (nombreux) tiroirs fonctionne, que l'escalade des enjeux est fluide et monte crescendo, que chaque fin d'épisode donne envie de lancer le suivant pour avoir la nouvelle pièce du puzzle, le nouveau rouage géostratégique qui va s'emballer, le nouveau piège qui va se déclencher dans la cage de fer qu'est le Vigil.

La cohérence est maintenue tout du long malgré le nombre élevé de rebondissements et les implications sans cesse grandissantes du récit, et la révélation finale du coupable nous a fait lâcher un petit "pas mal". Preuve que le tout fonctionne sans effort. Mais avec plus d'effort, le Vigil aurait pu être le Redoutable. Ainsi va la vie.

Vigil est disponible en intégralité sur Arte.Tv

 

Saison 1 : Affiche officielle

Résumé

Agréable à suivre, Vigil n'en reste pas moins plutôt oubliable. Un bon récit à tiroirs fluide et maîtrisé, mais des personnages inexistants et une réalisation consensuelle. Dommage, de telles prémices combinées à un geste esthétique plus fort et radical aurait sans doute donné une oeuvre marquante.

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commentaires
Valérie34
28/01/2022 à 17:26

Bonjour,
Je trouve le commentaire bien sévère. Personnellement je me suis régalée.
J'aimerais avoir davantage de séries de cette qualité.

Themiscorsica
28/01/2022 à 13:47

Moi j ai adoré, j ai visionné quasiment tous les épisodes à la suite. Du suspense, des bons, des méchants, de l amour, de la Politique, de la guerre froide, des morts inexpliquées, des peurs et la vie dans un sous marin, des lance torpilles servant de tombe.. tous les ingrédients pour une excellente série

Paul
28/01/2022 à 12:52

J’adore les séries britanniques...les françaises, je ne regarde plus.

Papadoc
27/01/2022 à 10:56

Parfois on regarde une série pour se distraire ou parce que l'histoire nous plait ! Vigil remplit parfaitement son Rôle !!

Sylseu
25/01/2022 à 13:21

J'ai adoré, pas déçu par cette série anglaise de qualité, certes grand public, mais c'est une fois de plus qu'Arte se met à notre niveau de spectateurs lambda qui prennent du plaisir à regarder sans trop intellectualiser.

Sanzen.
23/01/2022 à 17:37

Excellente série à suspens, l'actrice principale est excellente aussi et l'intrigue palpitante.;;bravo!

Noise
23/01/2022 à 17:18

L important étant de divertir, cette série a rempli le job ,les acteurs dont bons le suspens au rendez-vous, what else ?!!!
La critique est aisée la création pas donnée à tous ,merci à toute l'équipe du Vigil.

Roooo
23/01/2022 à 09:49

L'article et les commentaires associés se font plaisir à être sévère et sarcastiques, et à en rajouter sans fin.Facile, je trouve le "je me place là, et je dénigre avec volupté. Rien de mieux pour se faire un bon papier sur le dos de la" bête ". C'est plaisant ça fonctionne et les personnages sont attachants. Je vous trouve bien injustes.

eagle4
22/01/2022 à 17:10

Commentaire débile...!!

Rozo
21/01/2022 à 22:56

Moi j'ai beaucoup pris du plaisir à suivre Vigil peut être un peu plus d'éclairage dans les bagarres finales mais on est dans un sous marin ...on passe un bon moment et plus crédible que certaines séries popolicières françaises

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