Dolemite is my name : critique blaxploitée

Christophe Foltzer | 29 octobre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 29 octobre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Hollywood se nourrit toujours de sa propre histoire pour alimenter son mythe du rêve américain. Et cela n'a jamais été aussi vrai qu'avec Dolemite is my name, nouvelle production Netflix avec Eddie Murphy et mise en scène par Craig Brewer, le réalisateur du remake de Footloose.

UNDERCOVER BROTHER

Hollywood adore nous raconter les histoires des outcasts qui, ne partant de rien, arrivent au sommet. C'est toujours pratique pour alimenter sa propre légende, tout autant que cela permet au public de faire connaissance avec des artistes qu'il ne connait pas forcément de prime abord. Le problème, c'est que les biopics ont toujours tendance à virer dans l'hagiographie larmoyante, dans la réécriture de l'histoire problématique, comme Bohemian Rhapsody nous l'a encore prouvé l'an passé.

 

DolemiteEddie Murphy comme vous ne l'avez jamais vu

 

Mais Netflix, lui, s'intéresse aux marginaux, à ceux qui ne semblent pas destinés au succès, comme il l'a prouvé il y a quelques mois avec The Dirt et comme il le souligne aujourd'hui avec Dolemite is my name. Ici, nous faisons connaissance avec Rudy Ray Moore, artiste frustré qui a raté sa vie et se contente d'être disquaire dans le quartier noir de Los Angeles de 1970. Toujours aussi ambitieux, c'est là qu'il commence à entendre des histoires salaces parmi les clochards du coin et décide de les reprendre pour créer un nouveau personnage : Dolemite.

Un pimp' surpuissant, entouré de belles plantes et pourfendeur de l'autorité qui lui permettra d'accéder à une grande renommée dans la communauté. Voulant tutoyer les étoiles, il décide de se lancer dans le cinéma pour produire Dolemite, en 1975, qui deviendra l'un des plus grands films de la blaxploitation, l'un des plus rentables aussi.

C'est cette ascension vers le succès que le réalisateur Craig Brewer (déjà coupable de Footloose en 2011, mais aussi réalisateur de Black Snake Moan et du futur Un prince à New York 2) se charge de nous raconter et, pour l'occasion, il est particulièrement bien entouré.

 

DolemiteWesley Snipes en état de grâce

 

PIMP MY RIDE

C'est effectivement avec un énorme plaisir que nous retrouvons Eddie Murphy, perdu depuis des années dans la comédie familiale de bas étage, dans le rôle de Rudy Ray Moore. Et, par bien des égards, ce rôle est pour lui celui de la consécration, tant le comédien y montre tout son talent tout en ne se mettant jamais plus en avant qu'il ne le faut. Ceux qui sont habitués à ses grimaces et ses déguisements risquent d'être sacrément surpris, tant il s'abandonne à son rôle, reste en retrait et montre un panel d'émotions très larges allant de l'excitation pure à la profonde mélancolie. C'est bien simple, on a l'impression de le voir pour la première fois de sa carrière composer un autre personnage que lui-même et ça fait énormément plaisir.

À côté de lui, le reste du casting est tout aussi solide avec un Keegan-Michael Key très imprégné de son personnage du scénariste Jerry Jones, ou encore Da'Vine Joy Randolph, parfaite en Lady Reed. Mais c'est bel et bien Wesley Snipes qui remporte la mise à chacune de ses apparitions.

Campant le comédien D'Urville Martin, petite gloire des seconds rôles à l'égo énorme, notre Daywalker d'amour explose l'écran dès qu'on le voit, composant avec jubilation cet homme extrêmement précieux, toxicomane et ridicule dans sa suffisance. Nous ne sommes pas loin de penser que, lui aussi, nous livre une de ses meilleures prestations depuis des années. Et cela fait un bien fou de le revoir à l'écran dans un vrai film (et pas dans un actioner DTV ras du sol).

 

DolemiteUn univers qui ne respecte rien

 

YOU GOT SOUL

Si Dolemite is my name fait un parcours sans faute en ce qui concerne son casting et sa reconstitution du Los Angeles des années 70, c'est malheureusement un peu plus compliqué dans ce qu'il nous raconte. Qu'on ne s'y trompe pas, le récit est prenant, drôle et passionnant, mais tout cela nous parait un peu facile quand même.

En effet, à aucun moment, Rudy Ray Moore et sa bande ne semblent connaitre de vraies difficultés dans leur ambition et leur pari fou. Bien sûr, la réalité du milieu nous est montrée de manière assez acide, et c'est vraiment à force de démerde que Dolemite a vu le jour, mais cette success-story nous parait quand même zapper pas mal de zones d'ombres, de son personnage principal notamment, qui, en dépit de gros doutes ne perd jamais la foi et se montre plus fort que tout. Il y manque un peu d'enjeux et de drames pour vraiment gagner en empathie.

 

DolemiteEn route pour la gloire

 

Pourtant, il y a un aspect très intéressant que soulève le film sans vraiment l'exploiter totalement malheureusement. Dolemite is my name célèbre à sa manière l'ambition, le rêve américain et la débrouillardise, tout comme il se pose en pourfendeur gentillet du système actuel. En effet, il dénonce (surtout dans sa première partie) l'aveuglement des studios vis-à-vis du grand public, l'installation du politiquement correct oppressant tout comme la nécessité absolue de provoquer l'establishment pour parvenir à une certaine authenticité. Un angle salvateur et très important actuellement qu'on aurait aimé voir plus mis en avant.

Même si on chipote, Dolemite is my name reste un divertissement de qualité, sincère dans sa démarche et très respectueuse vis-à-vis de son sujet, un peu trop peut-être. Il n'empêche qu'on passe un très bon moment tout en redécouvrant des acteurs que l'on croyait perdus depuis fort longtemps. Et rien que pour ça, c'est à voir.

 

affiche finale

Résumé

S'il reste assez gentil dans ce qu'il raconte, Dolemite is my name n'en est pas moins un biopic saisissant sur un personnage haut en couleur du cinéma d'exploitation. Avec en prime un Eddie Murphy et un Wesley Snipes en état de grâce, on aurait tort de bouder notre plaisir.

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Lecteurs

(3.5)

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commentaires
Flash
02/11/2019 à 09:21

Excellente surprise ce film, je croyais Murphy et Snipes définitivement perdu et bien non, et c'est tant mieux.
Le «feel good movie» de l'année.

Rorov94M
30/10/2019 à 18:42

Eddy redeviens le boss grâce à NETFLIX!

colu
30/10/2019 à 13:44

Pas encore vu mais c'est dans ma liste mais votre critique m'a donné envie de le voir.
C'est moi ou je me trompe mais la trame du film ressemble un peu à celle de Monsieur Le Député.

Dudu
30/10/2019 à 11:07

Super film, comme l'a dit ZEN!! il fait partie de ce que j'ai vu de mieux cette année.
Wesley Snipes est vraiment un gros gros plus du film, et ça fait vraiment plaisir de le voir lui ainsi qu'Eddie Murphy dans un produit de qualité.
Par contre l'aspect que dénonce la critique (un côté "trop facile") est celui que j'ai préféré du film; le côté "positivisme" m'a fait un bien fou et ça change du côté galère et dépression qu'on voit un peu trop souvent selon moi. Oui, Rudy et sa bande essuient des échecs et des refus, en même temps ils gardent la foi et le sourire et c'est super.

A voir!!

Satan LaBite
30/10/2019 à 09:34

Eddie Murphy, un immense acteur aussi sous estimé que Jim Carrey. Quand on revoit aujourd'hui 48H ou Le Flic de Beverly Hills, il bouffe la pellicule comme rarement.

Dutch Schaefer
30/10/2019 à 08:19

Hmmmmmmmm entendre dire que Eddie Murphy est là dans ce qui est certainement son meilleur rôle et qu'en plus L'IMMENSE Wesley Snipes bouffe la pellicule....
J'ai hâte! Allez hop je sais ce que je vais voir ce soir! :-)

Ratatak
30/10/2019 à 00:04

Plaisir plaisir Snipes qui joue enfin !! Sans doute l'acteur qui est le plus passe a côté de sa carrière quel dommage c'est encore une bombe de charisme brut...

Dateuss
29/10/2019 à 18:45

Ça faisait plaisir de revoir toute cette bande, très en forme en plus. J'ai même été agréablement surpris par le doublage français, vraiment de bonne facture.
Mais il y a une chose qui me pose question : la voix Française officielle d'Eddy Murphy est décidé il y a quelques temps et pourtant la voix actuelle ressemble y terriblement !

John Cutter
29/10/2019 à 17:13

La critique oublie de mentionner que visuellement c'est somptueux comme toujours chez Brewer (excepté pour "Footloose" et encore) la production design et les costumes entre autres sont à tomber .
Eddie Murphy revient enfin dans le game et l'un de mes héros d'adolescence à savoir le grand Wesley vole la vedette à tout le monde, que dire mis à part vivement "Coming 2 America" !

LE QUEB
29/10/2019 à 17:04

Black Disaster Artist ..... sa résume tout .. le meilleur eddie murphy en 25 ans (outre dreamgirls)

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