Bliss : critique qui crisse sur Amazon Prime
Après Another Earth et I Origins, Mike Cahill faisait partie de ces créateurs intrigants, se tenant à mi-chemin de la science-fiction et de la poésie. Alors que sa complice Brit Marling vole désormais de ses propres ailes avec l’acclamé The OA, le réalisateur est de retour sur Amazon Prime, pour une nouvelle aventure mettant en scène Owen Wilson et Salma Hayek.
ENVIE DE BLISSER
Le réel n’est plus ce qu’il était. Pire qu’une pandémie, plus déprimant qu’une armada de mesures sanitaires, un homme fraîchement divorcé comprend avec effroi que son existence pourrait n’être qu’une simulation. Réalité et illusion se mélangent, alors qu’il tente de démêler le vrai du faux, il s’enfonce un peu plus profondément dans un épais mystère. Voilà pour le point de départ de Bliss, qui se situe dès ses premiers instants dans l’étroite lignée des œuvres précédentes de Cahill.
Et c’est avec un certain plaisir qu’on retrouve quelques-uns de ses tropismes et notamment son amour d’une science-fiction aux antipodes de la recette éreintée par les blockbusters contemporains. Ici, il ne sera jamais question d’éviter une quelconque destruction spectaculaire, ou d’échapper à quelques cataclysmes numériques tels qu’on en a vu des milliers. Comme toujours, le cinéaste demeure rivé à ses personnages, et ce sont leurs états d’âme qui importent.
Écartelé entre deux rêves, Greg se demande ainsi à quoi il doit renoncer. La promesse de félicité d’Isabel ? L'amour de sa fille ? S’il ne peut distinguer le vrai du faux, si son cœur est aussi aisément manipulable, comment engager ses sentiments, et finalement, prendre soin des siens ? Sous ses airs de questionnement un peu guimauve, le récit délivre ses meilleurs moments, ses passages gentiment suspendus, quand ses protagonistes s’interrogent tout simplement sur le sens de leurs émotions, et redoutent que leurs souvenirs ne finissent dissous dans le flux de leurs existences. Un questionnement qui prolonge finalement celui du tragique Roy Baty dans Blade Runner et constitue une belle promesse dramatique.
CINÉMA BLISS
Malheureusement, Cahill ne joue pas tout à fait à domicile. Ses deux précédents longs-métrages, pour imparfaits et fragiles qu’ils soient, portaient clairement la marque de leur auteur et séduisaient par leur singularité. Mais Bliss se risque à un schéma plus référencé, celui de la simulation chère à Philip K. Dick, un terrain défriché par Matrix, par A Scanner Darkly et quantité de productions s’inspirant de l’héritage du romancier dément qui créa Ubik.
Dans Loterie solaire, Simulacres, Coulez mes larmes dit le Policier ou encore Le Dieu venu du Centaure, on retrouve toujours ces personnages de losers magnifiques, pathétiques et bouleversants, minés par un monde devenu fou, dans lequel ils se débattent pour trouver un semblant de sens.
Tout ne se passe pas comme sur des roulettes
Mais les deux univers qui s'affrontent ici manquent singulièrement de fêlures. La grisaille de notre dimension, comme l'orgie de félicité ensoleillée hors de la matrice, semble également artificielle, et on n'y retrouve rien des décalages, des dissonances, qui rendent d'ordinaire ces propositions binaires charmantes. Si Bliss ne sombre jamais dans les mêmes proportions que L'Agence, il partage une partie de ses limites. Limites qui sont d'ailleurs incarnées par le casting lui-même. Pour excellente qu'elle soit, Salma Hayek apparaît bien trop puissante et sûre d'elle pour nourrir l'ambiguïté que le récit appelle de ses voeux, tandis que les maquilleurs forcent ridiculement le trait sur la mine déconfite d'Owen Wilson, qui est déjà au naturel une glorieuse allégorie du Prozac.
Par conséquent, le film de Cahill manque cruellement de trouble, de chair. Autant d'éléments qui auraient pu lui permettre d'aller plus loin qu'une bluette dont l'argument science-fictionnel demeure perpétuellement en surface, et auquel il manque l'ingrédient essentiel qui faisait l'intérêt des précédents efforts du metteur en scène : un amour de l'étrange qui pouvait l'exposer au bizarre, voire au ridicule, mais lui conférait une touchante humanité.
Bliss est disponible sur Amazon Prime Video depuis le 5 février 2021 en France
Lecteurs
(2.2)13/12/2022 à 04:58
Assez d'accord avec tous les commentaires ; ai apprécié tout de même de l'avoir vu, l'ambiguïté dickienne se prolongeant jusqu'au bout.
06/03/2021 à 07:06
Personnellement j ai adoré, même si il n atteint pas le niveau de i origin qui pour moi est un chef d'oeuvre,
il n y a clairement pas de science fiction, et le personnage de salma hayek qui représente la drogue est visiblement pas compris par tout le monde,owen wilson est très bon, la bo et le thème émouvants, et la scène de sexe des toilettes avec salma (métaphore de prise massive de drogue) est très réussi, très bonne photographie...bref j ai adoré.
17/02/2021 à 02:54
Je n est pas beaucoup vu de science fiction dans ce film ! Mais plutôt une poursuite du bonheur à travers la drogue! Malgré le déni , l un des deux personnages sait très bien ce QU il fait , et entraine encore plus loin l autre ,dans un délire sous drogue , plus extrême
09/02/2021 à 15:20
Je rejoins les autre commentaires, film mollasson, un films de second zone qui fait penser à un film à petit budget
06/02/2021 à 16:47
L bande annonce donne pas envie même si voir Owen Wilson dans un rôle à contre emploi est une bonne idée
06/02/2021 à 16:04
Je confirme votre critique.Un film mollasson regardable mais trop faignant, pas assez travaillé avec un casting bof...Pourtant, il y a un "je ne sais quoi" qui rend ce film attachant.
Spolier : Le retour où elle bute son dealer, c'est du n'importe nawak! Comment bousiller un film en une scène!