Bad Trip : critique d'une mauvaise blague Netflix

Salim Belghache | 30 mars 2021 - MAJ : 31/03/2021 16:42
Salim Belghache | 30 mars 2021 - MAJ : 31/03/2021 16:42

Alors qu’il devait sortir d’abord au cinéma en mars 2020, le long-métrage Bad Trip a enfin trouvé sa place dans l’immense catalogue de la plateforme Netflix. Le petit contretemps d’une erreur de diffusion sur la plateforme Amazon Prime Video en avril a également participé à l’immense  "légende" du trip de l’année. La nouvelle blague d’Eric André mis en scène par Kitao Sakurai nous a-t-elle étonnée ?

Une caméra qui se cache (mal)

À première vue, il peut paraître complexe d’aborder Bad Trip comme un film traditionnel de cinéma. Plus largement, il semble compliqué de rendre compte d’une approche particulière de la mise en scène, à cause du dispositif qu’impose une caméra cachée. Et puis surtout, y a-t-il un quelconque intérêt à prendre du temps pour un film qui veut juste être une blague ?

Plus précisément, le premier point qui saute aux yeux est la pertinence d’un film tourné en caméra cachée. Si dans les années 2000, quelques films de ce type sont parvenus à rencontrer un succès en salle, notamment le mockumentaire Borat : Leçons culturelles sur l'Amérique au profit glorieuse nation Kazakhstan de Sacha Baron Cohen, la portée de ces films résidait dans les outils cinématographiques à disposition. La mise en vente des premières caméras numériques permettait en effet à n’importe qui de prendre sa caméra et de filmer tout et n’importe quoi.

Facilement transportables, les premières caméras DV numériques offraient une image presque cradingue et décuplaient l’impression de réel. Outre le found footage d’un Projet Blair Witch ou la mise en scène hybride de l’horreur d’un Paranormal Activity, la caméra cachée ne tient plus tellement sa place au cinéma.

 

photo, Eric AndréEric André sort du placard

 

Dans le cas de Bad Trip, une différence notable peut nous permettre de voir l’utilité de faire un film de ce genre. En effet, à la différence d’un Jackass, Bad Trip dispose d’une intrigue qui lie l’ensemble des sketchs. Bien qu’un peu sommaire, elle met en exergue l’essence du long-métrage, bien plus proche du cinéma que de la blague sur YouTube.

On suit donc deux "losers" floridiens, au demeurant sympathiques, mais à qui, ils leur arrivent plein de galères. Au début du film, Chris (Eric André) croise Maria (Michaela Conlin), la fille dont il était amoureux au lycée. Celle-ci gère une galerie à New York et laisse gentiment sa carte à notre héros sous le charme. Il convainc son meilleur ami Bud (Lil Rel Howery) de prendre la voiture de sa sœur Trina (Tiffany Haddish) emprisonnée et de partir en road trip pour New York. Sauf que Trina échappe à la prison et veut récupérer sa Bad Bitch rose, volée par les deux personnages.

Toutefois, bien qu’elle crée un enjeu, cette intrigue reste tout de même bien maigre et fonde à partir de cela une logique dont on a du mal à sortir. L’ambition du film, au-delà même de ce brin d’histoire, est d’intégrer la réaction des passants, spectateurs d’une histoire et en même temps acteurs des blagues d’Eric André et de Lil Rel Howery. Par conséquent, l’objectif de la mise en scène est de rendre le malaise des « figurants » visible au spectateur.

 

photo, Eric André, Tiffany HaddishIl y a moyen de sauver le film ?

 

La mise en lumière d’un malaise

L’intervention des passants dans l’espace filmique crée en toute logique un supplément narratif au sketch. Vont-ils oui ou non aider Chris nu comme un ver ? Le passant va-t-il aider Trina à trouver sa voiture ? Enfin bref, tout tient dans l’apport des spectateurs/acteurs de l’action. Il est à noter la bienveillance des comédiens à ne jamais se moquer des autres. En effet, si les acteurs se mettent en scène dans des situations incongrues, comme se faire violer par le singe d’un zoo (oui vous avez bien lu), les civils sont tout de même épargnés de ces circonstances parfois gênantes.

Néanmoins, ce moteur est en réalité le point le plus dommageable du long-métrage. Durant l’ensemble du film, le sentiment de malaise des figurants n’arrive jamais à nous atteindre et l’humour convenu très pipi-caca des acteurs ne nous surprend jamais vraiment.

 

photo Eric AndréOn fonce tout droit vers la catastrophe

 

Cependant, une séquence survient et étonne par le trouble qu'elle introduit. Une scène "gênante" qui malheureusement arrive bien tard, puisqu’il s’agit de la dernière du film. En effet, avant le générique qui nous permet de visualiser la réaction des participants, le dernier sketch interpelle grâce à son ton différent et à sa dimension politique.

Les deux personnages principaux débarquent à une soirée de gala grimés et travestis en femmes blanches. Ils débarquent et voient également Trina arriver en homme blanc. Ce trio conclut le film en rappant et dansant sur une scène. D'aucuns y verront justement, une mise en abîme un peu plus subtil du spectacle qu'ils nous ont fourni, d'autres y remarqueront la véritable force comique de ces acteurs.

L'atmosphère malaisante installée progressivement par les trois comédiens participe d’une certaine manière à la bienveillance du film. Ils se moquent toujours d’eux-mêmes ou dans ce cas précis, ils mettent en scène une satire qui vise à se moquer de la bourgeoisie blanche américaine. Et pour la première fois du film, le sketch n’est pas juste une blague pour déconner entre copains et ça fait du bien !

 

photo, Eric André, Lil Rel HoweryBordel ! Quand on rentre sur la piste !

 

À la manière d’un Borat : Nouvelle Mission Filmée, les trois acteurs s’amusent vraiment de la mise en contexte bourgeoise et bien policée d’une soirée de charité. Les belles robes et les beaux costumes conformes à ce que l’on attend de ce genre d'événements font que les acteurs parviennent enfin à créer un véritable désordre. Encore plus que mettre le bazar, c'est sur le terrain de la morale que la mise en scène du réalisateur Kitao Sakurai parvient enfin à nous toucher, quitte à déplaire.

On aurait juste aimé voir davantage cette force comique durant le reste du film. Pourtant, le réalisateur avait de quoi nous épater. Même si le nom d’Eric André ne vous dit pas grand-chose, le comique n’est vraiment pas dénué de talent. Il exprime en effet son aisance humoristique dans ses stands-up (dont Legalize everything disponible sur Netflix) où son corps est un véritable matériau comique. Son émission The Eric André show, une parodie de talk-show est beaucoup plus corrosive que le long-métrage Bad trip et semble finalement l’espace le plus approprié au génie d’Eric André.

Bad Trip est sur la plateforme Netflix en France depuis le 26 mars 2021

 

Affiche US

Résumé

Bad Trip ne parvient jamais à totalement convaincre et il aurait été probablement plus judicieux de mettre en scène ce duo d'acteur attachant, ailleurs qu'au cinéma. En revanche, les amateurs de comédies bien régressives pourraient y trouver leur compte.

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commentaires
AlexisDePortNeuf
02/04/2021 à 01:35

La critique est un peu dure. C'est clairement pas le film de l'année mais Eric André est un sacré personnage qu'on aime (pardon, qu'on adore) ou que l'on aime pas. Un film qui régale pour tout ceux qui trouve son émission et ses sketchs hilarants

UGOLIN
01/04/2021 à 02:09

J'ai mis mes quelques neurones au frigo,
grillé une bonne dose de pop-corn
zappé les ayatollahs du politiquement correct et yaka faukon
et, après une profonde introspection suivant le mot fin, j'en retient principalement
que dans ma prochaine visite éventuelle au zoo,
j'éviterais de tomber dans la fosse aux gorilles
un bon 4 sur 5 en attendant Bad Trip 2

Neji
01/04/2021 à 00:40

Pathétique du début à la fin, de l'humour de ricain bas de gamme pour des gosses de 16 , 14ans .
Le concept tient 5 minutes après c'est un calvaire c'en est gênant.

Odhal
31/03/2021 à 16:19

La fin relève plus de l'expérience sociale à mes yeux, en suivant l'intrigue qui parle à plusieurs reprises du film " FBI : fausses blondes infiltrées" est-ce que ça marche en vrai ou pas ^^ qu'un truc politique ou engagé. Personnellement j'ai trouvé le film intéressant et marrant.

Azol
31/03/2021 à 16:03

Super film très drôle du Éric André comme on aime
Time to deliver a pizza ball

conik
31/03/2021 à 11:57

Franchement je déteste la vulgarité et l'humour pipi/caca mais bizarrement ce film m'a plié plusieurs de rire et même dans les scènes les plus trash. Cela faisait longtemps que j'avais pas autant rigolé. A mater entre potes en laissant son cerveau de côté ! 4 étoiles pour moi

Ken
30/03/2021 à 16:07

Je comprends pas comment on peut valider un film pareille? Film vraiment mauvais

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