Miraï, ma petite soeur : critique de la famille
Même si Hayao Miyazaki a annoncé plusieurs fois une retraite qui ne vient jamais, l'animation japonaise se cherche un successeur. Et dans le trio de tête, il y a Mamoru Hosoda. Ayant son propre univers, parsemé des codes du studio Ghibli, il nous offre aujourd'hui son nouveau film, Miraï, ma petite soeur, une oeuvre en forme de prise de risque pour son auteur.
SALE GOSSE
Depuis plus de 15 ans, Mamoru Hosoda s'est positionné comme l'un des auteurs-phare de la "nouvelle génération" de réalisateurs d'animation japonaise avec des films comme La Traversée du temps, Summer wars, Les Enfants loups Ame & Yuki ou encore Le Garçon et la Bête. Des oeuvres fortes, particulières, preuves d'un univers riche et profond, constamment à cheval entre le fantasme et la réalité, et qui nous questionnent à chaque fois sur notre rapport aux autres et à nous-mêmes.
Maintenant qu'il a acquis une bonne reconnaissance critique et publique sur la scène internationale, il peut enfin entrer dans le dur, dans le coeur-même de son travail et nous proposer des films plus atypiques.
Une nouvelle venue qui va poser quelques problèmes
Et c'est exactement le cas de Miraï, ma petite soeur, un film qui risque de bousculer pas mal de spectateurs. Cette fois, Hosoda plonge encore plus dans l'intime en nous présentant le quotidien de Kun, petit garçon turbulent qui attend avec impatience l'arrivée de sa petite soeur. Sauf que les choses ne se passent pas comme prévu et Kun se sent peu à peu délaissé au profit du nouveau bébé. Alors qu'il la rejette, un arbre planté dans son jardin permet à des figures familiales de différentes époques de lui rendre visite pour lui faire comprendre la réalité de la situation.
Avec un pitch pareil, on s'attend à un film mainstream mais charmant, emprunt d'envolées lyriques et spectaculaires en mode Le Drôle de Noël de Scrooge où le héros évolue au gré de ses rencontres. S'il y a beaucoup de cela dans le fond, la forme, elle, est assez perturbante au premier abord.
TREE OF LIFE
Le gros souci de Miraï, ma petite soeur, c'est qu'on a l'impression qu'il nous raconte plusieurs films sans jamais se décider sur l'histoire principale de son récit. Si le petit Kun est le personnage central du scénario et que nous voyons les choses selon son point de vue, le métrage hésite constamment.
D'un côté, on nous montre les difficultés du père qui, travaillant à la maison, doit à présent s'occuper de ses enfants lorsque sa femme part en déplacement, le mettant ainsi face à ses propres doutes. De l'autre, nous avons Kun et son rapport à Miraï, entre amour et haine, fascination et jalousie qui tente d'accepter ce nouvel être qui le dégage de sa place d'enfant-roi. Mais, en plus de tout ça, il y a aussi le récit de la famille sur plusieurs générations et comment les choses se transmettent et se répètent. Sans parler des séquences oniriques...
Bref, ça fait beaucoup de choses à traiter en 1h38 de film.
Et malheureusement, Mamoru Hosoda n'y parvient pas. Passant d'un récit à l'autre, il n'arrive pas à donner une cohésion à l'ensemble. Le film s'en retrouve découpé en petits épisodes basés sur un schéma identique (un problème dans la vie réelle, introduction du protagoniste fantastique, déroulement de la scène onirique, résolution dans la réalité et on passe au suivant), ce qui tue totalement toute tension ou enjeu dramatique. Un problème de construction totalement antidramatique qui occasionne de grosses longueurs et atténue totalement la portée de son message (l'acceptation du changement).
Pourtant, prises séparément, toutes ces pistes fonctionnent à merveille. Hosoda a enrichi son récit de sa propre expérience de père et d'homme marié, et les scènes de la vie quotidienne bouleverse par leur authenticité. Il parvient même à nous faire ressentir le sentiment d'être un enfant. Il faut à ce titre saluer l'exemplarité du traitement de Kun et Miraï. Kun, passant d'un caprice à l'autre, tiraillé entre son amour pour sa soeur et son refus de perdre sa place, lié à sa peur de l'abandon. Miraï, petit être fraichement débarqué dans notre monde qui le découvre avec de grands yeux pour finalement entrer en connection avec lui. Sur ce plan, c'est magnifique, beau et émouvant.
PETIT KUN
Sur le plan technique, le film oscille également entre le magnifique et le correct. La direction artistique peut apparaitre simpliste mais fonctionne à merveille dans cette perspective réaliste, voire presque naturaliste. La mise en scène de ces moments est particulièrement soignée, tout comme, évidemment, les envolées oniriques.
On notera cependant que l'utilisation un peu trop forcée de la 3D dans la dernière partie du film gâche un peu l'ensemble et nous sort du trip. Et, détail qui fait plaisir, la fameuse ligne rouge propre à Hosoda est toujours présente mais utilisée avec parcimonie et grande intelligence.
L'animation quant à elle est toujours très bonne de manière générale même si nous assistons à quelques passages plus mécaniques et grossiers que d'autres. Quant à la musique, composante essentielle de l'oeuvre d'Hosoda, elle se situe dans la continuité de ses deux films précédents (Le Garçon et la Bête et Les Enfants loups Ame & Yuki) refusant la mélodie emblématique au profit de sursauts sonores et ruptures de ton en phase avec les émotions de son personnage principal.
Un petit garçon forcé à grandir
Au final, le terme "mécanique" pourrait être élargi à l'ensemble du métrage. Trop artificiel dans sa construction, Miraï, ma petite soeur souffre de gros problèmes conceptuels sur le plan dramaturgique pour vraiment convaincre. Comme si Hosoda faisait passer le fond de son récit avant sa forme et sa cohérence. Défaut que l'on voit de plus en plus chez lui d'ailleurs, d'un film à l'autre. Et pourtant, ça marche.
Le film fonctionne, il nous emporte dans son histoire, nous submerge d'émotions mais, étrangement, cela n'arrive pas dans ses passages oniriques mais dans les petits détails de la vie de son héros, dans les scènes banales où le doute d'être un bon parent survient, où la peur d'être abandonné nous terrorise. Dans ces petits riens qui font que la vie est une grande aventure. Et ça, c'est très perturbant.
Lecteurs
(3.5)27/12/2018 à 09:14
Arrêtez de cantonner l'animation japonaise a Miyazaki. Hosoda comme Shinkai n'ont rien a voir avec le réalisateur de Princesse Mononoke. Ce n'est pas des successeurs, juste d'autres auteurs.
23/12/2018 à 11:46
sa comence a qu elle heure
13/12/2018 à 19:57
C'est la premier HOSODA que je vais zappé.
Le gars a trouvé son petit créneau confortable et il commence à m'ennuyer...
13/12/2018 à 15:27
@Greg :
Dans quasiment tous ses films, Hosoda entoure d'une ligne rouge son protagoniste principal pour signifier son passage sur un plan onirique.
13/12/2018 à 14:16
Le débat est quasiment clos désormais ; le nouveau successeur (en termes de box office) à Miyazaki est Makoto Shinkai qui, contrairement à Hosoda, à su développer au fil de ses productions un univers véritablement personnel ET détaché des codes Ghibli!
13/12/2018 à 14:04
Qu'est-ce que vous appelez "la fameuse ligne rouge propre à Hosoda" ??