Vivre et chanter : critique d'opérette

Christophe Foltzer | 20 novembre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 20 novembre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Le monde avance à grande vitesse ces derniers temps et il est prêt à laisser derrière lui quiconque ne s'accorde pas à son rythme. Et c'est d'autant plus valable en Chine actuellement. Il était donc indispensable que le cinéma nous en parle à un moment donné. Et ça tombe bien, Vivre et Chanter de Johnny Ma est là pour nous le rappeler.

OMBRES CHINOISES

Oui, c'est un fait, l'Humanité semble embarquée dans un grand virage qui risque d'en laisser plus d'un sur le carreau. Loin de nous l'idée ou la volonté de faire de la politique (encore moins internationale) dans nos colonnes, mais le constat s'impose : le monde change plus vite que ses habitants et il est très difficile de tenir la cadence.

 

photo Vivre et chanterPlus qu'une troupe, une famille

 

Alors que l'ultra-libéralisme montre ses crocs sur à peu près toutes les zones du globe, qu'il est vorace et impitoyable, et que les inégalités entrainent de plus en plus de tension un peu partout dans le monde, le réalisateur Johnny Ma décide, pour son second long-métrage, d'embrasser ce sujet épineux avec un Vivre et Chanter qui décide heureusement de prendre le problème par un chemin détourné.

En l'occurrence, celui d'une petite troupe d'opéra traditionnel chinois, dirigée d'une main de fer par Zhao Li, une petite famille artistique qui se heurte à la dure réalité de la politique expansionniste et de la modernisation de son pays. Possédant un petit théâtre dans la banlieue de Chengdu, elle doit se rendre à l'évidence : la ville détruit un à un les vieux bâtiments et ce sera bientôt son tour. Entre nécessité de trouver une solution, devoir vis-à-vis de ses comédiens et de son public et doutes personnels, Zhao Li n'a pas d'autre choix que de se battre pour faire perdurer son rêve.

 

Vivre et chanterChanter pour vivre ou vivre pour chanter ?

 

SING CITY

Ce qui frappe d'emblée à la découverte de Vivre et Chanter, c'est la haute teneur de l'univers créé par Johnny Ma. Il n'a en effet pas son pareil pour confectionner un monde où se côtoient habilement le désenchantement le plus total et l'émerveillement le plus magique. Partant d'une réalité grise et dure, il parvient avec aisance à y injecter une bonne dose d'onirisme salvatrice tout autant que mélancolique, reflet des tourments de son personnage principal.

Ce qui nous vaut quelques tableaux surréalistes magnifiques et saisissants, preuve que le réalisateur possède un monde intérieur bien à lui et dont il a toutes les clés. En effet, les scènes d'opéra, qu'il s'agisse de leur direction artistique, de la composition des plans ou de leur ambiance, font preuve d'une ampleur bien particulière qui arrive à transmettre toute la puissance du spectacle dans un lieu confiné et en décrépitude.

 

Vivre et chanterDes scènes d'opéra qui vont vous en mettre plein les yeux

 

Telle une jolie fleur poussant au milieu d'un champ de ruines, Vivre et Chanter nous happe dès les premières secondes pour ne plus nous lâcher, nous prenant à défaut pour nous émouvoir. Si le film accuse certaines longueurs (il n'aurait pas été moins bon en retirant un gros quart d'heure), il n'en reste pas moins une oeuvre forte, servie par d'excellents comédiens, et qui utilise son propos avec parcimonie et intelligence.

C'est en effet sa plus grande qualité, la subtilité. En restant à hauteur d'homme, en se concentrant uniquement sur la petite troupe d'opéra, Johnny Ma nous parle de beaucoup de choses, l'air de rien. Du rapport entre les générations, du changement nécessaire pour s'intégrer à la modernité, de la perte des traditions en faveur des nouvelles technologies. L'autre intelligence du film, c'est de ne jamais donner de leçon, de ne jamais s'enliser dans un pamphlet passéiste ou conservateur qui aurait nui à la puissance de l'ensemble.

Vivre et Chanter n'a pas de morale à défendre, il s'intéresse avant tout aux hommes et aux femmes, empêtrés dans les considérations d'un monde moderne impitoyable qui fait peu de cas de leur sort. Comme pour nous rappeler que l'expansion a un prix : celui, peut-être, de perdre ses racines. On en ressort touché, ému, troublé, avec la sensation néanmoins d'emporter une partie de sa magie avec nous.

 

affiche

Résumé

Malgré quelques longueurs, Vivre et Chanter est un très bon film, envoûtant, touchant et beau, tout simplement. Mélancolique, humain et beaucoup plus profond qu'il n'y parait, il constitue autant une mise en garde qu'une recherche d'un temps déjà perdu. Fort.

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