L'Étranger de la plage : critique de la romance de l'été sur Wakanim

Déborah Lechner | 12 juillet 2021
Déborah Lechner | 12 juillet 2021

Pour la réalisation et l'écriture de son premier long-métrage, Akiyo Ôhashi s'est lancé dans l'adaptation du manga L'Étranger de la plage, un yaoi ou boy's love, c'est-à-dire un genre centré sur les relations sentimentales et/ou sexuelles entre hommes, écrit et illustré par la mangaka Kanna Kii.

SEA, SEX AND SUN

L'Étranger de la plage nous raconte l'histoire de Shun Hashimoto, un écrivain en herbe qui travaille dans une auberge et fait la rencontre de Mio Chibana, un lycéen taciturne qui vient de perdre sa mère et a pris l'habitude de s'asseoir sur un banc pour regarder la mer, perdu dans ses pensées. Shun est presque immédiatement attiré par le jeune homme, qui ne semble pas non plus indifférent, mais doit soudainement le quitter pour aller vivre dans un orphelinat. Trois ans plus tard, Mio est devenu adulte et retrouve Shun pour lui avouer ses sentiments, que l'auteur a cependant du mal à accepter.

Sans se placer parmi les incontournables, L'Étranger de la plage s'impose malgré tout comme la romance feel good du moment sur Wakanim, qui a récupéré les droits de diffusion en France. Avec son ambiance estivale toute trouvée, le film nous transporte vers un petit coin de paradis, sur une île de l'archipel d'Okinawa qui semble presque hors du temps, en premier lieu parce que son nom n'est jamais précisé et que l'action s'y déroule toujours les jours ensoleillés.

 

photoMio, doublé par Yoshitsugu Matsuoka et Justin Briner en anglais

 

Le cadre est parfaitement idyllique, avec ses ruelles pittoresques et fleuries tout droit sorties d'une aquarelle, son ciel azur, ainsi que sa mer calme et scintillante de carte postale. Sans oublier les chants de cigales qui bercent l'ensemble et se substituent par moments aux notes de piano des partitions délicates de Mina Kubota, tout aussi importantes pour installer l'atmosphère paisible et reposante du film. L'animation, colorée et détaillée, a ainsi bénéficié d'un soin tout particulier de la part du studio Hibari, qui signe ici son troisième long-métrage et probablement une des plus belles productions du genre, qui ont rarement droit à autant de bonne volonté.

Pour parfaire le tableau, L'Étranger de la plage se penche sur deux personnages attachants qui nouent une relation saine, les yaoi étant généralement plus adeptes des relations toxiques, même si le film essaie de masquer autant que possible la différence d'âge évidente entre les deux protagonistes. En se détournant du modèle archétypal et fétichiste du genre, qui veut un dominant viril et un dominé plus fragile et efféminé, le film, ne devient pas frileux pour autant et livre l'habituelle scène de sexe, qui reste ici suffisamment explicite et intimiste par les dialogues et les expressions faciales, mais se montre beaucoup plus chaste avec son cadrage pudique. 

  

photoShun, doublé par Taishi Murata et Josh Grelle en anglais

 

C'EST PAS LA LONGUEUR QUI COMPTE, MAIS

Le film s'articule donc autour d'une relation et d'une histoire d'amour finalement simples (sans être simpliste pour autant), et n'avait pas besoin de meubler l'intrigue par un retournement de situation hasardeux pour nous garder devant l'écran. On peut ainsi regretter l'arrivée de l'obligatoire personnage féminin qui vient gentiment jeter le trouble pour complexifier inutilement l'histoire et lui faire perdre en authenticité et en émotivité, tout en reléguant Mio au second plan. L'évolution du personnage s'étant faite hors-champ, ce dernier ne semble plus avoir grand-chose à raconter après ses retrouvailles avec son premier grand amour, si ce n'est qu'il est amoureux.

 

photoUn film avec du coeur et des fleurs

 

Avec 58 minutes au compteur, qui le rapproche presque du moyen-métrage, L'Étranger de la plage est malheureusement beaucoup trop court pour accomplir tout ce qu'il entreprend, en particulier sur les thématiques liées à l'homophobie, le rejet ou la découverte et l'acceptation de soi. Sans se priver de plans plus contemplatifs où le temps s'étire et se suspend, le film passe sous silence de nombreux éléments narratifs et abuse des ellipses pour compacter et parfois embrouiller le récit, qui nécessiterait une bonne demi-heure de plus pour creuser ses personnages et notamment leur passé.

En quelques secondes, Mio réapparaît avec une personnalité à l'opposé de celle qu'on lui connaissait. Et si le scénario nous fait rapidement comprendre qu'il a pu découvrir sa sexualité et ses sentiments auprès de personnes LGBT (contrairement à Shun), rien n'indique comment il a réussi à faire le deuil de sa mère ou à prendre conscience de ce qu'il ressent pour l'écrivain. L'histoire néglige également ses personnages secondaires (un couple lesbien et la propriétaire de l'auberge), qui sont uniquement là pour renforcer le cadre bienveillant de l'endroit. L'Étranger de la plage n'en reste pas moins une parenthèse agréable, qui a le mérite de redorer le blason du genre avec tendresse.

L'Étranger de la plage est disponible en France depuis le 9 juillet sur Wakanim.

 

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Résumé

L'Étranger de la plage est une adaptation un peu trop précipitée, qui aurait mérité plus de temps pour bien installer ses intrigues secondaires et approfondir ses personnages. Le film déborde néanmoins de tendresse avec une animation soignée qui donne envie de voir plus de productions  du genre. On croise donc les doigts pour une adaptation de la suite du manga, L'Étranger du Zephyr

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