The Fanatic : critique qui cabotine comme John Travolta

Mathieu Jaborska | 17 octobre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Mathieu Jaborska | 17 octobre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après être passé par à peu près tous les genres et un paquet de films cultes, John Travolta s'est lancé dans une carrière étrange d'action star au rabais, pour finalement tenter de revenir, presque repentant, au cinéma d'auteur, tendance thriller anti-star-system sûr de lui. Drôle d'objet en effet que ce The Fanatic, commentaire méta et prétentieux sur Hollywood et ses dérives, emballé par le chanteur des Limp Bizkit Fred Durst. Précédé d'une réputation désastreuse due en théorie au jeu de sa star, le film débarque en vidéo en France. Mais est-ce que c'est si catastrophique ?

LE STAR SYSTEM PAR UN SYSTEME DE STARS

Sous ses airs d'OVNI à charge, The Fanatic est loin d'être une anomalie. Son pitch et son personnage de fan traquant son idole au point de la terrifier ont déjà largement été traités au cinéma. Plus généralement, la thématique du star-system et de la dépendance qu'elle peut générer chez ses adeptes était déjà au coeur de deux classiques indétrônables ; le nébuleux Perfect Blue de Satoshi Kon et le très dur Der Fan de Eckhart Schmidt.

Rien de bien disruptif, donc, dans cette histoire somme toute très classique, mais qui se permet de convoquer dans sa deuxième partie des sommets de noirceur tels que La valse des pantins ou Le Locataire.

 

photo, John TravoltaNerd.jpg

 

L'intérêt de ce thriller peudo-psychologique réside plutôt dans sa conception même, puisqu'il est réalisé, joué et produit par un tandem bien affecté par ces problématiques. Quoi qu'on en dise, il y a un peu de vécu dans The Fanatic, ce qui donne aux situations décrites un sens tout autre. Une perspective meta qu'on retrouve finalement très peu au sein des industries culturelles dominantes aux États-Unis, à quelques exceptions près. Le film peut donc être vu comme une version longue du célèbre Stan d'Eminem, où le rappeur adulé imaginait la vie pourrie de ses fans les plus hardcore. La référence n'est pas anodine : l'acteur jouant la vedette en question, Devon Sawa, était le Stan du clip.

L'intrigue s'amuse donc à totalement inverser les rôles, et pas juste pour le plaisir de la citation cinéphile. Le stalker dépressif devient la star sûre d'elle, et le sex-symbol des années 1980 (Travolta a clairement dû avoir son lot de Moose dans sa vie) devient le pauvre dépendant, capable du pire pour toucher du bout des doigts son idole. Les clins d'oeil vont même plus loin quand le comédien hollywoodien est décrit comme habitué aux films d'horreur (Sawa est aussi connu pour sa participation à Destination finale) ou que notre héros psychotique dépense toute sa fortune dans une veste à paillettes.

 

photo, Devon SawaSawa ? Sawa bien.

 

not quite hollywood

C'est aussi sûrement la raison pour laquelle le film ne parvient jamais à atteindre la violence qu'il prétend mettre en scène, au point de se vautrer dans l'outrance la plus totale. La performance de Travolta, grassement moquée depuis la sortie de la bande-annonce, symbolise bien l'énorme problème qui gangrène ce recueil de bonnes intentions autocentré. L'acteur dépeint une forme d'autisme qui aurait été intéressante s’il ne l'avait pas totalement caricaturée pour mieux souligner son implication. Le Moose, personnage fascinant sur le papier, est trahi par le cabotinage incessant d'un comédien en manque de reconnaissance.

Difficile de faire plus maladroit, surtout quand il s'agit de caractériser un protagoniste qui tient autant de la Misery du roman de Stephen King que du Joker version Joaquin Phoenix (Joker est d'ailleurs très inspiré de La Valse des pantins). Car le scénario pondu par Durst et Dave Bekerman est lui aussi bien trop ambitieux pour son propre bien. En multipliant les personnages secondaires unilatéraux, qui bottent forcément en touche face au jeu écrasant de Travolta, et en forçant un peu sur la photo décrépie, il ne se contente pas de s'immiscer dans un esprit malade, et compte bien peindre au vitriol le tout Hollywood, dont le Moose serait l'ultime émanation.

 

photo, John Travolta, Devon SawaQuand t'as oublié ton goûter

 

Handicapé par une mise en scène bien trop sage et un développement narratif paresseux, le long-métrage reste désespérément à la lisière de la descente aux enfers promise. À force de sacrifier la psychologisation de son personnage principal sur l'autel de la surenchère théâtrale, il finit par ne plus raconter grand-chose, sinon qu'être acteur, ce n'est pas facile tous les jours.

Pire, en mettant l'accent sur les névroses de Moose plutôt que sur ses motivations, le scénario fait tout sauf étendre ses maux au système hollywoodien, ce qui était pourtant l'objectif assumé. Dans le même style, et en bien plus incisif, le redoutable et crado Mopequi tourne actuellement en festival, est hautement plus recommandable.

 

affiche américaine

Résumé

La curieuse intertextualité qui se niche dans The Fanatic ne rattrape pas une deuxième partie bancale, parasitée par sa prétention et le surjeu irritant de John Travolta.

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commentaires
Asperge
19/10/2020 à 19:40

Ca m'étonne pas qu'il aille jouer là dedans. Travolta a toujours été un acteur de m.... Il est entré au cinéma par effraction. C'est le Hanona du cinoche.

Zarbiland
17/10/2020 à 19:41

La dèche en ce moment les nouveautés :(

Yvy
17/10/2020 à 15:29

Come on!

jules.cesar.92
17/10/2020 à 14:44

DJ Leathal... bring it on!!!

Mayrix R
17/10/2020 à 14:33

Le seul fait de revoir Travolta me fait plaisir

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