La Maison : critique merveilleuse sur Netflix

Déborah Lechner | 20 janvier 2022 - MAJ : 20/01/2022 11:11
Déborah Lechner | 20 janvier 2022 - MAJ : 20/01/2022 11:11

Entre deux productions algorithmiques oubliables, Netflix a discrètement ajouté à son catalogue une pépite d'animation baptisée La Maison, un film à sketchs psychédélique produit par Nexus Studios qui regroupe trois courts-métrages de 25 min se déroulant dans une mystérieuse maison. 

Attention : quelques spoilers !

THE HAUNTING OF HILL HOUSE

À première vue, La Maison a tout d'un croisement plutôt incongru entre l'esthétique millimétrée et les décors de maisons de poupées des films de Wes Anderson et l'atmosphère surnaturelle et inquiétante des histoires de Stephen King. Le film d'animation en stop motion est en effet présenté comme une comédie noire hallucinée, même si elle est plus noire et hallucinée que comique.

Il rejoint ainsi sans difficulté les références du genreFantastic Mr. Fox, L'Étrange Noël de monsieur Jack, Coraline et les Wallace et Gromit pour ne citer qu'eux -  ne serait-ce que pour son aura feutrée et fantasmagorique, sa conception ambitieuse et surtout la passion qui s'en dégage. 

 

La Maison : photoTravail d'orfèvre

 

La Maison met à l'honneur le stop motion, une technique d'animation chronophage, énergivore et donc moins conventionnelle (jusqu'à reprendre les spécificités du procédé en numérique avec La Famille Willoughby). Et pour ce nouveau défi artistique, les différents cinéastes affiliés à la production n'ont visiblement compté ni leurs efforts ni leur temps pour offrir au public une oeuvre à la plastique irréprochable. 

En plus de sa mise en scène savamment réfléchie et des compositions de plans souvent magistrales, La Maison s'apprécie donc en grande partie pour la beauté et la richesse de sa direction artistique, en particulier ses décors chargés et son travail de miniaturisation très détaillé et tangible. Sans oublier la maîtrise de l'animation, qu'il s'agisse de la gestuelle et de l'expressivité des personnages, du soin apporté à l'ondoiement des flammes dans une cheminée ou au grouillement d'une colonie d'insectes sur le sol et les murs.

 

La Maison : photoL'importance de soigner le moindre détail

 

Ce visuel sans fausse note donne ainsi plus de poids aux trois histoires qui composent le long-métrage et qui reposent sur des tropes horrifiques et fantastiques plus classiques et ancrés dans l'imaginaire : un pacte faustien entre un homme humilié et un faux samaritain excentrique ; l'aliénation mentale d'un promoteur immobilier dont la propriété est squattée par d'inquiétants individus et la survie d'un groupe de rescapés après une catastrophe naturelle de grande ampleur. 

Chacune des trois histoires fait également en sorte que la frontière entre réalité et cauchemar devienne de plus en plus imperceptible à mesure qu'avance leur scénario. Le film parvient tout de même à éviter certains écueils, en particulier la tentation de surexpliciter son sous-texte abstrait pour garder intactes ses chimères et sa portée psychédélique.

 

La Maison : photoL'antre de la folie

 

THE NETFLIX HORROR PICTURE SHOW 

Si la beauté du film fera sûrement l'unanimité, sa narration pourrait davantage diviser. La Maison prend en effet plaisir à bouleverser le peu de certitudes que peut avoir le public d'un tableau à un autre. Si le premier court-métrage réalisé par Emma De Swaef et Marc James Roels a tout d'un conte noir et revisite le concept de la maison hantée, le deuxième réalisé par Niki Lindroth Von Bahr est une démonstration plus satirique et cynique sur la société capitaliste, tandis que le troisième mis en scène par Paloma Baeza s'apparente davantage à une envolée lyrique et existentielle.

Le film entièrement écrit par le scénariste Enda Walsh suggère ainsi que les trois histoires ne suivent aucune logique narrative, étant donné que différentes espèces occupent tour à tour les lieux et que le troisième segment met à mal le déroulé chronologique installé par les deux premiers. Le long-métrage suit pourtant bien un fil rouge, autre qu'avec la simple récurrence de la maison dont on reconnait l'architecture d'un bout à l'autre.

  

La Maison : photoL'arrivée du guide spirituel

 

La demeure n'est pas qu'une unité de lieu, elle est au coeur même des trois récits et symbolise pour ses habitants un avenir prospère qu'ils ne peuvent espérer atteindre. Elle est autant un espoir - considérée par les protagonistes comme une bouée de sauvetage - qu'une désillusion, étant donné qu'elle est la raison de leur naufrage.

Les courts-métrages se complètent ainsi dans leurs thématiques, mais aussi dans leur façon d'utiliser la maison à l'écran et dans les scénarios pour rendre compte des obsessions et fantasmes des personnages, tout en mettant en avant leur sentiment commun d'abandon. C'est pourquoi le dénouement du dernier acte est assez déstabilisant. 

 

La Maison : photoScène biblique

 

Alors que La Maison était une prison, le dernier acte est une libération douce-amère. Même si rien ne le dit explicitement, il y a plusieurs raisons de penser que ce dernier se déroule dans une sorte d'au-delà, notamment la brume épaisse qui camoufle l'horizon et le silence pesant ponctuellement brisé par des mantras tibétains. 

Toujours dans ce sens, le premier court-métrage débute sur le dessin d'une horloge indiquant 12h et se termine sur un lever de soleil. Le deuxième court-métrage s'ouvre quant à lui sur le dessin d'un radio-réveil qui indique 6 heures du matin, tandis que le troisième présente un cadran solaire dont on peut difficilement deviner l'heure, le chargeant un peu plus de cette ambiance éthérée à laquelle il serait trop difficile de ne pas succomber

La Maison est disponible sur Netflix depuis le 14  janvier 2022 en France.

 

La Maison : affiche

Résumé

Sorti sans faire de bruit, La Maison est une pépite du catalogue de Netflix, un film ambitieux aussi bien dans l'utilisation de l'animation en volume que dans ses histoires enveloppées de mystère, d'épouvante et de poésie. 

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commentaires
sseb22
21/01/2022 à 11:22

Merci pour vos réponses

Trashyboy2
21/01/2022 à 09:59

@sseb22: clairement pas pour les enfants (il me semble qu'il est déconseillé en dessous de 13 ans.

Parfois vraiment malaisant, mais de toute beauté. Il m'a manqué un fil conducteur plus flagrant entre les différentes histoires, mais le film vaut malgré tout le détour de part son esthétique et la qualité de l'animation.

Numberz
20/01/2022 à 15:31

Des petits chats en stop motion. Ok ce projet est pour moi

Pifpaf
20/01/2022 à 12:52

Clairement inspiré de fantastic mr fox dans l esthétique, pas aussi bien mais sympa quand même

GTB
20/01/2022 à 12:39

@sseb22> Non pas pour les enfants. C'est à la fois dérangeant et les thématiques abordées ainsi que leur traitement n'intéresseront pas beaucoup les enfants. Je dirais à partir de 14ans.

Une œuvre atypique et très intéressante que La Maison. Le premier acte est plutôt épouvante, le second assez dérangeant et le troisième vient heureusement finir sur une touche un peu plus positive. Si vous aimez les curiosité, jetez-y vraiment un œil :). Le Stop-mo a de beaux jours devant lui sur Netflix avec le Pinocchio de Del Toro et le nouveau film d'Henry Selick (L'Etrange Noel de Mr jack, Coraline).

sseb22
20/01/2022 à 11:26

Est-ce conseillé pour les enfants ?
Si oui à partir de quel âge d'après vous ?

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