Sale temps à l'hôtel El Royale : critique Cluedodo

Geoffrey Crété | 28 septembre 2022 - MAJ : 30/09/2022 16:13
Geoffrey Crété | 28 septembre 2022 - MAJ : 30/09/2022 16:13

Un hôtel désert et paumé. Jeff Bridges, Dakota Johnson, Jon Hamm, Cynthia Erivo, ou encore Chris Hemsworth réunis sous une tempête. Une grosse impression que quelque chose ne tourne pas rond. Sale temps à l'hôtel El Royale, deuxième film de Drew Goddard après le malin La Cabane dans les bois, a tout pour plaire. Au début du moins. Car à la fin, il y a toutes les raisons de baîller.

BÊTE MOTEL

Avec ses petits airs d'Identity et son casting de premier ordre (Jeff Bridges, Dakota Johnson, Jon Hamm ou encore Chris Hemsworth), Sale temps à l'hôtel El Royale a de quoi laisser rêver. Avec à la barre le réalisateur de La Cabane dans les bois, qui a en plus signé des scénarios de Buffy contre les vampiresAlias, Cloverfield, Lost, World War Z et Seul sur Mars, en plus d'être le créateur de la série Daredevil sur Netflix, il y a a priori l'assurance d'un spectacle bien troussé, potentiellement plus malin que la moyenne.

 

photo, Jeff BridgesT'es malin toi ?

 

La déception n'en sera que plus grande tant cet hôtel sent le renfermé. Tout commence pourtant bien, avec une longue scène énigmatique et stylisée, qui annonce d'emblée le chaos à venir. Le démarrage est même plutôt amusant avec la rencontre entre divers stéréotypes (un prêtre tout doux, une chanteuse sur ses gardes, un vendeur antipathique, une femme fatale rebelle, un réceptionniste tout frais), réunis dans un vieil hôtel poussiéreux bâti sur la frontière entre le Nevada et la Californie.

Mais très vite, Sale temps à l'hôtel El Royale tourne en rond. S'éternise sans raison (DEUX HEURES VINGT). S'empêtre dans une construction en chapitre pas bien solide. Et revient peu à peu dans les rails pour se terminer de manière parfaitement soporifique, laissant une seule phrase en tête : tout ça pour ça.

 

photo, Jeff Bridges, Cynthia Erivo, Jon HammDans l'attente d'un truc à faire et jouer

 

LES INCONNUS DU ROYAL EXPRESS

Entre Agatha Christie et Cluedo, Sale temps à l'hôtel El Royale intrigue d'abord beaucoup. Le prologue annonce du sang et des billets, et l'étrangeté de la rencontre des personnages lance bien des questions et pistes intéressantes. La ligne rouge qui figure la frontière entre les états, la déco rétro, le côté film noir revendiqué, l'énigme soignée des protagonistes : en quelques dialogues, le film donne suffisamment de matière pour s'accrocher à cette ambiance old school qui flirte avec l'exercice de style un peu facile.

 

photo, Jeff BridgesJeff Bridges, sous le masque

 

La construction en chapitre est dans un premier temps très réussie. Le mystère qui entoure ces personnages moins paumés que prévu devient vite parfaitement rocambolesque, et le film prend un malin plaisir à clore les premières parties sur des images étonnantes, qui rebattent les cartes pour promettre un joyeux bordel. Il y a alors la promesse d'un spectacle assurément drôle, décalé, sanglant et cruel.

Et le casting s'amuse de toute évidence. Jeff Bridges assure le service avec son naturel habituel et charme encore avec sa voix, Dakota Johnson rappelle encore une fois son talent en jouant avec délice cette fausse pouffe, Jon Hamm est sans surprise parfait en bonhomme sorti d'un autre siècle et Chris Hemsworth promène ses abdos avec la totale conscience qu'il joue avec son image. Les visages moins connus ne déméritent pas : Lewis Pullman est excellent et Cynthia Erivo (également dans Les Veuves de Steve McQueen) s'impose d'emblée. Dommage que tout ce beau monde n'ait vite plus grand chose à jouer dans ce cirque.

 

photo, Cynthia ErivoCynthia Erivo, centrale ici

 

L'HOTEL GUEULE DE BOIS

Si Sale temps à l'hôtel El Royale démarre bien, c'est aussi parce qu'il laisse d'abord un peu rêver. Sous ses airs de huis clos et whodunit (du genre policier où une enquête doit résoudre un mystère), le film dévoile vite quelques cartes de son jeu, et signale très vite qu'il y a quelque chose de plus à en attendre. Chaque personnage cache bien évidemment des choses douteuses, chaque chambre révèlera quelques secrets, et le chapitre consacré à Jon Hamm lance de nombreuses pistes. Ce El Royale n'est pas un lieu ordinaire, et c'est tant mieux.

Drew Goddard ayant questionné le genre horrifique dans La Cabane dans les bois pour un résultat particulièrement malin, le voir se frotter au film noir dans une ambiance parfaitement artificielle (vieil hôtel, jukebox et archétypes bien habillés), laissait espérer une relecture réfléchie, potentiellement méta. Le début du film semble presque jouer avec cette attente, de la manière dont certains personnages sont écrits, à un décor de coulisses qui rappelle le film d'horreur co-écrit avec Joss Whedon.

 

photo, Jon HammJon Hamm

 

Hélas, Sale temps à l'hôtel El Royale n'est rien de tout ça. Il n'a rien de malin ou réflexif. Il n'est même pas divertissant ou fun. Drew Goddard a rassemblé tous les ingrédients pour une petite aventure, et s'arme dans un premier temps comme un bon artisan sûr de lui et sa destination. Mais à l'arrivée, il n'y a à peu près rien à se mettre sous la dent tant le résultat est vain et vide.

Après environ une heure, il devient de plus en plus évident que Sale temps à l'hôtel El Royale n'empruntera aucun chemin risqué ou extrême, et reviendra sur les rails. Le chapitrage devient vite ronflant et superflu, la faute à des flashbacks explicatifs platement écrits et pensés. Les interactions entre les personnages sont vite simplifiées et reserrées, remplaçant les promesses plus folles des débuts. Les mystères sont remballés les uns après les autres, quand certains sont simplement mis de côté - le désir de piocher de l'absurde et de l'audace chez les frères Coen est évident.

Quand le climax se met en place et rassemble ce qui reste du film, c'est un festival de banalités, de répliques calibrées et prévisibles, avec in fine des résolutions parfaitement ennuyeuses et paresseuses (hormis peut-être un élément). Quel était donc le sujet de Sale temps à l'hôtel El Royale ? Quelle était l'ambition de Drew Goddard ? Comment tant de talents ont-ils pu être réunis pour un film si minuscule et insignifiant ? Où est le cinéma, où est le sens ? Là réside la véritable énigme d'El Royale. Et aucune réponse n'est apportée à ce grand mystère made in Hollywood.

 

photo

Résumé

Il y avait là tous les ingrédients pour emballer un thriller amusant et décalé, voire même malin, avec un casting en or. Il y a au final un film interminable, tristement plat et téléphoné, auquel il manque beaucoup d'imagination et d'audace.

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Lecteurs

(3.3)

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commentaires
Mellowjam
29/09/2022 à 14:11

Je l'ai vu hier soir et je rejoins cette critique à 500 %.
Tout ça pour un oeuf qui tombe à plat . oO

Chris Anthem
29/09/2022 à 07:16

Très bon film si il est français il prend 4/5.

Mouais Bof...
28/09/2022 à 22:29

Film prometteur avec un scenario et un concept ,de prime abord, qui était alléchant.
Mais je rejoins la critique , qu'est ce que c'était barbant. Il m'a fallut le 3ème visionnage pour le finir. Au final bonne serie b passable sans plus. Rien de marquant.

Miami81
13/09/2020 à 00:44

D'accord avec la critique. Le film n'est pas franchement mauvais, mais au final, il n'offre absolument pas ce qu'il semble mettre en place dans toute la 1ère partie. Sans parler effectivement de certains chapitres de l'histoire, pourtant prometteurs, tout bonnement laissés sur le bord de la route sans jamais donner aucune explication. Enfin 2h20 pour ne rien dire, c'est long.
Bon par contre, j'avoue que j'ai bien aimé le cabotinage de Chris Hemsworth, c'était assez fun.

pere colateur
27/10/2019 à 23:45

Super film pour ma part avec des surprises et rebondissements a foison. Scénario tres ingenieux. Trop rare.

Dutch Schaefer
27/10/2019 à 17:51

Très bonne surprise en ce qui me concerne!
Pas parfait, mais qui a au moins le mérite de faire une PROPOSITION de cinéma!

STEVE
26/10/2019 à 21:40

Assez bon film.
Bien écrit et réalisé.

Et qui, au milieu des nullités sorties d'Hollywood récemment, en gagne en plaisir.

Dans.les annees.90, lorsque la qualité américaine était plus grande, peut etre l'aurais je jugé nul. Mais à cette époque ça fait du bien

Neogeo
27/12/2018 à 22:12

Très plaisant.
L’alzheimer de Jeff Bridges ne sert à rien dans l’histoire

MystereK
23/12/2018 à 23:04

"A l'heure actuelle des Marvel et autres disneyreries..."

Bon, les Marvel et autres disneyserie, cela représente combien de films par ans ? 20 ? 40 ? 50 ? Sur combien ? quelques centaines... alors il y a plein de film du "milieu" ou indépendant ou même de grosses production de qualité... faut juste lire autre chose que les gros titres.

STEVE
12/12/2018 à 00:06

Hormis des longueurs vers la fin j'ai trouvé ce film plaisant.

Et ça fait du bien de voir un film "du milieu" financé par un studio comme cela se faisait il n'y a pas si longtemps.

A l'heure actuelle des Marvel et autres disneyreries...

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